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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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Section 2ème : Difficultés et insuffisances dans la lutte contre la corruption

Malgré une volonté apparente des entreprises de lutter contre la corruption, il n'en demeure pas moins que ce phénomène reste extrêmement délicat à appréhender. Ainsi, il existe des difficultés (I), mais également des insuffisances (II) dans la lutte contre ce fléau, qu'il convient d'étudier.

I : Les difficultés dans la lutte contre la corruption

Consciente du danger financier que peut engendrer la corruption, les entreprises se sont dotées de dispositif de lutte contre ce phénomène. Mais ces pratiques restent toutefois difficiles à faire émerger, car elles sont par définition secrètes, et qu'aucune des deux parties n'a d'intérêt à les révéler. Un autre rempart à la détection de la corruption se situe dans le fait que cette corruption est indissociablement liée à une quelconque fraude. Ainsi, la détection du délit de corruption sera d'autant plus malaisée, car le délit sera masqué par une fraude, destinée à donner un caractère légal à l'opération. Il s'agit donc d'étudier comment la fraude se met au service de la corruption et le lien indissoluble entre ces deux notions (A), pour ensuite étudier la meilleure façon de remédier à ces fraudes, à travers la mise en place d'outils de prévention des risques (B).

A: L'indissoluble lien rattachant la fraude et la corruption

L'agent corrupteur, pour mener à bien son action, doit détenir les fonds nécessaires à la corruption d'autrui. Pour se faire, et vu l'importance des sommes en jeu, le corrupteur est amené à détourner de l'argent de sa société, pour rémunérer les attentes du corrompu, et ainsi obtenir l'avantage indu. Frauder devient donc une nécessité, un moyen indispensable pour parvenir à faire « signer » le pacte corrupteur. La difficulté devient alors plus grande, du fait que l'acte de corruption est dissimulé sous une ou des opérations qui crédibilisent la sortie de capitaux. D'après Les Echos89(*), bien que tabou et sous-estimée, « La fraude en entreprise n'est pas un épiphénomène ». Reprenant l'étude effectuée par le cabinet PricewaterhouseCoopers90(*), le quotidien rappelle qu' « En France, plus d'une entreprise sur deux serait victime de criminalité économique du fait des salariés ou du management ». Selon le quotidien, « la fraude peut se nicher à peu près partout. La plupart d'entres elles reposent sur des mécanismes si basiques que l'entreprise n'y songe même pas ». La multiplicité des manifestations de ces fraudes rend alors le travail de détection et de répression plus ardue, assurant l'impunité la plus totale aux auteurs de ces actes. Il peut s'agir par exemple du responsable des achats qui s'invente un fournisseur imaginaire auprès de qui il commande des produits ou des services tout aussi fictifs. Il peut également s'agir du comptable qui va détourner les chèques de ses clients en créant une société au nom quasi similaire à la sienne qui encaissera les chèques. Les salariés gérant les stocks peuvent aussi être amenés à dérober régulièrement des petites quantités de marchandises.

Dès lors, on comprend toute la nécessité de mettre en place des dispositifs de lutte contre la fraude, afin de mettre un terme à l'enrichissement personnel indu de quelques-uns au détriment des ressources de l'entreprise. Mais on comprend aussi aisément comment cette fraude peut servir de base à toute forme de corruption, en permettant à l'instigateur d'engendrer les fonds nécessaires dans le but d'acheter la décision de l'autre partie. Pour nous éclairer sur un phénomène assez mal perçu et entendu, Alain Etchegoyen, fort de son expérience dans le secteur privé, nous relate de quelle façon il a été confronté dans sa vie professionnelle, à la corruption. L'auteur cite notamment l'exemple dans lequel un chef d'entreprise tente de le corrompre pour qu'il passe un contrat de formation avec la société de sa maîtresse. « Il sait que je travaille depuis plusieurs années à la Caisse nationale du Crédit agricole, dans le service formation. Le marché qu'il propose est simple : il apprécie beaucoup Cécile Olswensky qui dirige une petite entreprise de formation en langues étrangères : si je lui obtiens un contrat avec le crédit agricole, il me passe commande d'une étude significative pour son entreprise. Nous verrons l'objet plus tard91(*) ». Dans cet exemple, le chef d'entreprise souhaite que la société de sa maîtresse obtienne un contrat de formation avec le Crédit agricole. Or, pour rémunérer cette prestation fictive, il doit justifier d'une sortie d'argent de son entreprise afin d'avoir les moyens de corrompre. Le corrompu lui, doit justifier d'une entrée de flux dans le capital de sa firme. Le dirigeant propose donc de passer commande d'une étude fictive, étude qui n'a en réalité d'autre objectif, que la rémunération du contrat de formation. Nul besoin est de préciser que l'auteur déclare avoir refusé ce pacte illégal. Mais l'on se rend bien compte grâce à cet exemple, de quelle façon la fraude peut servir de socle au phénomène corrupteur.

Le Service Central de prévention de la corruption a étudié ce lien indissoluble entre fraude et corruption. D'après le SCPC, « La corruption se nourrit du produit des fraudes. Corrupteurs et corrompus utilisent à leur profit les fausses factures ; les manipulations comptables organisées à partir des logiciels permissifs ainsi que les montages à partir de sociétés écrans génèrent des flux d'espèces qui permettent le financement de la corruption 92(*)». Pour ce service, l'opération de corruption est « un montage actif, méthodique et calculé ». En effet, il s'agit d'un montage actif car l'opération est forcément préméditée, préparée et résulte de « l'échange de volonté qui rapprochera le corrupteur du corrompu ». C'est ensuite un montage méthodique. « Il consiste à organiser les opérations en fonction du secteur économique concerné, des techniques les plus pertinentes, de l'urgence, de l'importance des montants en jeu, ainsi que des caractéristiques des contrôles réels ou potentiels ». C'est enfin un montage calculé, car le choix du montage repose sur la volonté du corrompu, et de cette volonté dépend la façon appropriée de faire sortir le flux financier de l'entreprise.

Il apparaît donc essentiel pour la survie de l'entreprise de lutter contre ces types de détournements, dans le but d'éviter toutes pertes financières dues à des comportements malveillants. Le SCPC préconise donc l'analyse des risques inhérents aux différents secteurs. « La prévention des fraudes comme celle de la corruption exige le développement d'une approche par processus93(*) ». On appelle généralement « processus » la suite d'exigences mises en place dans une gestion ou, plus précisément, le cheminement suivi par l'opération dans la gestion commerciale. Lorsqu'il y a non respect de ce processus, cela signifie, dans la majorité des cas qu'il y a fraude.

Pour Noël Pons, conseiller au SCPC, il existe différents types d'outils informatiques qui, détournés de leur usage premier, peuvent faciliter la fraude en entreprise. En effet, pour ce dernier, « La recherche systématique des réductions de coût et de facilités d'utilisation a suscité la création de logiciels « souples ». Les concepteurs, qui privilégient la souplesse d'utilisation de leurs logiciels, ne prévoient pas toujours les verrous informatiques qui sont nécessaires pour justifier des obligations d'intégrité relatives aux règles comptables. Ainsi, ces logiciels comptables ou de gestion qui permettent, du fait de leur souplesse d'utilisation, d'obtenir en sortie documentaire ce que l'on désire et non la réalité des opérations, peuvent être qualifiés de  pourriciels 94(*)». Ce genre d'outil peut donc servir de base au détournement de liquidités dans le but de corrompre autrui. La fraude informatique comptable devient alors le support nécessaire de toute pratique corruptrice. Un autre risque majeur de ces logiciels : la facilité d'utilisation permet aux usagers de connaître leurs failles et d'en abuser. Ainsi, pour M. Pons, la fraude devient « une procédure intégrée dans la gestion de l'entreprise. Ces outils sont alors mis au service d'une fraude « professionnelle » devenant ainsi une procédure informatisée difficilement détectable parmi les autres95(*) ». Pratiquée régulièrement, cette fraude est donc véritablement nuisible pour le maintien en bonne santé de l'entreprise.

Plus spécifiquement, Noël Pons et Valérie Berche abordent le problème de la corruption privée et les différentes formes de détournements, sous jacents nécessaires à cette corruption. Ainsi, pour ces derniers : « La corruption se matérialise le plus souvent par des paiements effectués avant l'attribution des contrats - « quiks savings ». Elle peut aussi survenir en cours de contrat, si le corrompu menace d'interrompre la prestation ». Quant aux fonds détournés pour corrompre, ils « proviennent en général, de surfacturations émises à l'encontre du client...C'est la raison pour laquelle, dans les milieux avertis, un corrompu est souvent appelé « Monsieur x pour cent » en fonction du montant de son prélèvement ». Et les auteurs de continuer : «  En ce qui concerne les fonds reçus par le corrompu, on note le plus souvent des espèces, des cadeaux - voyages, cadeaux VIP, véhicules, garanties sur des prêts personnels - qui conduisent de fait à une amélioration du train de vie global du bénéficiaire96(*) ». De plus, il apparaît que les secteurs d'activité dans lesquels le recours à la sous-traitance est important se révèle être un secteur à risque. Selon M. Pons et Mme Berche : « La pression exercée par le client sur la cadrage financier de la prestation exigée des sous-traitants est telle que ces derniers manquent de critères discriminants pour se distinguer face au client. Les sous-traitants étant eux-mêmes très fortement contraints de produire du résultat peuvent alors décider de recourir au paiement de commissions illégales ».

Il ressort donc que la fraude est souvent le point de départ des pratiques corruptrices. La nécessité pour le corrupteur de trouver les moyens d'acheter le corrompu, l'oblige à se procurer des fonds, le plus souvent émanant de sa société. De plus, destinée à donner une apparence légale à l'opération, cette fraude rendra d'autant plus dure la détection du délit. Il apparaît donc essentiel pour les entreprises de se prémunir d'outils de prévention des risques.

* 89 Les Echos : « La fraude prospère en entreprise » ; 1er avril 2004.

* 90 PricewaterhouseCoopers : « Enquête sur la fraude dans les entreprises en France, en Europe et dans le Monde ». Edition 2005.

* 91 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu » ; éd. Julliard 1995, p. 60.

* 92 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2006 ; éd. La documentation Française, p. 113.

* 93 Ibid, p. 115.

* 94 Noël Pons : « Quand les logiciels « souples » facilitent la fraude ». Audit Interne n° 174 - avril 2005 ; p. 30.

* 95 Ibid, p. 31.

* 96 Noël Pons et Valérie Berche : « Pour une méthodologie d'audit adaptée au conflit d'intérêts » ; Audit Interne n° 182 - décembre 2006, p. 7.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard