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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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B: L'absence de pouvoir effectif des organes chargés de lutter contre la corruption : Le cas du Service Central de Prévention de la Corruption.

Le Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) est un service interministériel placé auprès du garde des Sceaux, ministre de la Justice. Créé par la loi du 29 janvier 1993 109(*) relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique, ce service est chargé de plusieurs missions :

- centraliser les informations nécessaires à la détection et à la prévention des faits de corruption, trafic d'influence, concussion, prise illégale d'intérêts et d'atteinte à la liberté et à l'égalité des candidats dans les marchés publics ;

- prêter son concours, sur leur demande, aux autorités judiciaires, saisies de faits de cette nature ;

- donner sur leur demande, à diverses autorités administratives ainsi qu'aux maires, présidents de conseils généraux ou régionaux des avis sur les mesures susceptibles de prévenir de tels faits.

Depuis sa création, le SCPC a participé activement à la recherche et à la détection des pratiques corruptrices, mettant ainsi à jour bon nombre d'agissements jusqu'alors méconnus. En résumé de ses investigations, ce service rend tous les ans un rapport destiné au garde des sceaux, rapport qui met en lumière les risques encourus en fonction des différents secteurs. Le travail remarquable effectué par ce service a permis de nous éclairer sur des domaines non encore explorés en terme de risque de fraude, de corruption, ou de blanchiment. Ont ainsi été abordés des domaines tels que le sport, la publicité, les sectes, le secteur associatif, etc. Malgré le travail remarquable effectué par le SCPC depuis sa création, certaines interrogations restent toutefois en suspens, interrogations qui peuvent nous faire douter sur la réelle volonté des pouvoirs publics de lutter contre ce phénomène. En effet, nous pouvons nous questionner sur les moyens mis à disposition de ce service pour mener à bien sa lutte. Dès sa création en 1993, nombres de parlementaires se sont opposés au SCPC. Arguant de l'inefficacité du service, ou de ses méthodes assimilables à un « service de renseignement », le SCPC a connu des débuts difficiles. Ces parlementaires saisirent le Conseil constitutionnel, dans le but de l'interroger sur la conformité de la loi de 1993, à la Constitution. En réponse, le conseil est venu, dans sa décision du 20 janvier 1993110(*), restreindre considérablement les pouvoirs du SCPC, le rendant ainsi, selon les dires de certains, à l'état « d'eunuque impuissant ». Initialement pourtant, le législateur avait conféré au service un droit de communication de tout document - le service avait le droit de se faire communiquer par toute personne physique ou morale tout document, quel qu'en soit le support, nécessaire à l'accomplissement de sa fonction - et un droit de convocation de toute personne susceptible de lui fournir les informations nécessaires à l'accomplissement de sa mission. Les sages du Conseil ont annulé ces pouvoirs affirmant qu'ils étaient de nature à « méconnaître le respect de la liberté individuelle et à porter des atteintes excessives au droit de propriété », et que « le législateur n'avait pas défini ces mesures de manière suffisamment claires et précises en les limitant à celles qui relèvent d'enquêtes administratives ». Par conséquent, l'octroi de pouvoirs d'investigation, dans le cadre d'enquêtes judiciaires, au SCPC semble exclu. Ce service se trouve alors dépourvu de tout moyen d'action, et tend à devenir plus une cellule d'experts, qu'un organisme d'enquêtes participant activement à la répression de la corruption.

De plus, le SCPC est composé de sept fonctionnaires, détachés d'administrations diverses - justice, police, gendarmerie, impôts, douane. Ce nombre restreint de personnel doit toutefois être renforcé en vertu des promesses des gouvernements successifs, mais les postes à pourvoir restent encore et toujours vacants, faute de volonté des différentes administrations et des restrictions budgétaires. On imagine la difficulté pour ce peu de personnes d'appréhender à eux seuls dans toute son ampleur, un phénomène aussi vaste que la corruption. Effectivement, si un délit semble constitué, ce service transmet le dossier au procureur de la république, mais cela ne se produit qu'environ cinq fois par an111(*). Ainsi, le SCPC reconnaît lui-même qu'il « demeure sous-employé112(*) », particulièrement par l'autorité judiciaire alors qu'il est placé directement auprès du garde des sceaux.

Autre point négatif, la saisine du SCPC par les particuliers n'est pas prévue par la loi. Les textes fondateurs du service énumèrent limitativement les autorités habilitées à lui demander un avis, et il en résulte que la saisine par de simples citoyens, sans mandat électif ni attribution administrative ou juridictionnelle, n'est pas prévue. Pourtant, selon le service : « De nombreux courriers lui sont adressés par des particuliers pour solliciter des consultations, des renseignements, ou porter des faits à sa connaissance. Ils représentent aujourd'hui près de la moitié des saisines113(*) ». Le législateur n'est toutefois pas intervenu pour modifier la loi de création du service, et il n'est donc pas permis au particulier de saisir directement le SCPC.

Selon Daniel Dommel, le SCPC est « Handicapé par la limitation de sa marge d'initiative ainsi que par des contestations techniques et des tensions politiques qui ont entouré ses premières années d'activité 114(*)». Pour cet auteur, le SCPC s'apparente à une « structure légère », et il compare ce service à son homologue Chinois : l'Independant Commission Against Corruption (ICAC) d'Hong Kong. Daniel Dommel dépeint l'environnement instable dans lequel est naît l'ICAC en Chine : « Il fallait verser un bakchich à l'ambulancier pour qu'il vous emmène à l'hopital, au pompier pour qu'il attaque les flammes... », en concluant à la nécessité d'instaurer un tel organe. Une triple mission d'investigation, de prévention et d'éducation a alors été affectée à l'ICAC, et ce service et indépendant de toute administration, y compris de la police. Pour assurer sa mission, l'ICAC est doté d'importants moyens, en particulier un personnel qui dépasse aujourd'hui les 1300 agents - plus d'un agent pour 5000 habitants. Et M. Dommel de conclure : « L'institution a manifestement réussi à démanteler les systèmes de corruption établis dans divers secteurs et à susciter le soutien de l'opinion. La corruption est devenue une infraction à haut risque à Hong Kong ».

En comparaison à cet exemple chinois, le SCPC apparaît effectivement comme une « structure légère », qui ne possède pas les moyens appropriés pour mener à bien son action de lutte. Ce service apparaît plutôt comme un paravent pour les gouvernements, un affichage politique bien plus qu'une réelle volonté de lutter contre la corruption. Cet observatoire de la corruption, qui pourrait s'avérer être, s'il était doté de pouvoirs suffisants, un réel instrument contre ces pratiques illégales, n'en est réduit qu'à l'impuissance et à l'inaction. Il semble donc nécessaire que le législateur modifie les textes créateurs du service, afin de le doter de pouvoirs d'enquête et d'investigation. Ces pouvoirs d'enquête devront cependant être strictement encadrés et respectueux des droits et libertés, seule justification avancée de la censure par le Conseil constitutionnel.

Ces quelques lignes nous permettent d'entre apercevoir toute la complexité d'appréhension du phénomène de corruption. Une volonté réelle de lutte contre ce fléau s'est maintenant instaurée depuis quelques années, notamment par des modifications législatives ou des créations de services spécialisés. Mais ce combat est entravé par les difficultés et les carences qui entourent ce délit, rendant d'autant plus délicate l'application de la répression aux auteurs. Restent donc beaucoup d'éléments à parfaire, comme par exemple une refonte du délai de prescription, l'attribution de moyens d'investigations pour le SCPC, etc. Il conviendra donc de rester attentif au changement qui auront lieu - si changement il y a - dans les prochaines années.

* 109 Loi du 29 janvier 1993, n° 93-122.

* 110 Décision du Conseil constitutionnel du 20 janvier 1993, n° 92-316.

* 111 En 2002, seuls trois dossiers ont été transmis au parquet par le SCPC.

* 112 Rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001 ; éd. La documentation Française, p. 105.

* 113 Ibid, p. 103.

* 114 Daniel Dommel : « Face à la corruption » ; éd. Karthala, p. 110 et 111.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo