WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables

( Télécharger le fichier original )
par Moussa TRAORE
Université Gaston Berger de Saint Louis du Sénégal - Maà®trise 2008
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section première : Un principe exposé à la critique

Plusieurs critiques ont été formulées à l'endroit du principe. Cependant, nous ne nous intéresserons qu'aux plus fondées qui sont réductibles à deux critiques majeures : la lourdeur du principe (I) et l'importante place conférée au ministre des Finances (II).

§ 1 . La lourdeur du principe

Les critiques adressées au principe sont ici relatives aux lenteurs de son mécanisme (A) et à son juridisme (B).

66 Luc SAÏDJ, « Réflexion sur le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables », RFFP n°41, 1994, p. 69 et s.

Etienne DOUAT, « Le principe de la séparation ordonnateur - comptable est-il toujours opérant ? », Journées d'étude des 19 et 20 octobre 1999 sur le thème : « Archaïsme ou modernité de la fonction d'Agent comptable ? » in Lettre spéciale de l'ANDAC n°5 - octobre 1999 ou site web www.andac.info

67 Cf. article 20 de la loi n°90-07 du 26 juin 1990 relative à l'organisation et au contrôle des entreprises du secteur parapublic et au contrôle des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique.

Voir dans le même sens, Moustapha SOURANG, « Les biens et les finances des entreprises publiques », Encyclopédie Juridique de l'Afrique, NEA, Tome 7, 1982, p. 281 et s.

A - Les lenteurs du mécanisme

C'est là la principale critique que l'on retrouve chez tous les détracteurs du principe. Le professeur Gilbert ORS ONI affirme : « La légitimité, voire « la noblesse » des règles de la comptabilité publique ont leur revers, la lourdeur et l'allongement des procédures. ». Ainsi, la séparation des ordonnateurs et des comptables serait à l'origine de beaucoup de blocages et même de conflits. Les fournisseurs des services publics se révoltent souvent contre la lenteur des paiements dont les raisons ne peuvent être trouvées que dans l'accumulation des contrôles qui sont effectués par le comptable. Des praticiens de la comptabilité publique comme monsieur René CELIMENE68 réfutent cette critique. Pour ce dernier, « Cette critique, bien que sérieuse, n'est pas fondée : dans la réalité, les lenteurs se situent parfois au niveau de la prise en charge des titres en machine, mais résultent, le plus souvent, de la faiblesse de la trésorerie. »69 . Quoi qu'il en soit, on ne saurait nier la lenteur de la procédure à suivre pour le simple achat des fournitures d'un bureau dans une collectivité publique (en comparaison des méthodes plus souples utilisées dans les entreprises du secteur parapublic par exemple). L'Etat en particulier et les personnes publiques en général devraient donc songer à concilier cet impératif de bonne gestion avec l'efficacité de leurs services - efficacité se matérialisant par exemple par une rapidité des paiements - ce qui serait un argument de taille pour inciter les entrepreneurs à contracter avec les personnes publiques sans arrières pensées.

En somme, il existe un fossé entre le principe tel qu'il a été théorisé et les imperfections qu'il manifeste dans son application. Mais ceci s'explique peut-être par l'éternel conflit « efficacité-régularité »70 devant lequel le législateur a préféré privilégier la sécurité des fonds publics au détriment d'une réalisation simplifiée et rapide des opérations de dépenses et de recettes.

Cela dit, si ce reproche peut être considéré comme une critique de fait (n'affecte pas
juridiquement le principe mais le problème de sa perception par les usagers), il existe un

68 Ancien trésorier principal des Finances des cadres français.

Sa position est largement partagée par ses collègues de la comptabilité publique qui estiment que les faiblesses imputées au principe sont plus dues à son application qu'à son essence ; car s'il y a par exemple lenteur dans la procédure de paiement, c'est moins le principe lui-même que la volonté du comptable pour qui disponibilité de crédit ne signifie pas seulement présence de liquidité dans les caisses, mais aussi priorité d'une dépense immédiate par rapport à une autre prochaine.

69 René CELIMENE op. cit. p. 51

70 Luc SAÏDJ, ibid.

autre qui repose sur des fondements juridiques et que l'on qualifiera de critique de droit : c'est le juridisme.

B - Le juridisme du principe

C'est une critique que l'on retrouve chez certains auteurs dont le professeur Luc SAÏDJ dans ses contributions à la RFFP et au Dictionnaire encyclopédique des finances publiques71. Ce que celui-ci reproche au principe, c'est de « faire prévaloir des considérations de régularité sur le souci d'efficacité » et de conduire « à un contrôle formaliste voire tatillon, susceptible notamment d'empêcher, sous prétexte de droit, les opérations d'intérêt général. »72. Ce qui pose problème ici, c'est non pas l'existence du contrôle, mais les incidences que ce contrôle peut avoir sur l'avenir d'une décision de l'ordonnateur (qui, faut-il le rappeler, est censé faire des choix opportuns, donc nécessaires au service qu'il dirige ou ayant un caractère d'intérêt général pour la communauté dont il a la confiance). Cette incidence n'est autre que la possibilité pour le comptable de refuser de déférer aux prescriptions de l'ordonnateur ; elle renvoie donc aux conflits susmentionnés. Monsieur René CELIMENE ne dit pas autre chose lorsqu'il déclare : « L'administrateur de crédits, tenu à une gestion dynamique, est gêné par les contrôles formels du comptable. »73.

L'autre critique relevant toujours du juridisme et qu'on peut imputer au principe, c'est de confier l'intégralité de la responsabilité des opérations financières aux ordonnateurs uniquement qui seront ainsi jugés sur l'efficacité de leur gestion. En d'autres termes on ferait peut-être mieux de confier aux comptables un rôle plus actif.

Ce qu'il y a lieu de retenir au terme de cette analyse, c'est que le principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables souffre comme tout bon principe de quelques lacunes qui sont surtout liées à sa mise en oeuvre. De la lenteur des rouages au juridisme en passant même par d'autres critiques comme son archaïsme - en effet, le principe fêtera bientôt ses deux siècles d'application et pendant toute cette durée, il a été confronté à de nombreux défis, dont le plus remarquable est sans doute le progrès

71 pp. 1418-1421

72 Luc SAÏDJ loc. cit. p. 68.

73 René CELIMENE, ibid.

technique qui rend certaines de ses modalités anachroniques74 - le principe est de plus en plus décrié.

Si toutes ces critiques s'attaquent directement au principe, il y en a une qui est afférente aux conséquences du principe dans l'organisation administrative et qui se rapporte aux prérogatives importantes reconnues au ministre détenteur du portefeuille de l'Etat.

§ 2. L'importante place conférée au ministre chargé des Finances

L'importance de cette autorité peut être vérifiée aussi bien dans le corps des comptables qui dépendent tous statutairement de lui (A) qu'au regard de son statut ou de sa qualité d'ordonnateur principal unique du budget de l'Etat (B).

A - La dépendance statutaire des comptables publics

Les comptables publics forment un corps qui est dans son ensemble soumis au pouvoir hiérarchique du ministre chargé des Finances. Comme on peut le noter à travers les articles 30 et 32 du décret 2003-101, sous l'autorité du ministre chargé des Finances, les comptables directs du Trésor, principaux ou secondaires, les comptables des administrations financières remplissent les fonctions qui leur sont allouées. C'est le ministre chargé des Finances qui nomme par arrêté tous les comptables à l'exception des comptables principaux qui sont nommés par décret sur sa proposition (article 36 RGCP). C'est également lui qui fixe le montant des garanties auxquelles les comptables sont astreints (article 37 RGCP). De même, lorsque la mise en jeu de la responsabilité du comptable a abouti à un arrêt ou arrêté de débet il dispose d'un pouvoir de grâce qui dans une certaine mesure relève de son pouvoir discrétionnaire75.

Certains ont vu dans cet état de fait une concentration importante de pouvoirs entre les mains de ce ministre aussi bien au sein du gouvernement (entre ses pairs) que dans les Collectivités locales.

Dans l'instance gouvernementale, la soumission des comptables publics à une autorité
autre que celle là même qui dirige l'administration auprès de laquelle ils ont été

74 La dualité des comptes (compte administratif-compte de gestion) par exemple est en passe d'être abandonnée comme c'est déjà le cas dans certains établissements publics en France. Au mieux la comptabilité administrative est une annexe de la comptabilité générale, autrement il y a tout simplement une fusion des deux comptes avec la tenue d'un seul compte financier.

75 Pour certains auteurs, cette prérogative est une survivance de la théorie du ministre-juge.

accrédités soulève la polémique chez certains ministres qui y voient un moyen pour le ministre chargé des Finances de contrôler les mouvements de leurs fonds. C'est ce qui a motivé quelques auteurs (le professeur Michel BOUVIER notamment) à proposer à la

place de la centralisation des comptables, leur soumission à leur ministère d'attache. Dans les Collectivités décentralisées, « le comptable du Trésor est perçu comme l'agent d'une tutelle de l'Etat sur les Collectivités locales. »76.

Il faut reconnaître que l'importance du ministre chargé des Finances est plus à déplorer aujourd'hui qu'à démontrer. Cette autorité fait même office d'organe incontournable dans la gestion financière des personnes publiques.

Si la dépendance statutaire des comptables publics est une illustration de la place importante, peut-être même trop importante qui lui est conférée, la fonction d'ordonnateur principal qu'il remplit pourrait aussi abonder dans le même sens.

B - La qualité d'ordonnateur principal

L'article 19 du décret 2003-10 1 dispose : « Le ministre chargé des Finances est ordonnateur principal unique des recettes et des dépenses du budget de l'Etat, des budgets annexes et des comptes spéciaux du Trésor. ». Le Sénégal a ici adopté le contre- pied du système français qui reconnaît la qualité d'ordonnateur principal à tous les ministres. Il n'y a que le ministre chargé des Finances qui ait cette qualité ; les autres ministres étant de simples administrateurs de crédits dont les pouvoirs dans le processus d'exécution du budget sont négligeables. Les administrateurs de crédits ne sont compétents que pour proposer des engagements et les liquider. La proposition d'engagement est à distinguer de l'engagement proprement dit. En effet, l'administrateur ne peut qu'établir un bon d'engagement ; l'engagement proprement dit n'interviendra qu'au moment où l'ordonnateur procède à la signature du bon d'engagement.

C'est une manifestation de la prépondérance du ministre chargé des Finances sur les autres ministres dont il maîtrise le budget. Suivant toujours les dispositions de l'article 19 du RGCP, « Le Ministre chargé des finances exerce ses attributions d'ordonnateur par le moyen d'ordonnateurs délégués au niveau des administrations centrales et d'ordonnateurs secondaires au niveau des services extérieurs. Les ordonnateurs

76 Luc SAÏDJ ibid.

délégués et secondaires ainsi que leurs suppléants sont nommés par décret sur proposition du ministre chargé des Finances. ».

En définitive, on ne saurait rejeter le caractère fondé d'une telle critique. On peut en effet imputer cette prépondérance du ministre chargé des Finances au principe de la séparation des ordonnateurs et des comptables, qui malgré la nécessité de la séparation des deux types de fonction qu'il prône, n'exclut pas pour autant la cohérence de l'activité financière de l'Etat. Le ministre chargé des Finances devrait ainsi être regardé comme une autorité dont la principale fonction est de veiller à l'unité d'action financière.

L'avenir du principe de séparation est plus que d'actualité. D'aucuns ont même envisagé sa modification complète dans le sens de la suppression de certaines attributions du comptable77. Cependant, une telle option n'est pas encore à l'ordre du jour, car peu importe si le principe laisse apparaître des défaillances l'essentiel c'est qu'il constitue une garantie efficace de la gestion transparente des deniers publics.

Toutefois, à défaut de pouvoir se passer du principe, il serait peut-être temps de l'adapter, ou de l'alléger comme cela a été envisagé pour une catégorie spéciale de dépenses et de recettes.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery