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Le droit des propriétés publiques à  l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA

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par Morgan Reynaud
Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011
  

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I) L'affirmation douteuse d'une domanialité publique hertzienne

Le Code général des propriétés des personnes publiques qualifie expressément le spectre hertzien de dépendance du domaine public. Il n'y aurait donc, en principe, aucun doute sur la qualification domaniale du spectre (A). Ceci-étant, la doctrine a parfois cru bon de remettre en cause cette qualification concernant aussi bien les fréquences vouées à la communication audiovisuelle que celles utilisées en matière de télécommunication (B).

A) La qualification de la domanialité hertzienne

Aujourd'hui, la qualification domaniale des fréquences hertziennes est affirmée par le législateur de manière explicite (1). Ce mouvement a cependant été précédé ou concurrencé par la position de la jurisprudence et de la doctrine (2).

1) Une qualification domaniale explicitée par le législateur.

Un long débat a pu porter sur la qualification domaniale du spectre hertzien. L'incertitude a, à ce titre, longtemps régné. On ne compte plus les controverses doctrinales, que l'on évoquera par la suite, portant sur la qualification, ou non, du spectre hertzien comme une dépendance du domaine public. Il avait été question, lors des travaux parlementaires relatifs à la première grande loi sur l'audiovisuel16(*), créant la Haute autorité de la communication audiovisuelle, d'intégrer le spectre hertzien dans le domaine public. Il était en effet initialement prévu, dans le projet de la loi de 1982, que « l'ensemble des fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un accessoire du domaine public ». Néanmoins, et comme le remarqueront les parlementaires quatre ans plus tard, cette qualification, complexe sur un plan technique et juridique, fût abandonnée par le législateur de l'époque au profit de la création d'un service public de la communication audiovisuelle qui pouvait être concédé par l'État.

Le vote de la loi de 1986 sur la liberté des communications a cependant fait planer à nouveau le doute sur une telle qualification. En effet, cette loi a nourri le trouble en confiant à une autorité, la Commission nationale de la communication et des libertés, le rôle de gérer les autorisations d'utilisation de fréquences sans réellement qualifier la nature juridique de ces autorisations. Les députés qui déférèrent cette loi de 1986 au Conseil Constitutionnel arguaient d'ailleurs de ce trouble en considérant que « la rareté des fréquences hertziennes jointe au fait que le développement de la télévision par voie hertzienne intéresse au plus haut point l'exercice des libertés publiques, fait que l'espace hertzien appartient au domaine public et que ce mode de communication constitue un service public par nature, qui répond à des exigences constitutionnelles ». Les parlementaires en déduisaient qu'il résultait de cela « que les articles 25, 27, 28, 30 et 31 de la loi, qui permettent la création de chaînes de télévision par voie hertzienne dans le cadre d'un régime d'autorisation administrative, exclusif de l'application des règles du service public, [étaient], pour ce seul motif, contraires à la Constitution17(*) ». Les députés plaidaient, dans leur saisine, en faveur de la qualification de la télécommunication en un service public, à l'instar de ce qui avait été fait en 1982. Ce service public devait donc être concédé aux titulaires d'autorisation d 'émission. Ce recours à la concession de service public permettait, d'après eux, de surmonter les obstacles juridiques et techniques opposés à la qualification domaniale du spectre, tout en permettant à l'État de conserver une place prépondérante dans la gestion de celui-ci, qualifié de ressource rare. Les parlementaires justifiaient l'analyse de 1982 en estimant qu'elle permettait « tout en substituant la notion de service public à celle de domaine public, de maintenir l'impératif d'intérêt général18(*) ».

Les députés constataient ainsi que le dispositif de la loi de 1986 n'avait non seulement pas recours à la notion de domaine public, mais qu'en plus, elle supprimait celle de service public.
Il en découlait, pour les auteurs de la saisine, que le risque était de considérer les fréquences hertziennes utilisables pour la télévision comme « n'importe quel autre moyen de communication ». Cette vision des choses permettait alors aux députés de conclure que « ou bien la télévision hertzienne constitue effectivement un moyen de communication comme un autre, et l'autorisation préalable ne se justifie pas plus pour lui que pour la presse écrite, ou bien la télévision n'est pas un moyen de communication comme les autres, du fait du caractère limité des fréquences, et le traitement particulier qu'elle appelle doit tenir compte de ses éléments propres ».

Sur le fondement du caractère limité du spectre et de l'intérêt public s'attachant à son affectation, les parlementaires concluaient donc à l'inconstitutionnalité de la loi de 1986. Dans sa décision, le Conseil ne répond pas à cette argumentation. Il considère en effet que « le législateur n'est pas tenu de soumettre l'ensemble de la télévision par voie hertzienne au régime juridique applicable aux services publics ni d'adopter un régime de concession ; qu'en effet, ce mode de communication ne constitue pas une activité de service public ayant son fondement dans des dispositions de nature constitutionnelle ; que, par suite et quelle que soit la nature juridique de l'espace hertzien, il est loisible au législateur de soumettre le secteur privé de la communication audiovisuelle à un régime d'autorisation administrative, sous réserve d'assurer la garantie des objectifs de valeur constitutionnelle ci-dessus rappelés ; que le moyen invoqué ne peut donc être retenu19(*) ».

Le Conseil ne tranche donc pas la question de la domanialité publique de l'espace hertzien. Il explique cependant que pour lui, les services de communication par voie hertzienne ne constituent pas un service public. Ce faisant, le Conseil Constitutionnel va à l'encontre de la position, alors traditionnelle, du Conseil d'État. En effet, celui-ci, dès 1948, en son célèbre arrêt Société Française Radio Atlantique20(*) considérait qu'il appartenait au gouvernement de « remédier à la carence de l'exploitant d'un service public en retirant [à la société concernée]l'autorisation dont [elle] était titulaire ». Ce faisant, les juges du Palais Royal consacraient, non pas l'existence d'un domaine public hertzien autonome, on y reviendra, mais l'existence d'un service public des communications audiovisuelles. Le législateur de 1982 semble donc s'être fondé sur cet arrêt pour élaborer l'idée d'une concession de service public ; de même que les auteurs de la saisine, pensaient pouvoir recourir à cette position jurisprudentielle pour faire invalider le texte. Il n'en fût rien.

En effet, pour le Conseil, les dispositions déférées ne sont pas inconstitutionnelles. Néanmoins, le fait que les juges de la rue Montpensier ne se soient pas prononcés sur la qualification domaniale de l'espace hertzien entretenait le doute sur cette nature. La loi de 1986, et la décision du Conseil la validant sur ce point, ouvraient donc la porte à de nombreuses controverses.

Cependant, celles-ci allaient cesser trois années plus tard. En effet, en 1989, lors de la transformation de la CNCL en CSA, le législateur a expressément prévu, à l'alinéa 1 de l'article 22 de la loi de 1986 que « l'utilisation, par les titulaires d'autorisation, de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République constitue un mode d'occupation privatif du domaine public de l'État ». La question était donc définitivement tranchée. En qualifiant les autorisations de diffusion accordées par le CSA de « mode d'occupation privatif du domaine public », le législateur conférait au spectre hertzien la nature de dépendance du domaine public. Le doute n'était donc, en principe, plus permis.

La création du code général des propriétés des personnes publiques (CGPPP) par l'ordonnance du 21 avril 200621(*) a entériné et renforcé cette vision. Ainsi, l'article 22 de la loi de 1986 a perdu son premier alinéa au profit de la création d'un article L2111-17 du CGPPP qui dispose que « les fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République relèvent du domaine public de l'État ». De même, l'article L2124-26 du même code prévoit que « L'utilisation, par les titulaires d'autorisation, de fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République, constitue un mode d'occupation privatif du domaine public de l'État ». Cet article est également repris à l'article L41-1du CPCE. Le CGPPP, s'il définit la notion, n'utilise cependant pas le terme de domaine public hertzien. Il faut donc chercher à l'article L32 du CPCE la mention anecdotique de « domaine public hertzien ». Le législateur semble donc encore éprouver des difficultés à admettre la qualification domaniale du spectre hertzien.

La doctrine et la jurisprudence ont, quoiqu'il en soit, su accompagner cette nouvelle qualification. Parfois, elles l'ont même devancée.

* 16 Loi n°82-652 du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle.

* 17 CC.18 septembre 1986, loi relative à la communication audiovisuelle, n° 86-217 DC  : Rec. CC p. 141 ; C. Debbasch, « Les Grands arrêts du droit de l'audiovisuel », 1991, n°42 ; L Favoreu, « Chronique constitutionnelle française », RDP 1989.399 ; note P Wachsmann, AJDA 1987.102 ; B Maligner.

* 18 Saisine du Conseil Constitutionnel par 60 députés déférant la loi relative à la liberté de communication, cf : site du Conseil Constitutionnel.

* 19 CC.18 septembre 1986, loi relative à la communication audiovisuelle pré-citée.

* 20 CE.6 février 1948, Sté française Radio-Atlantique : Rec p 65 ; Ccl Chenot, note Jèze, RDP 1948.244.

* 21 Ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, JORF n°95 du 22 avril 2006 page 6024.

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