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La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises

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par Pierre ROCAMORA
Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007
  

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CONCLUSION

L'exposition quasi constante des entreprises au risque de corruption a eu pour conséquence l'élévation d'une conscience collective de lutte contre ce fléau. Le législateur, par un dispositif exhaustif, est venu encadrer de manière stricte l'infraction de corruption privée, rendant moins attractive ces pratiques illicites. Les entreprises, victimes directes de ce phénomène, ont également élaboré et mis en place des outils de lutte contre la corruption. Cela se traduit concrètement par l'instauration de Codes de déontologie, destinés à afficher l'honnêteté de l'entreprise, mais servant aussi de guide pour les salariés lors de leur prise de décision. Cette volonté commune de lutter contre ces pratiques corruptrices se concrétise à l'heure actuelle par l'apparition de notions telles que « la responsabilité sociale d'entreprise » (RSE). La RSE peut être définie comme un concept dans lequel les entreprises intègrent les préoccupations sociales, environnementales et économiques dans leurs activités et dans leurs interactions avec leurs parties prenantes sur une base volontaire. A coté de cette notion de RSE s'est également créé ce que l'on nomme désormais la notion de Développement Durable (DD), avec un objectif sensiblement identique. L'idée est que l'entreprise qui recherche le profit, sera d'autant plus performante si elle intègre des valeurs morales, éthiques et de gestion humaine. Preuve de plus que l'entreprise s'investit dans la voie de la transparence et de la bonne gestion, et met tout en place pour mettre l'homme au centre de l'économie. Risque majeur pour l'entreprise, la corruption est désormais prise très au sérieux par les différents acteurs économiques, qui semblent vouloir éviter les conséquences néfastes qu'il en résulte. Aussi bien en terme de finance que d'image de marque, une firme touchée par la corruption, voit sa réputation considérablement ternie. En amont, cette lutte doit également se manifester par l'adoption et l'instauration d'outils spécifiques, tels que la mise en place d'un « déontologue », un « compliance officer », dont le but serait de contrôler non seulement le respect de la ligne éthique énoncée par l'entreprise, mais aussi d'apporter une aide aux salariés en cas de prise de décision. Notons que l'instauration de telles mesures de lutte peut s'avérer véritablement bénéfique pour les entreprises. Les investisseurs aussi bien que les consommateurs, observant les efforts de la firme dans ce combat, lui redonneront sa confiance, et dirigeront ainsi leur pouvoir d'achat sur ces entreprises. Ainsi, selon l'étude réalisée en partenariat par Novethic et le SCPC, les sociétés qui s'engagent dans cette lutte, voient dans la majorité des cas, leur valorisation boursière progresser115(*). Mais l'étude d'en conclure : « Il est clair que le thème de la corruption, sujet plus sensible et moins valorisant que d'autres, n'est pas le thème prioritaire du reporting RSE des entreprises116(*) ».

L'on peut donc légitimement s'interroger sur ce sursaut de moralité des différentes firmes. N'est ce pas là un simple affichage commercial, destiné à rassurer investisseurs et consommateurs ? Rappelons que l'entreprise « est astreinte à la responsabilité sous peine de mort, et que si elle doit assumer les coûts du développement durable, ceux-ci ne sauraient amputer les profits loyaux sous peine de rendre l'entreprise non durable117(*) ».

Ainsi, gardons nous de toute conclusion hâtive sur les bienfaits déclamés de tous ces dispositifs internes de lutte. Ils sont peut être en réalité, un simple affichage de loyauté, sans grands effets sur les réalités commerciales. « La raison d'Etat », souvent avancée par nos gouvernements pour justifier la commission d'actes aux bornes de la moralité, « transposée à l'économie de marché devient « raison d'entreprise ». La loi et la justice trépassent118(*) ». Dans cette configuration, l'on peut se demander si, sous prétexte de prôner l'introduction de principes et de valeurs de bases dans les entreprises, celles-ci ne jouent pas la carte de l'hypocrisie, tout en continuant d'agrémenter les circuits opaques de la corruption.

Côté décideurs publics, force est de constater que la volonté affichée d'éradiquer toute forme de corruption, n'est pas toujours suivie d'actes concrets. En effet, les multiples failles qui entourent le délit de corruption ne semblent pas inquiéter outre mesure le législateur. Bien que la loi du 4 juillet 2005 ait apporté des solutions nouvelles et efficaces en matière de répression de la corruption privée, il n'en reste pas moins que des lacunes continuent de ternir ce délit. Ces lacunes pourtant apparentes, ne font pas l'objet de modifications législatives, alors qu'elles posent de réelles difficultés dans l'application d'une quelconque répression aux auteurs d'actes de corruption. En effet, pourquoi ne pas calquer le délai de prescription de l'action publique de la corruption privée sur celui de l'abus de bien sociaux ? Cette évolution souhaitable permettrait aux magistrats de réprimer de façon correcte toute pratique corruptrice, sans employer le subterfuge juridique de l'abus de bien sociaux. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation, bien souvent imprégnée d'orientations gouvernementales, n'a pas pris parti pour une telle évolution.

De plus, l'on peut se questionner sur le fait de savoir pourquoi un organe comme le Service Central de Répression de la Corruption ne dispose toujours pas de pouvoir d'investigations pour mener à bien sa mission. Effectuant un travail d'expertise remarquable, ce service se voit pourtant réduit à l'état « d'eunuque impuissant », car ne disposant d'aucun pouvoir judiciaire concret. Nombreuses sont les remontrances des parlementaires à l'égard des gouvernements successifs sur cette question, mais là encore cela n'est pas près de changer. Cet outil pourtant nécessaire à la lutte contre la corruption est destiné à l'inaction, car aucune volonté politique réelle ne vient lui conférer de véritables moyens d'action. Selon les termes mêmes du SCPC : « L'outil n'est qu'un moyen. Encore faut-il avoir la volonté de s'en servir, donc la conscience des ravages causés par la corruption et la nécessité de la combattre, même parfois au risque de son confort personnel119(*) ». Ainsi, doter ce service de pouvoirs d'enquête et non de simples prérogatives administratives, reviendrait à bouleverser les habitudes d'une certaine élite, ce qui forcément ne serait pas du goût de tout le monde, car nombres de leurs privilèges seraient remis en cause. D'autre part, pour Rudy Aernoudt : « Pour appréhender au mieux la corruption, il faut revenir à une économie qui place l'homme au centre des préoccupations, à une économie à visage humain. Ce plaidoyer pour l'anthropomorphisme de l'économie n'est pas bien sûr sans conséquences sur le thème du contrôle. Le contrôle des systèmes s'apparente toujours au jeu du chat et de la souris entre les autorités et les corrompus, ces derniers se trouvant aussi bien au sein des autorités qu'à l'extérieur. Les membres corrompus de la société tentent, dans une sorte de destruction créatrice schumpétérienne, de devancer constamment les autorités en ayant recours aux techniques et aux méthodes des corruption les plus neuves. On appelle ça de l'innovation et de l'ingénierie120(*) ». Par conséquent, pour que l'économie prodigue ses bienfaits, il est nécessaire de revenir à des valeurs humaines de base, afin d'éviter de multiples dérives, dues à l'attrait de l'homme pour le profit. La lutte contre la corruption s'inscrit donc dans le temps, et à aucun moment les hommes ne devront atténuer le combat contre ce fléau.

La nécessaire lutte contre la corruption implique donc la volonté des différents acteurs, politiques et économiques. Le législateur français, sous l'impulsion internationale, est venu encadrer de façon stricte les comportements de corruption privée. Les entreprises elles, se dotent peu à peu de mesures internes destinées à parfaire cette lutte, et à se prémunir des risques inhérents à toute pratique commerciale. Reste à savoir si ces volontés collectives sont bien réelles, et si l'éradication de la corruption, tant souhaitable pour l'économie, est véritablement voulue par ces protagonistes.

* 115 Voir à cet égard l'enquête du Service Central de Prévention de la Corruption (SCPC) et de la société Novethic intitulé : « Transparence des multinationales françaises en matière de lutte contre la corruption : le traitement de l'enjeu « corruption » dans le reporting développement durable des entreprises du CAC 40 en 2004 et 2005 », spécialement p. 61 et suiv.

* 116 Ibid, p. 58.

* 117 Octave Gelinier cité par Daniel Dommel dans « La lettre de transparence » ; Lettre d'information de Transparence International (France), novembre 2005, n° 27.

* 118 Alain Etchegoyen : « Le corrupteur et le corrompu » ; éd. Julliard, p. 81.

* 119 Rapport du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 1999 ; éd. La documentation Française, p. 91.

* 120 Rudy Aernoudt : « CORRUPTION A FOISON. Regards sur un phénomène tentaculaire » ; éd. Economie et Innovation, L'Harmattan, Innoval, p. 73.

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille