PARAGRAPHE 2: UNE NORME MODIFIABLE SANS
L'INTERVENTION DU PEUPLE SOUVERAIN CONSTITUANT
Nous relèverons ici la subsidiarité du
référendum dans la procédure constituante (I) et la
confiscation du pouvoir constituant par les pouvoirs constitués (II).
I- LA SUBSIDIARITÉ DU REFERENDUM DANS LA
PROCEDURE CONSTITUANTE
Le recours au peuple souverain constituant n'est pas
très usité en droit constitutionnel camerounais. Pour tout dire
le référendum est une procédure constituante subsidiaire.
Une subsidiarité consacrée par les textes (A) et
préjudiciable à la suprématie constitutionnelle (B).
A) Une subsidiarité consacrée par les
textes
Les différentes Constitutions camerounaises ont
toujours privilégié la voie parlementaire (1) pour la
révision de la Constitution. Et même lorsque le
référendum est envisagé, il reste une option à la
discrétion du Président de la République (2).
1- Le privilège accordé à la voie
parlementaire
Tant la Constitution du 4 mars 1960 que celle du
1er septembre 1961 avait consacré la voie parlementaire comme
moyen de révision. Ainsi l'article 49 alinéa 3 de la
première Constitution camerounaise disposait-il que "la révision
doit être votée à la majorité des deux tiers des
membres composant l'Assemblée." Cette disposition sera reprise par
toutes les suivantes, certes avec quelques nuances qui n'étaient
cependant pas de nature à remettre en question la primauté du
Parlement. Il ressort ainsi de l'article 63 alinéa 3 de la loi
fondamentale du 18 Janvier 1996 que "le Parlement se réunit en
Congrès lorsqu'il est appelé à se prononcer sur un projet
ou une proposition de révision de la Constitution (...) Le texte est
adopté à la majorité absolue des membres le
composant."(47) Que ce soit un projet ou une proposition, la voie parlementaire
apparaît comme le chemin privilégié par le constituant.
Cette solution est différente de la solution française qui marque
sa préférence pour le référendum (48).
2- L'option du référendum laissée
à la discrétion du Président de la
République
L'autorité de la norme aurait certainement gagné
en effectivité si le référendum avait été
élevé au rang de "sanction obligatoire de la Constitution". En
laissant l'option au Président
47 Article 63 alinéa 3 Constitution de 1996
48 II ressort de l'article 89 de la Constitution du 4
octobre 1958, qu'après que le texte soit adopté en termes
identiques par les deux chambres, "la révision est définitive
après avoir été approuvée par
référendum". L'alinéa 3 laisse clairement entendre que la
voie populaire est la voie "normale" et que le recours au Congrès n'est
que la voie secondaire.
de la République, la possibilité lui est
offerte de recourir au peuple pour contourner un refus du Parlement ou de
choisir la voie parlementaire pour éviter un désaveu populaire.
Le système français est appréciable, car le Parlement
intervient obligatoirement dans la procédure de révision. C'est
une sage précaution, tant il est vrai que "le peuple n'est pas toujours
le mieux éclairé", qui permet de dégager un large
consensus autour de la norme fondamentale.
Le constituant camerounais gagnerait à s'en inspirer,
car ce choix n'est pas sans conséquence sur la stabilité de la
norme constitutionnelle.
B) Une subsidiarité préjudiciable
à la stabilité constitutionnelle
Ce préjudice résulte de la pratique consistant
en l'exclusion du peuple de la procédure de révision (1)
désormais soumise aux caprices d'une majorité parlementaire
(2).
1- L'exclusion pratique du peuple de la
procédure de révision
Si l'on considère toutes les révisions
constitutionnelles, celles de 1961 et de 1996 incluses, on ne peut que se
rendre à l'évidence que le peuple est réduit à
jouer un rôle d'observateur dans la procédure de révision.
On pourrait même se demander si la Constitution de 1972 aurait
été adoptée par référendum si le
Président Ahidjo avait eu aussi la "profonde conviction" d'obtenir les
voix des députés anglophones siégeant à
l'Assemblée fédérale. La voie populaire
n'apparaissait-elle pas plus politique que juridique, tant il est vrai que "le
peuple n'a pas le droit d'amendement, il accepte ou rejette en bloc le texte".
Quoiqu'il en soit, le rejet implicite de la consultation populaire est
consacré par le recours permanent aux "représentants souverains
du peuple".
2- Une stabilité soumise aux "caprices" d'une
majorité parlementaire
La stabilité constitutionnelle ne dépendrait
plus alors que du bon vouloir du parti dominant. Ce schéma est
envisageable en l'état actuel de notre droit constitutionnel. Par le
fait des dispositions transitoires, l'Assemblée nationale exerce les
attributions du Parlement. Elle pourrait donc intenter avec succès une
révision constitutionnelle. D'ailleurs elle en a l'habitude, certes pas
sous l'ère du pluralisme mais l'opposition ne serait pas vraiment un
obstacle insurmontable devant la ferme volonté de bouleverser l'ordre
constitutionnel.
En consacrant la subsidiarité du
référendum, on remet ainsi l'entièreté du pouvoir
constituant aux pouvoirs constitués.
|