Paragraphe 2 : La recherche de l'efficacité
L'efficacité du contentieux administratif en RCA parait
relative du fait des retards considérables dans la prise de
décision (A). De l'autre, le contentieux administratif a du mal à
se décoller eu égard au nombre limité des juges qui sont
chargés pour le conduire (B).
A/ Le retard des jugements
Autrefois, on note un nombre relativement faible des arrêts
rendus au cours de treize années d'activités judiciaires, soit 14
affaires par an (depuis 1988).
Aujourd'hui, la réforme de 1995 a suscité
l'afflux des recours. Ainsi, on a constaté une augmentation importante
de recours qui viennent s'ajouter sur ceux non encore instruite devant
l'ancienne chambre administrative. En s'étalant à remplir sa
mission, le Conseil d'Etat, depuis sa mise en place jusqu'en 1999, a eu
à juger 90 affaires. Le Tribunal Administratif a plus statué de
1999 à 2005, il a eu à enregistrer 145 requêtes et en 2009
sur plus de 269 requêtes 131 jugements ont été rendus, dont
124 en six mois. La durée moyenne d'instance est de 4 ans.
Cette lenteur qui peut favoriser le découragement est due
au nombre insuffisant des juges.
B/ Le nombre limité des juges
Le personnel des juridictions centrafricaines provient en
majorité du recrutement, sur titre, complété par la
nomination de divers juristes. Les juges du CE sont nommés par
décret. Globalement, il y a 186 magistrats pour tout le pays dont moins
de 15 pour les juridictions administratives. Cet effectif ne peut permettre le
fonctionnement normal du contrôle juridictionnel et par conséquent
ne peut favoriser la protection juridictionnelle efficace des droits de la
personne humaine.
Parfois le CE est obligé de réquisitionner un
juge du TA pour compléter sa formation de jugement. Chaque juge dispose
de plus de 70 dossiers à instruire, un seul commissaire du gouvernement
doit présenter des conclusions pour l'ensemble de dossiers instruits par
différents juges.
En somme, initialement, c'est contre le pouvoir politique,
issu du « pouvoir militaire» qu'a été établi le
barrage, « le cordon sanitaire» appelé « droits de la
personne humaine». Mais d'autres pouvoirs ont depuis pris le relais : que
ce soit le pouvoir de l'argent ou le pouvoir de la science qui, chacun à
leur façon, doivent être à leur tour, comme le pouvoir
politique, limités, canalisés, «domestiqués» au
seul profit de l'homme, lequel doit être l'unique maître de son
destin.
Cependant, la violation des droits de la personne humaine
trouve un terrain fertile là où le pouvoir politique est
très instable. Depuis l'indépendance du pays, plusieurs «
coups d'Etat » et de nombreuses mutineries ont été
dénombrés, des exactions, abus, actes cruels dégradants et
inhumains ont été constatés dans le pays, notamment dans
les arrières pays. Cette instabilité politique fait que les
réformes favorisant la protection de l'être humain mises en oeuvre
n'ont pas toujours produit les résultats escomptés.
L'instabilité politique a installé le pays dans un climat
d'insécurité généralisée. Les crises
politiques et militaro politiques successives se sont traduites par
l'implication de l'armée et des forces de l'ordre dans la vie
quotidienne. Sous prétexte de maintenir l'ordre public, l'armée a
mis en place des barrages qui finalement seront utilisés pour racketter
les transporteurs et les usagers et fait des règlements de compte jour
et nuit dans le pays. La présence des mouvements de rébellion,
des bandes armées dans le pays a fait qu'on ne peut pas affirmer
véritablement qu'il y'a efficacement protection de l'être humain.
Car nos mamans, nos soeurs, nos frères subissent de torture de toute
part dans nos provinces, les conditions de vie ne sont pas bien requises, la
famine et les maladies continuent de sévir à grande
échelle la population.
Néanmoins, la RCA qui se veut être un Etat de
droit, doit pouvoir faire preuve du respect des droits de la personne humaine
par une protection efficace et par la mise en oeuvre d'une justice
réellement équitable. C'est d'ailleurs le centre
d'intérêt d'un Etat démocratique. De ce fait, par la
création d'institutions étatiques qui protègent les droits
humains et l'agrément ou bien la liberté de création des
associations et ONG, l'Etat centrafricain fait preuve de sa volonté pour
la protection des droits de l'être humain. On note également les
efforts fournis par les juridictions pour que les droits de tout un chacun
puissent être respectés.
Mais, il convient de relever que les mécanismes de
protection des droits de l'homme sont parfois paralysés. Cette paralysie
s'explique par plusieurs facteurs. Certains facteurs sont d'ordre politique.
C'est ainsi que le phénomène du pouvoir, du contrôle
explique pour partie l'ineffectivité de la protection. Par son pouvoir
et ses prérogatives, l'exécutif contrôle parfois les ONG et
Associations qui ont pour but de protéger l'être humain. De
même, les institutions étatiques dites indépendantes sont
sous l'emprise de l'exécutif du fait du choix ou bien de la nomination
des leurs composants (membres).
D'autres facteurs sont d'ordre institutionnel. La
présence du Chef de l'Etat au sein des organes de gestion de la
carrière des magistrats ainsi que le lien ombilical qui unit le parquet
au Ministère de la Justice sont de nature à entraver toute
répression efficace de la violation des droits de la personne humaine au
sein de l'Exécutif. L'indépendance de la justice formellement
consacrée par la Constitution n'a en définitive pratiquement pas
consistance pratique.
L'insuffisance des moyens matériels et humains s'est
traduite par l'action par insuffisance de certains organes de protection. La
faiblesse du budget alloué aux juridictions centrafricaines dans
l'ensemble, par exemple, entrave le fonctionnement de ces juridictions et du
coup bloc parfois l'efficacité de la protection. Cette situation n'est
pas spécifique aux juridictions, elle caractérise le
fonctionnement de la quasitotalité des Institutions politiques et
administratives de la RCA.
Bien que la protection des droits de l'homme ne soit que
relative dans le pays, il faut allouer l'effort fourni par l'Etat dans le cadre
des droits de l'être humain. On reconnait par-là l'effort qui
aboutit à l'élaboration du Projet de Renforcement de l'Etat de
Droit (PRED) dont son objectif est de renforcer les institutions du
système judiciaire et pénitentiaire, de fourni un service de
qualité au citoyen et de réduire les délais de
détention. Il conviendrait aussi d'allouer la promulgation de la Loi
no12.003 du 12 avril 2012, fixant les principes fondamentaux du
régime pénitentiaire en RCA, les engagements conséquents
pris par le gouvernement pour favoriser l'épanouissement de la
femme50 et aussi la création de la direction
générale de la promotion féminine placée sous
tutelle du Ministère des Affaires Sociales et de la Solidarité
Nationale.
En définitive, nous ne pouvons clôturer ce
travail sans pour autant formuler des suggestions à propos de cette
analyse. En effet, pour conclure, nous suggérons à ce que les
institutions étatiques qui sont appelées à protéger
les droits humains puissent respecter et suivre de vrai leur mission par
l'application de leurs textes de base et qu'il leurs soient octroyés des
budgets considérables afin de bien poursuivre leurs objectifs. De part
notre plume, nous voudrions à ce qu'il y ait une indépendance
réelle et effective des Associations et ONG qui ont pour vocation de
protéger les droits de l'homme en RCA ; car on constate que parfois les
autorités de la place font injections sur ces ONG et Associations non
étatiques. Cependant, sans l'appui matériel et financier de
l'Etat, celles-ci ne parviendront guère à leur mission qui est
celui de protéger et de promouvoir les droits de l'être humain ;
et donc, il faut y penser à cela. Nous suggérons à ce que
soit mise en place une Commission Nationale des Droits de l'Homme regroupant
toutes les entités : la classe politique, la société
civile, l'administration, etc. Il est souhaitable que la société
civile soit obligatoirement consultée et bien même associée
dans la prise des décisions.
50 Selon M. Antoine MBAGA, directeur de cabinet au
Ministère des Affaires Sociales, journal des droits de l'homme
:»kôngô ti doli», no16, p 2.
En dernier lieu, nous suggérons à ce que soit
mis à la disposition des juridictions des moyens financiers,
matériels et logistiques permettant à ces dernières de
remplir à bien leur mission. Car, si dans un Etat la justice ne s'exerce
pas véritablement, il ne peut y avoir véritablement respect des
droits de l'être humain et cela engendra d'office de la barbarie. Alors
pour être loin de l'état barbare, il est véritablement
nécessaire que la justice s'exerce réellement dans une condition
favorable et descente, c'est-à-dire avoir des moyens suffisants pour son
exercice. Car le besoin du maintien de l'ordre, de la paix et de la
tranquillité que cherche le Centrafricain repose sur un bon
fonctionnement de la justice.
Si la protection des droits de personne humaine, la soumission
de l'Etat au droit, le respect des principes démocratiques ainsi que la
bonne gouvernance constituent les socles d'un Etat de droit, est ce que la RCA
peut se prévaloir être un Etat de droit ?
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