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Le sort des droits de préemption dans les procédures collectives agricoles

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par Jérémy MAINGUY
Université de Poitiers - Master 2 Droit de l'activité agricole et de l'espace rural 2010
  

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b. La cession du bail rural dans le cadre d'un plan de cession

L'article L. 642-7 du Code de commerce impose la cession des contrats nécessaires à l'activité économique.

Il faut cependant rappeler que le statut du fermage repose sur de grands principes d'ordre public :

- le caractère intuitus personnae du fermage, cela signifie que dans le fermage la personnalité cocontractant est déterminant dans la conclusion du contrat ;

- l'incessibilité et la non-patrimonialité du bail rural.

Le Code rural a certes prévu des exceptions au principe d'incessibilité du bail rural mais pas dans le cadre du plan de cession :

- le bail cessible prévue à l'article L. 418-1 du Code rural ;

- la cession dans un cadre familiale prévue à l'article L. 411-35 du Code rural. Les dispositions du Code de commerce et du Code rural sont en conflit.

Il a donc été posé une autre exception dans le cas du plan de cession.

L'article L. 642-1 du Code de commerce dispose dans son alinéa 3 issu de l'article 82 alinéa 3 de la loi du du 25 janvier 1985 :

« Lorsqu'un ensemble est essentiellement constitué du droit à un bail rural, le tribunal peut, sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant et nonobstant les autres dispositions du statut du fermage, soit autoriser le bailleur, son conjoint ou l'un de ses descendants à reprendre le fonds pour l'exploiter, soit attribuer le bail rural à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre a été

recueillie dans les conditions fixées aux articles L. 642-2, L. 642-4 et L. 642-5. Les dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ne sont pas applicables ».

Ce texte autorise la cession du bail rural et par conséquent le transfert du droit de préemption.

Il faut noter que cette possibilité est cependant très encadrée.

En premier lieu, l'ensemble d'éléments faisant l'objet d'un plan de cession doit être constitué pour l'essentiel par des baux ruraux.

La loi de 1988 n'explicite pas ce critère, aucun élément dans le texte n'indique à partir de quel degré une exploitation ou une branche d'exploitation cédée est essentiellement constituée d'un droit à un bail rural.

La jurisprudence a posé une interprétation par différents arrêts dont les plus importants sont :

- l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 novembre 1993 55 ;

- l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 28 avril 1998 56.

Le caractère essentiel ne doit nullement se fonder sur la valeur des biens cédés selon l'arrêt de 1998, le caractère non patrimonial du bail rural tend à rejeter cette interprétation.

Le droit au bail rural doit être essentiel à l'équilibre économique de l'exploitation notamment sur le rapport entre les hectares exploitées et les hectares louées. Si les revenus générés par ces hectares loués sont essentiels à la survie économique d'une exploitation, le caractère essentiel est rempli.

On peut en déduire qu'un nombre important d'exploitations françaises sont susceptibles d'être soumises à un plan de cession. Une enquête sur les structures agricoles réalisée par l'Agreste en 2007 indique que 77 % de la SAU en France est exploitée en mode de faire valoir indirect 57.

55 CA Paris, 2 novembre 1993 : RD banc. et bourse 1994, p. 111; RD rur. Janvier 1994, p. 3.

56 Cass. com. 28 avril 1998 : Bull. civ. IV, n° 138; D. Affaires 1998. 960, obs. V. A.-R.

57 V. http :// agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/file/Gaf09p021-026(1).pdf

Si la condition est remplie, le juge n'est pas libre de choisir le repreneur, le texte offre deux possibilités :

- une reprise des parcelles par le bailleur ou sa famille, en réalité si la reprise est au profit du bailleur il s'agit d'une reprise anticipée du bail ;

- l'attribution du droit au bail à un repreneur, celle-ci est réalisée en priorité au profit d'un preneur proposé par le bailleur. Le choix du tribunal ne s'exerce librement qu'en l'absence de propositions du bailleur.

On en déduit que le bailleur conserve la parfaite maîtrise du choix de son preneur.

On peut donc dire que si le droit de préemption peut être transféré à l'occasion d'un plan de cession, son bénéficiaire doit avoir en principe l'agrément du bailleur.

L'esprit du texte montre le souci de concilier l'esprit du statut du fermage avec les impératifs liés aux procédures collectives.

Malheureusement il a des limites.

Cette disposition apporte en effet une solution idéale dans le cas où un exploitant exploite essentiellement des terres par un fermage consenti par un seul bailleur.

Or les agriculteurs ont souvent trois à cinq bailleurs.

Que doit-on faire si chaque bailleur propose un repreneur ou veut reprendre ses terres ?

Différentes solutions sont possibles :

- ou bien on respecte le texte et le plan de cession peut conduire à un véritable morcellement de l'exploitation si chaque bailleur propose son repreneur ;

- ou bien on considère que si le choix des bailleurs entraîne un morcellement trop important, cette disposition n'est plus applicable car l'objet du plan de cession est de céder l'exploitation ou une branche d'activités ;

- ou bien on considère que si le choix des bailleurs entraine un morcellement trop important de l'exploitation, le juge peut imposer son choix aux bailleurs.

Cette dernière solution est ambiguë, si elle est judicieuse en pratique elle est en contradiction avec le principe selon lequel le juge ne peut créer des lois.

La jurisprudence a tranché dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 juin 1998 58.

En l'espèce, à l'issu d'une procédure collective le tribunal a attribué les baux détenus par des époux agriculteurs à divers preneurs proposés par les différents propriétaires. Le représentant des créanciers a fait appel de cette décision.

Cet arrêt est emblématique du problème, le plan de cession n'a pas conduit à la cession d'une exploitation ou d'une branche d'activités mais à différents repreneurs.

La jurisprudence considère que les dispositions du 3e alinéa de l'article 82 de la loi du 25 janvier 1985 devenues l'article L. 642-1 alinéa 3 du Code de commerce sont applicables lorsque les biens de l'exploitation agricole sont exploités au moyen de plusieurs baux même consentis par plusieurs propriétaires.

Dès lors le tribunal considère que l'attribution de ces baux aux divers preneurs proposés par chaque preneur est valide si les baux constituent l'essentiel de l'exploitation.

Cette jurisprudence tente de concilier les impératifs liés aux procédures collectives avec le statut du bail rural.

Cependant elle entraîne un véritable détournement du plan de cession.

Au lieu de céder un ou deux ensembles autonomes on cède les différents éléments de l'exploitation.

Cette jurisprudence ne facilite pas le travail des praticiens notamment les avocats et les liquidateurs judiciaires.

L'intérêt des liquidateurs est de céder un ensemble dont le prix permettra de payer les créanciers.

Ne céder que les actifs, sur lesquels les bailleurs n'exercent aucun contrôle, réduit le prix de cession.

58 Cass. com. 9 juin 1998 : Bull. civ IV, n° 186; D. Affaires 1998. 1217, obs. V. A.-R.

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