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Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables

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par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise 2008
  

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Chapitre II : La séparation des responsabilités

Ce second point du contenu du principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables n'est au fond qu'un corollaire de la séparation des fonctions. Il est en fait concevable que la responsabilité de chaque agent de l'exécution du budget puisse être appréciée au regard des tâches qui lui sont confiées. Ce qui signifie qu'une distinction des rôles implique forcément une distinction des responsabilités. La règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables, comme le soutenait Georges DEVAUX, est un principe « d'organisation administrative et de répartition des tâches entre les agents publics, avec des conséquences sur leur régime de responsabilité et la répartition des compétences entre juridictions pour connaître des actes de ces agents. »20.

Ainsi, étant donné qu'il revient à l'ordonnateur de procéder au choix d'effectuer telle ou telle dépense, et qu'il dispose à cet égard d'une certaine marge de manoeuvre, il encourra une responsabilité subjective (Section I). Quant au comptable, le maniement des fonds auquel il se livre ainsi que sa compétence liée lui feront encourir une responsabilité objective (Section II).

Section première : Une responsabilité subjective des ordonnateurs

La responsabilité de l'ordonnateur est qualifiée de subjective parce qu'elle se rapporte à son activité ou aux circonstances dans lesquelles cette activité se déroule. L'ordonnateur est responsable de la légalité, de la régularité et de l'exactitude des certifications qu'il délivre. Cette responsabilité au régime diversifié (I) relève de l'illusoire (II) du point de vue pratique.

§ 1 . Un régime de responsabilité diversifié

La diversification du régime de responsabilité de l'ordonnateur tient à la distinction

opérée entre les ordonnateurs politiques (A) et les ordonnateurs - fonctionnaires (B).

20 Georges DEVAUX, La comptabilité publique, Paris, PUF, 1957

A - La responsabilité des ordonnateurs politiques

Ce sont donc les ordonnateurs remplissant une fonction politique. Il s'agit principalement des ministres21 et des élus locaux.

La responsabilité des ministres est prévue par la Constitution. L'article 22 du décret 2003-101 stipule : « Les ministres, administrateurs de crédits, encourent à raison de l'exercice de leurs attributions, les responsabilités que prévoient la Constitution et les lois et les règlements en vigueur. ». La Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001, en son article 101 alinéa 2, dispose dans ce sens : « Le Premier ministre et les autres membres du Gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l'exercice de leurs fonctions et qualifiés de crimes et délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Haute Cour de Justice22 ».

Cette responsabilité est d'abord pénale et est mise en jeu en cas de malversation, d'enrichissement illicite, de corruption ou de recel. En France, la loi du 10 août 2002 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées interdit aux ministres, sous peine de forfaiture (sanctionnée par la dégradation civique), d'engager sciemment des dépenses en violation des règles sur le contrôle financier.

Mais la responsabilité est aussi politique. L'Assemblée nationale pourrait être amenée à voter une motion de censure dans le cas où le Gouvernement se rendrait coupable d'une faute de gestion. Cette responsabilité n'est pas seulement collective, elle est aussi individuelle ; le Président de la République peut, sur proposition du Premier ministre, inviter un ministre à démissionner, ou encore mettre fin à ses fonctions (cf. article 49 Constitution sénégalaise précitée).

Enfin, la responsabilité civile des ordonnateurs politiques peut être envisagée. Il est en effet prévu une responsabilité pécuniaire qui se matérialise par un paiement de la dépense irrégulièrement engagée sur les deniers personnels de l'intéressé.

21 Il faut préciser que le décret sénégalais 2003-10 1 en son article 19 ne répertorie parmi les ordonnateurs politiques que le ministre chargé des Finances et les organes exécutifs locaux, mais les autres ministres en tant qu'administrateurs de crédits encourent pratiquement la même responsabilité que leur collègue des Finances. De même, le Président de la République n'est pas considéré par cet article comme ordonnateur par opposition à son homologue français dont la question de la qualité d'ordonnateur divise la doctrine (cf. Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE,

« Plaidoyer pour assurer le succès d'une réforme », RFDA, mars - avril 2004, p. 406).

22 En France, depuis la réforme constitutionnelle de 1993, c'est la Cour de Justice de la République qui est compétente pour en connaître (cf. article 68.1 Constitution française du 4 octobre 1958 modifiée).

En ce qui concerne les élus locaux, leur responsabilité personnelle et pécuniaire pourrait être envisagée en cas de réquisition suivant les dispositions de l'article 360 de la loi 96- 06 du 22 mars 1996 portant code des collectivités locales du Sénégal.

On peut en résumé dire que les ordonnateurs politiques, selon qu'il s'agit des ministres ou des exécutifs locaux, encourent une triple responsabilité : politique, pénale et civile ou une responsabilité personnelle et pécuniaire.

Les autres ordonnateurs obéissent quant à eux à un régime de responsabilité différent.

