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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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DEUXIEME PARTIE : LES MOYENS DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION PRIVEE

Dans cette seconde partie, nous tenterons de démontrer que la lutte contre la corruption demande une nécessaire implication de tous les acteurs de l'entreprise. Ce combat s'accompagne de la mise en place de dispositifs spécifiques. Toutefois, cette lutte connaît des faiblesses, faiblesses qui mettent à mal l'appréhension et la répression du délit de corruption privée. Au rang de ces faiblesses, il conviendra de souligner certaines difficultés inhérentes aux pratiques corruptrices. Ensuite, nous nous pencherons sur les carences en matière de lutte, carences qui peuvent aussi bien être d'ordre juridique, qu'organisationnelle.

Deuxième partie : Les moyens de lutte contre la corruption privée

Section 1ère : La nécessaire implication de l'entreprise dans la lutte contre la corruption

L'entreprise exposée au risque constant de corruption se doit de jouer un rôle majeur dans la lutte contre ce phénomène. Le rôle de toute firme se traduit essentiellement par l'établissement de règles internes de bonne conduite, comprises dans un Code propre à l'entreprise (I). Mais plus spécifiquement, il apparaît que cette lutte doit être menée solidairement, avec tous les acteurs de la firme. Ainsi, les salariés doivent eux aussi participer à ce combat, à travers un procédé d'alerte éthique, dont les contours sont définis par la société elle-même (II).

I : L'instauration de mesures spécifiques de lutte

La lutte contre la corruption en entreprise passe par l'élaboration de chartes d'éthiques, destinés à guider le salarié dans sa prise de décision (A). Mais l'introduction de telles chartes dans les entreprises peut également traduire d'autres objectifs moins avouables des firmes, reléguant ainsi l'éthique à l'état de produit commercial (B).

A : La création de chartes d'éthique

Dans un contexte de risque permanent, il est apparu nécessaire pour les entreprises d'adopter un comportement de lutte face à des pratiques délictueuses. Pour se prémunir des risques encourus et des conséquences financières néfastes que peuvent engendrer de telles pratiques, l'idée des entreprises a été de se doter de règles internes, tendant à définir la ligne directrice de la firme, les comportements à adopter ainsi que les pratiques illicites susceptibles d'entraîner des sanctions. Un nouvel outil a donc été donné aux employés, pour leur permettre d'être éclairés sur les choix à faire en cas de prise de décision. Cet outil prend la forme d'un Code, selon les cas de « conduite, de déontologie ou d'éthique » ou parfois même un « guide de référence ». Tous ces Codes comportent des engagements de l'entreprise vis-à-vis de ses clients, de ses fournisseurs, des sous traitants, des entreprises associées, etc. Ces politiques internes relatives à la conduite éthique de leurs salariés peuvent être soit de simples exhortations générales - souvent appelés principes éthiques de l'entreprise - soit au contraire des consignes plus détaillées, contenant des exigences de comportements spécifiques. L'instauration de ces chartes d'éthique démontre la volonté de tous les acteurs économiques de réintroduire certaines valeurs de base dans les entreprises, dans le but de moraliser les relations entre agents économiques et au final, redonner confiance aux investisseurs et aux consommateurs. L'éthique est donc l'objet de toutes les attentions, sans que cette notion soit véritablement entendue de tous. Ainsi, plusieurs acceptions de l'éthique ont été avancées, qui diffèrent selon les auteurs. D'après le Service Central de la Corruption : « L'éthique recouvre l'ensemble des principes moraux qui sont à la base du comportement de l'individu. C'est la recherche personnelle d'une sagesse de l'action : c'est donc une prise de position personnelle, un acte autonome de volonté68(*) ». Et reprenant le philosophe Max Weber69(*), le service de continuer : « Il existe une éthique de conviction - fondée sur des principes intangibles, sur les valeurs morales propres à l'individu : celle du savant - et une éthique de responsabilité - qui tient compte des conséquences possibles des décisions que l'on prend ou des actes que l'on effectue, qui laisse donc la place au compromis et à la négociation : c'est l'éthique de l'homme politique ou du fonctionnaire ».

Patrice Meyer-Bisch va plus loin et parle du concept « d'économie éthique ». Selon lui, l'économie éthique a pour objet « la définition, la promotion et la diffusion dans la vie économique de règles du jeu, de principes et de normes éthiques universellement acceptables susceptibles de favoriser à moyen terme la réconciliation de l'économique, du social, de l'écologique et du culturel et à plus long terme d'assurer leur codétermination dans le processus de mondialisation en cours70(*) ». Pour cet auteur, l'éthique économique poursuit donc un objectif : l'humanisation de la mondialisation, pour redonner confiance aux investisseurs en l'économie.

D'autre part, selon le professeur Lynn Paine, l'éthique naît de la rencontre de la morale et de l'action. M. Paine représente alors le concept de l'éthique sous la forme d'un diagramme, dont l'intitulé français est « l'éthique mix71(*) ».

Ce diagramme présente l'avantage d'être totalement adapté au concept de l'éthique de l'organisation. L'interprétation qu'il peut en être faite est alors la suivante :

« L'axe horizontal est l'axe de la morale : un « décideur » doit tenir compte des principes qu'il doit appliquer - les lois, les réglementations, les règles déontologiques - mais également les conséquences de l'application de ces principes pour les personnes concernées. Vouloir respecter les principes tout en respectant les personnes et souvent source de dilemme. L'appréciation morale résulte de l'évaluation pondérée de ces deux extrêmes.

L'axe vertical est l'axe de l'action : le décideur doit en permanence se rappeler son objectif, la décision doit tendre vers celui-ci, de manière optimale. En même temps, ce décideur doit rester réaliste : savoir dans quelle mesure il est responsable de sa décision et tenir compte des moyens dont il dispose pour la prendre et la faire appliquer.

En pratique, nous pouvons retenir que nous nous situons dans le domaine de l'éthique dès qu'une de nos décisions, ou de nos actions, a un impact sur un individu72(*) ».

Cette notion d'éthique, déclinée sous bien des formes, se trouve donc au centre des intérêts des entreprises. Les chartes d'éthiques servent de repères pour les salariés, qui trouvent en elles un référent solide. La charte, en définissant les comportements admis et non admis, permettra aux employés d'ajuster leur choix dans leur prise de décision, en fonction, non seulement de leur for intérieur, mais également de la norme éthique de l'entreprise. Outil essentiel dans la lutte contre la fraude et la corruption, la charte devient donc un passeport de transparence et de bonne gestion aux yeux du public. D'après les Echos : « L'émergence de l'éthique et la conscience accrue des risques de fraude a conduit ces dernières années à la mise en place, dans la plupart des grandes entreprises, de chartes d'éthique ou de Code conduite. Objectif : mettre en place des valeurs communes, des principes de comportements pour promouvoir une culture d'entreprise homogène et lutter contre les fraudes73(*) ». Pour Gérard Kuster74(*), interviewé par Caroline Lechantre : « L'éthique est un enjeu croissant pour l'entreprise en raison du risque qu'une défaillance dans ce domaine peut faire peser sur l'image ». Pour M. Kuster, l'instauration de tel Code interne aux sociétés, doit s'accompagner de la création d'un comité chargé de veiller au respect des règles énoncées mais également de la création de poste spécifique de « déontologue ». L'entreprise SUEZ a, selon M. Kuster : « Mis en place un réseau de plus de 80 déontologues qui sont opérationnels » et « Le conseil d'administration du groupe a instauré en son sein un comité d'éthique qui examine tous les ans un bilan sur le sujet ».

.Ainsi, le fait que les entreprises préconisent l'usage de valeurs éthiques, énoncées notamment à l'intérieur de leur Code, est une initiative tout à fait louable. Toutefois, la question essentielle reste de savoir si cette volonté apparente d'introduire des comportements éthiques dans les affaires, est effectivement suivie d'effets. Selon une étude réalisée par la société Novethic en partenariat avec le Service Central de Prévention de la Corruption, les entreprises « Paraissent à la traîne en matière de transparence sur leurs politiques anti-corruption ». Cette enquête démontre « Un niveau faible d'information du public sur le thème de la corruption » et paradoxalement, « Les entreprises fournissant le plus d'informations sont celles qui sont finalement les plus mises en cause publiquement et juridiquement 75(*)». Par conséquent, il est légitime de s'interroger sur le fait de savoir si cette lutte menée par les entreprises porte effectivement ses fruits, et si la volonté affichée dans ce combat est bien réelle. L'éthique avancée par les acteurs financiers n'est-elle pas qu'un parapluie que l'entreprise ouvrira pour se protéger des foudres de la justice ? En ce sens, cette notion d'éthique ne représenterait-elle pas tout simplement un produit marketing, destiné à regagner la confiance des différents partenaires de l'entreprise, mais sans réelle application concrète ?

* 68 Rapport du Service Central de Prévention de la corruption pour l'année 2002 ; éd. La Documentation française, p. 8.

* 69 Distinction développée lors d'une conférence donnée en 1919 « Politik als Beruf » dont la traduction sous le titre « Le métier et la vocation d'homme politique » est publié dans « Le savant et le politique », Bibliothèque 10/18, Paris, p. 123 et suiv.

* 70 Patrice Meyer-Bisch : « L'éthique économique : une contrainte méthodologique et une condition d'effectivité des droits humains ». Economie Ethique N° 5 ; SHS-2003/WS/36. Publication de l'organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.

* 71 Le professeur Lynn Paine qui a crée ce diagramme, l'appelle « La boussole du manager ».

* 72 http://www.ethiquedesorganisations.com/definition.php

* 73 Caroline Lechantre, Les Echos du 1er mars 2007, n° 19868, p. 35.

* 74 Gérard Kuster est directeur de l'éthique chez SUEZ.

* 75 Novethic / Service Central de Prévention de la Corruption : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption. Le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durables des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 ». Septembre 2006.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote