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Typologie des systèmes d'élevage laitier au Maroc en vue d'une analyse de leurs performances

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par Mohamed Taher Sraà¯ri
Faculté universitaire des Sciences agronomiques de Gembloux, Belgique - Doctorat en Sciences agronomiques et Ingénierie biologique 2004
  

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III-2-3-c Discussion

Les systèmes d'élevage sont généralement définis par les interactions qui s'établissent entre éleveurs et leurs troupeaux, conditions environnementales et ressources [LHOSTE, 1984]. Dans ce travail, il s'est avéré que les variables reflétant les pratiques d'élevage, par exemple, l'alimentation et les ventes de bovins, étaient prédominantes dans la définition de systèmes laitiers différents.

Aussi, l'accent doit-il être mis sur les résultats généraux issus de la typologie établie, qui a pris en compte tous les paramètres décrivant les élevages laitiers suburbains, notamment ceux de tailles différentes. Selon une méthodologie assez proche, KAMINIECKI et al. [1999] ont mis en exergue des différences notables dans les systèmes d'élevage laitier familiaux en Pologne. De même, LAVAL et al. [1998] ont aussi eu recours aux méthodes multidimensionnelles pour évaluer la diversité des élevages de camélidés au Rajasthan, en Inde.

La typologie montre quatre groupes d'élevages avec des dynamiques de production bovine différentes. Les exploitations du groupe n°1 sont très différentes du reste, caractérisées par la faiblesse de l'utilisation des concentrés (1 873 UFL par vache par an à comparer aux 2 209 UFL en moyenne pour les vaches des 48 exploitations impliquées dans cette typologie). En conséquence, le rendement laitier moyen par vache y est aussi inférieur à la moyenne générale (2 579 kg à comparer à 3 218 kg). Ce genre d'exploitations laitières souffre du manque de moyens financiers pour l'achat de concentrés afin de pallier l'exiguïté des surfaces fourragères, ce qui affecte négativement le rendement laitier et partant, les résultats économiques par vache. Aussi, les résultats économiques y sont négatifs, car dans l'absolu, la faible productivité laitière ne permet pas de compenser les charges fixes d'entretien du cheptel.

Les exploitations des groupes 2 et 3 représentent 20 des 48 exploitations retenues et ont pour caractéristiques saillantes une marge brute positive combinée à des performances laitières moyennes supérieures à la moyenne générale de 3 218 kg par vache par an. En fait, c'est surtout la contribution des fourrages aux apports énergétiques totaux qui varie d'un groupe à l'autre (ratio fourrages/concentrés respectivement de 23,7 et 98,4 %). Dans le groupe n°2, on remarque que ces rendements laitiers supérieurs à la moyenne sont principalement générés par une valorisation efficiente des concentrés alimentaires, tandis que dans le groupe n°3, la rentabilité économique est surtout liée à d'importantes allocations de fourrages par vaches. Le groupe n°2 reflète ainsi un début de spécialisation laitière marquée (rendements laitiers par vache supérieurs à 4 000 kg avec les plus importantes consommations de concentrés, et des ventes de bovins réduites).

L'étable étatique de la SODEA qui a été mise de côté pour réaliser les analyses multivariées, compte un effectif de 90 vaches, qui produisent une moyenne de 6 602 kg, sur 386 ha de superficie agricole. Elle peut être considérée comme illustrant un pic de spécialisation laitière dans les conditions marocaines, et en comparaison aux autres étables étudiées en zone suburbaine. Dans une étude antérieure d'étables laitières appartenant à la même société, des pratiques similaires de conduite du cheptel bovin (rendement de l'ordre de 6 000 kg de lait par vache, utilisation excessive de concentrés par vache...) avaient été identifiées [SRAÏRI et KESSAB, 1998].

Dans le groupe n° 4, il y a 8 élevages de bovins qui sont certes excédentaires (bénéfice moyen de 3 218 DH par vache), mais dont les performances économiques ne reflètent nullement un savoir - faire en termes d'élevage laitier. En dépit d'une consommation de concentrés supérieure à la moyenne de toutes les étables étudiées, le rendement laitier moyen par vache y est inférieur à ce qui est observé pour l'ensemble des étables sélectionnées dans ce travail (2 852 et 3 218 kg respectivement). Dans cette catégorie d'élevages, des gaspillages d'énergie issue des concentrés sont apparents, puisque pour chaque kg de lait produit, il faut 1,23 UFL issues des concentrés. Ceci traduit la participation des concentrés dans la couverture des besoins d'entretien des vaches, tendance exacerbée par des rations déséquilibrés en azote total et en minéraux [INRA, 1988].

Considérés de manière globale, ces résultats démontrent la faiblesse des rendements laitiers dans des étables pourtant dotées dans leur écrasante majorité de vaches de type laitier (Holstein et Frisonne pie-noire). Au delà de la diversité des stratégies d'élevage identifiées, c'est l'adaptation même de ces bovins au contexte suburbain au Maroc qu'il convient d'analyser, sans parler des innombrables cas de carrières de vaches écourtées par manque de savoir - faire, comme nous l'avons rapporté dans d'autres régions du pays [SRAÏRI et BAQASSE, 2000]. A l'instar des résultats de nombreuses autres publications [MADANI et FAR, 2002 ; DEBRAH et al., 1995 ; ØRSKOV, 1993], l'option même de femelles à hautes potentialités laitières importées de pays tempérées et insérées dans des environnements d'élevage contraignants est remise en question par nos observations de terrain et par les suivis de performances. En effet, seules les 8 exploitations du groupe n°3 que nous avons qualifié de spécialisées et auxquelles il faudrait ajouter l'étable étatique de la SODEA peuvent être considérées comme tirant profit du potentiel laitier des vaches importées. Le reste, pour des raisons très diverses (manque de technicité, absence de facilités de trésorerie, visées viandeuses plutôt que laitières...), aurait très bien pu s'accommoder de bovins avec des aptitudes laitières moindres et disposant de meilleurs facultés d'engraissement que les races Holstein et Frisonne pie-noire. Ces observations convergent vers les recommandations de FAYE et ALARY [2001], à propos de l'émergence de systèmes d'élevage durables et compétitifs dans les pays en développement. Ces auteurs indiquent que le nécessaire accroissement de la production laitière dans les pays du Sud « ne peut pas se faire par une simple adaptation des méthodes d'élevage des pays du Nord, mais doit intégrer les enjeux sociaux et environnementaux particuliers et s'inscrire dans un objectif de développement durable ».

Pour des perspectives de développement de l'élevage laitier dans la zone suburbaine de Rabat-Salé, il est évident que la mise en oeuvre de programmes de recherches et d'appui technique adaptés aux contraintes typiques à ces régions (rareté des fourrages et importante charge animale par ha) est urgente au Maroc. Le conseil technique dans le domaine de l'alimentation du cheptel bovin laitier, à travers la vulgarisation du rationnement, en utilisant des quantités appropriées de fourrages de bonne qualité et avec les concentrés disponibles localement, devrait avoir des répercussions plus que positives. De même, la généralisation des méthodes d'exploitation rationnelle des fourrages et de conservation des excédents saisonniers par l'ensilage ou le fanage pourrait constituer une autre voie prometteuse de développement des performances des étables laitières. Du fait de la très vaste adoption de rations riches en concentrés, c'est principalement leur intégration dans des formules adaptées aux divers fourrages qui fait encore défaut. D'autre part, les traitements hormonaux des vaches à problème de reproduction et la généralisation de l'évaluation de l'insémination artificielle peuvent aussi représenter des voies d'action prioritaires pour augmenter l'efficacité reproductive du cheptel bovin, dans un contexte où très peu d'exploitations possèdent des documents actualisés en rapport avec la reproduction des vaches. De manière similaire, les traitements prophylactiques des affections parasitaires devraient être conçus et appliqués à un moment où peu d'élevages adoptent des programmes prophylactiques raisonnés.

En définitive, la majorité des éleveurs chez lesquels s'est déroulé ce travail éprouvent un besoin d'appui technique rapproché, notamment les 36 étables détenues par des structures de taille réduite sur moins de 5 ha, et qui représentent plus des ? des exploitations visitées. Toutefois, les mesures en faveur des élevages laitiers doivent être ciblées pour éviter les échecs de transferts de technologie ayant eu lieu au préalable avec les traitements des pailles à l'urée [WANAPAT et al., 1998 ] ou avec la technique du ley farming [AMINE, 1993 ; CHRISTIANSEN et al., 2000]. Ainsi, dans un premier temps, les techniques nécessitant des moyens en capitaux importants devraient être évitées et réservées uniquement aux exploitations agricoles ayant les moyens de s'en accommoder. En effet, il s'avère en fin de compte que les pratiques d'élevage les plus communes privilégient la contribution maximale du pâturage et des fourrages spontanés (en cas de pluies) conjuguée à la mobilisation des réserves corporelles des femelles ; pratiques ne nécessitant aucun investissement monétaire, et en partie imposées par l'état général de la trésorerie des éleveurs [SRAÏRI, 2002]. Il faut mentionner que des travaux de recherche à philosophie similaire sont actuellement en cours pour favoriser le développement d'élevages laitiers, par des formulations alimentaires équilibrées pour des exploitations agricoles de type traditionnel, sans bouleverser l'organisation générale qui y prévalait. C'est le cas au Mexique, où ARRIAGA-JORDAN et al. [2002] ont mesuré l'impact de trois niveaux de complémentation en concentrés sur les performances laitières en élevages bovins de petite taille. Mais il faudrait, pour en garantir le succès, sélectionner les exploitations les plus réceptives (éleveurs instruits et motivés) tels que l'ont mentionné ROELEVELD et VAN DEN BROEK [1996]. Par la suite, ces éleveurs pourraient servir de courroie de transmission de ces techniques à leur entourage. Dans pareil contexte, les typologies d'élevage suivies d'actions de développement ciblées qui valorisent au mieux les moyens disponibles sont indispensables. Elles garantissent la viabilité et la durabilité de cette activité qui représente à l'heure actuelle une voie prometteuse pour améliorer les revenus des agriculteurs suburbains [DIEYE et al., 2002]. Ceci devrait être considéré à sa juste valeur par les organismes de développement et par les décideurs en charge du secteur de l'élevage bovin au Maroc.

III-2-4 Conclusion

Ce suivi de 48 étables laitières dans la ceinture suburbaine de Rabat - Salé, capitale du Royaume du Maroc, a confirmé l'existence d'une large variété de modes d'élevage bovin. Ceci peut être expliqué en partie par la diversité des statuts conférés par les éleveurs à leur troupeau (laitier spécialisé, allaitant et/ou mixte), aux différents modes d'alimentation du cheptel, et aux poids des ventes de bovins dans le chiffre d'affaires total. Même si 98 % des vaches sont de génotype laitier (Holstein Friesian et croisées Holstein Friesian x locales), le rendement laitier moyen par vache demeure faible (3 218 kg) avec d'amples variations, de 1 130 à 6 602 kg, et les bénéfices dégagés par vache fluctuent de situations positives à d'autres négatives. Les analyses statistiques multidimensionnelles ont permis d'identifier quatre groupes distincts d'élevages, sur la base de variables tels que le rendement laitier par vache, les modes d'alimentation du cheptel bovin et les ventes de bovins, sans aucun lien avec les paramètres de taille. Par conséquent, cette typologie préliminaire pourrait servir de base de réflexion pour la promotion des performances du secteur bovin suburbain, notamment par l'adoption de mesures adaptées aux besoins des différentes catégories d'éleveurs. Une large frange d'élevages est groupée dans des catégories caractérisées par une relative rentabilité de l'activité laitière (groupes 2, 3 et 4, ce qui représente 29 fermes), mais pourrait aboutir à de meilleures productivités et à des résultats économiques accrus par des techniques favorables à l'intensification (alimentation, traite, accouplements raisonnés...). Comme les résultats montrent que les variables liées aux modes d'alimentation des vaches sont déterminantes pour distinguer les types d'étables, toute mesure ultérieure de développement devrait se focaliser en priorité à l'amélioration des pratiques actuelles des éleveurs, caractérisées par l'absence de rationnement, et l'usage irraisonné de concentrés. En définitive, l'élaboration suivie de la vulgarisation des tables alimentaires des matières premières les plus usitées (fourrages et concentrés) et la conception de rations propices à l'augmentation de la production laitière, semblent être des leviers d'action prioritaires. La validation de leurs effets par des essais dans des élevages privés en garantirait la diffusion.

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