B - La responsabilité des ordonnateurs - fonctionnaires

A la différence des ordonnateurs principaux qui remplissent des fonctions politiques, les ordonnateurs secondaires sont des fonctionnaires. De ce fait, leur responsabilité est avant tout disciplinaire. Mais ils sont aussi soumis à une responsabilité civile et pénale en plus de celle prévue par la Cour des comptes comme le précise l'article 22 alinéa 2 du décret 2003-101 « Les ordonnateurs délégués ou secondaires de l 'Etat ainsi que ceux des autres organismes publics encourent une responsabilité qui peut être disciplinaire, pénale et civile sans préjudice des sanctions qui peuvent leur être infligées par la Cour des Comptes ».

S'agissant de la responsabilité disciplinaire, la loi 61-33 du 15 juin 1961 modifiée portant statut général de la fonction publique du Sénégal dispose en son article 15 : « Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire... ». C'est une responsabilité qui est mise en jeu par son supérieur hiérarchique et qui conduit à des sanctions qui peuvent être du premier degré (avertissement, blâme), du second degré (réduction de l'ancienneté ne pouvant excéder deux ans) ou encore du troisième degré (radiation du tableau d'avancement pour deux ans, rétrogradation, exclusion temporaire de fonction pour une durée maximale de six mois, révocation avec ou sans suspension des droits à pension). Ce sont des sanctions qui affectent la carrière de l'ordonnateur.

Quant à la responsabilité pénale, c'est la même que celle encourue par les ministres. En France, elle est aussi prévue par la loi du 10 août 1922 précitée ; sa mise en oeuvre aboutit en principe à une révocation du fonctionnaire et à une perte des droits civiques. Pour ce qui est de la responsabilité civile, il s'agit pour l'ordonnateur de réparer le préjudice causé à la collectivité publique qui l'emploie sur ses propres deniers.

En plus de cette triple responsabilité, il y a une responsabilité qui est encourue devant la chambre de discipline financière23 de la Cour des comptes. Cette chambre dont les attributions sont définies dans le chapitre IV de la loi organique n° 99-70 du 17 février 1999 sur la Cour des comptes, peut infliger aux ordonnateurs des amendes d'un minimum de 50.000 F qui ne peuvent cependant dépasser le double du montant du salaire brut de l'intéressé à la date à laquelle les faits ont été commis.

Les ordonnateurs secondaires sont en définitive soumis à une responsabilité disciplinaire civile et pénale sans préjudice des amendes qui peuvent être infligées par la chambre de discipline financière.

En définitive, la diversification du régime de responsabilité des ordonnateurs est sous- tendue par le fait que parmi eux il y en a qui remplissent des fonctions politiques contrairement à d'autres. La responsabilité des ordonnateurs a un contenu très varié, en tout cas du point de vue théorique. Il serait intéressant d'analyser cette responsabilité du point de vue pratique.

§ 2 . Une responsabilité difficile à mettre en oeuvre24

Au regard du régime juridique qui lui est applicable, on pourrait être tenté de penser que la responsabilité des ordonnateurs est très encadrée. Mais dans la pratique, elle n'est presque jamais mise en jeu pour les ordonnateurs politiques (A) alors que son application à l'endroit des fonctionnaires reste atténuée (B).

A - L'irresponsabilité de fait des ordonnateurs politiques

Pour ce qui est d'abord des élus locaux, il faut dire que presque aucun texte n'est intervenu pour organiser leur responsabilité. La chambre de discipline financière de la Cour des comptes qui aurait pu être compétente pour connaître de leur responsabilité les exclut de ses justiciables énumérés à l'article 48 de la loi organique 99-70.

23 Dans le droit français, ce rôle est confié à la Cour de discipline budgétaire et financière. M. André PAYSANT, dans son ouvrage de Finances publiques, fait allusion à une responsabilité parapénale.

24 Sur les faiblesses et difficultés de la mise en oeuvre de cette responsabilité au Sénégal, voir Moussa ZAKI, Le contrôle des finances publiques dans les Etats d'Afrique noire francophone : l'exemple du Niger et du Sénégal, thèse, Université des sciences sociales de Toulouse 1, janvier 1999, p. 308 et s.

Concernant les ministres, aussi bien sur le plan pénal, civil que politique, leur responsabilité n'est pratiquement jamais mise en jeu.

S'agissant des responsabilités politique et pénale, le vote d'une motion de censure tout comme inviter un ministre à s'expliquer devant la Haute Cour de justice est une sanction trop lourde. Dans la majorité des cas, les parlementaires préfèrent ignorer un dépassement de crédits plutôt que de créer une crise institutionnelle, d'autant plus que les considérations politiques l'emportent sur les exigences financières. En droit français, l'irresponsabilité pénale s'explique également par le fait que la Cour de justice de la République créée en 1995 « n'a pas eu l'efficacité que l'on attendait d'elle. Rarement saisie, elle statue encore plus rarement et n'a jamais eu l'occasion de se prononcer sur des affaires financières. »25.

La responsabilité civile ne déroge pas à cette règle. Mais si l'irresponsabilité en matière politique et pénale est motivée par des mobiles politiques, les causes sont ici à chercher dans des considérations techniques. Il y a très souvent une nette disproportion entre les revenus de l'ordonnateur et la somme qu'il devrait normalement restituer. D'autre part, la multiplicité des lois intervenues (1817, 1848, 1850, 1922, 1938, 1946) en France pour consacrer cette responsabilité civile, ajoutée au fait que jamais des sanctions n'ont été prononcées, témoigne de l'ineffectivité de cette responsabilité26. Et même si cette responsabilité est consacrée, il faut reconnaître qu'elle n'est pas définie et qu'il n'y a pas de juridiction compétente pour en connaître.

Tout ceci porte à croire que les responsables politiques sont, en tout cas en fait, affranchis de toute sanction. Nous pouvons cependant objecter qu'avec l'affaire dite des chantiers de Thiès, on a assisté à la mise en jeu des responsabilités politique et pénale d'un Premier ministre et d'un ministre, mais toujours est-il que l'irresponsabilité de fait demeure la règle et que cet exemple n'en est qu'une rare exception.

On ne peut cependant pas en dire autant pour les ordonnateurs secondaires même si les situations sont à peu prés similaires.

25 Michel LASCOMBE et Xavier VANDENDRIESSCHE, « Plaidoyer pour assurer le succès d'une réforme », RFDA, mars - avril 2004, p. 406.

26 P. M. GAUDEMET & J. MOLINIER, Finances publiques (Budget / Trésor), 7e éd., Paris, Montchrestien, 1996, p. 353.

B - La responsabilité atténuée des fonctionnaires

Pour les ordonnateurs-fonctionnaires, la mise en jeu de la responsabilité est effective même si elle demeure peu récurrente.

En matière disciplinaire, les sanctions sont très rarement prononcées parce que la plupart du temps l'irrégularité commise ne l'est pas pour des intérêts personnels, mais dans un souci d'efficacité du service. Il y a donc une certaine solidarité qui prévaut. D'un autre côté, la mise en oeuvre de cette responsabilité pourrait impliquer indirectement le supérieur hiérarchique lui-même, ce qui consolide la réticence à l'amorcer.

En matière pénale, la sanction rattachée à la responsabilité est lourde voire trop sévère (révocation et dégradation civique). A cela, il faut ajouter que « les irrégularités budgétaires représentées le plus souvent par les dépassements de crédits ne sauraient constituer des dépassements au sens pénal du terme »27.

La mise en jeu de la responsabilité civile rencontre les mêmes écueils que pour les ordonnateurs politiques. Si en effet le ministre n'est pas en mesure de rembourser, le fonctionnaire l'est encore moins.

La responsabilité « parapénale » rencontre aussi des obstacles quant à sa mise en oeuvre à cause des attributions restreintes de la Cour de discipline budgétaire et financière en France. En effet elle ne sanctionne que les irrégularités financières, laissant en rade les infractions les plus graves telles que l'avantage injustifié procuré à autrui, la faute intentionnelle, l'imputation frauduleuse etc. En outre, le code de justice financière prévoit en ses articles 313-9 et 313-10 que les personnes justiciables devant la Cour ne sont passibles d'aucune sanction si elles peuvent établir qu'elles ont commis les actes irréguliers en exécution d'un ordre écrit de leur supérieur hiérarchique. La Cour de discipline budgétaire et financière ne peut s'autosaisir et la procédure de saisine est longue28. Les professeurs Vandendriessche et Lascombe en arrivent à la conclusion que « le risque pour un agent public d'être attrait devant la Cour de discipline budgétaire et financière est nul ».

En comparaison avec les ordonnateurs principaux, on ne peut pas dire que les
fonctionnaires sont irresponsables mais leur responsabilité est atténuée, étant donné que

27 Nguyen CHANH TAM, Finances publiques sénégalaises, l'Harmattan, 1990, p. 288.

28 Sur les défaillances de la Cour de discipline budgétaire et financière relativement à ses attributions, voir Bernard POUJADE, Etat des lieux de la responsabilité des ordonnateurs en droit public financier aujourd'hui, RFFP n°92, 2005, pp. 101-111.

si elle est réellement engagée et que des sanctions sont prévues, il est rare qu'une action disciplinaire, civile ou pénale soit entreprise.

En tout état de cause, il est en théorie prévu pour l'ordonnateur une responsabilité à la mesure du pouvoir discrétionnaire dont il dispose dans le choix des dépenses. Cependant, cette responsabilité dans son application ou dans ses effets est tout autre. Monsieur Moussa ZAKI ne dit pas autre chose lorsqu'il affirme : « Ainsi, les cas de responsabilité sont nombreux et réels dans la pratique. Cependant, leur mise en oeuvre soulève, dans la pratique nigérienne ou sénégalaise de nombreux problèmes. »29.

S'il est cependant difficile de mettre en jeu cette responsabilité du fait de son aspect subjectif qui ne facilite pas la maîtrise des véritables intentions qui ont animé l'ordonnateur coupable d'une irrégularité financière, le comptable ne saurait bénéficier d'une telle occurrence en raison du caractère objectif de sa responsabilité.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard