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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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B.2.2. Retour sur l'intention

Parmi l'ensemble des penseurs que nous avons abordés au sein de ce travail, le premier à avoir travaillé sur la distinction entre l'intentionnel et le non-intentionnel est Grice (1957). Il y introduit la distinction entre les significations Ç naturelles È et les significations Ç non naturelles È, les secondes étant traditionnellement appelées Ç conventionnelles È. Selon Grice, un signe signifie Ç naturellement È lorsqu'il signifie de lui-même, comme un rougissement signifie de lui même l'embarras. Pour qu'un signe puisse signifier Ç non naturellement È, il est nécessaire qu'un interlocuteur communique à travers ce signe son intention de communiquer à travers celui-ci.

Sperber et Wilson reprennent l'idée développée par Grice sur la signification, mais adoptent un point de vue discriminant quant à la distinction entre ces deux types de signes. En effet, ils réduisent la communication aux phénomènes qu'ils qualifient d' Ç ostensivo-inférentiels È, c'est-à-dire qu'ils considèrent que les signes des interlocuteurs ne sont communication qu'à condition de sous-tendre une volonté de communiquer à travers ces signes, et donc qu'ils soient produits à dessein de communication. Alors que nous suivrons leur point de vue sur la centralité de l'inférence en communication, il n'en sera pas de même pour la nécessité du caractère ostensif des signes. En effet, nous pouvons nous interroger sur les fondements d'une conception d'un système inférentiel traitant uniquement des signes ostensifs : un signe produit de façon non-intentionnelle est un stimulus manifeste et peut très bien être une information nouvelle à l'origine d'une inférence et donc créateur d'effets contextuels, au même titre qu'un stimulus intentionnel. Par exemple, rougir à la suite d'une question est une phénomène non-intentionnel, et à sa suite un interlocuteur peut arrêter la conversation, voir changer de sujet si il constate l'embarras de l'Autre : ici le rougissement est un signe pertinent dans la communication. Il est également le produit d'un processus inférentiel : imaginons un interlocuteur qui est embarrassé par un dysfonctionnement de sa prononciation l'entrainant à mal prononcer certains mots. Si il possède dans sa mémoire la prémisse : Ç toute situation oü j'estropie un mot est embarrassante È et que ce même interlocuteur estropie malencontreusement un mot dans une situation particulière, l'information nouvelle : Ç je viens d'estropier un mot È lui fera inférer la conclusion qu'il se trouve dans une situation embarrassante. Son embarras se signifiera de

façon incontrôlable par un rougissement. Or, pouvons nous vraiment dire que l'interlocuteur sous-tend une intention de communiquer par ce rougissement ? Ë l'inverse, peut-on vraiment dire qu'il ne communique pas à travers ce signe ? Un interlocuteur qui rougit ne considère pas qu'il produit de façon ostensive, mais cependant il ne pourra pas nier que cette sémiotique communique, et à ses côtés l'interlocuteur agira et adaptera son comportement en fonction du signe qu'il comprendra comme signe d'embarras : il pourra volontairement ignorer le signe ou même changer de sujet pour quitter la situation que l'Autre a signifié comme embarrassante.

De plus, nous pouvons nous interroger sur la limite définissable entre l'intentionnel et le non-intentionnel. Existe-t-elle vraiment ? Ë quel moment peut-on arrêter de considérer qu'un signe a été produit de façon intentionnelle ? Dans sa quasi totalité, la communication est un phénomène spontané mêlant des signes de toutes natures, mais par quels critères peut-on réellement séparer les uns des autres ? La distinction est relativement simple à faire pour l'exemple que nous avons pris un peu plus haut, le rougissement étant un signe qu'il est quasiment impossible de produire volontairement, et donc d'utiliser de façon ostensive. Cependant, ce n'est pas le cas de tous les signes. Considérons un instant la catégorie des signes élocutionnels classés dans la catégorie des signes Ç emblèmes > et des signes Ç illustrateurs >32. Les emblèmes sont des signes élocutionnels culturellement marqués et partagés par les membres d'une culture précise, utilisés Ç à la place > d'un mot et qui peuvent être produits volontairement (ils le sont d'ailleurs dans la majorité des cas), mais également involontairement. Ils peuvent être involontaires notamment lorsque que l'interlocuteur essaie de cacher une de ses émotions mais qu'elle transparait au travers d'un emblème33. Ë l'inverse, les illustrateurs sont idiosyncratiques et sont une ponctuation élocutionnelle personnelle propre à chaque individu34. Leur cas est particulièrement intéressant pour notre propos. L'illustrateur est un signe élocutionnel qui a pour fonction de ponctuer, d'illustrer la parole qui lui

32 Notre traduction des termes Ç emblems > et Ç illustrators È

33 Ekman parle de Ç leakage >

34 Pour un développement plus complet, voir Ekman (2009:99-108), Ekman (2003), Johnson & al. (1975)

est concomitante, servant à mettre de l'emphase sur un mot ou une phrase, de dessiner dans les airs pour améliorer la description locutionnelle, etc.35 Néanmoins, doit-on classer les illustrateurs dans la catégorie des signes intentionnels ou dans celle des signes non-intentionnels ? Ces signes ne sont pas conventionnels, puisque propres à chacun, mais en même temps ne signifient pas naturellement. Ils jouent un rTMle dans le système communicationnel sans que l'on puisse définir de façon certaine si ils sous-tendent une intention de communiquer à travers eux, i.e. on ne peut trancher de façon définitive sur leur intentionnalité effective ou non.

Nous achèverons donc ce point par la conclusion qu'il n'est pas pertinent de se poser la question de l'intentionnalité lorsque l'on étudie le système communicationnel : tout signe, intentionnel ou non-intentionnel, est stimulus manifeste et donc potentiellement effectif, c'est-à-dire que tout signe peut-être à l'origine d'une inférence, et se doit d'être considéré dans l'étude du système. L'activité dans le système existe que le signe soit intentionnel ou non-intentionnel. Pour l'illustrer, Grice (1957:383) prend l'exemple du froncement de sourcil : si un interlocuteur fronce les sourcils de façon spontanée, l'Autre va inférer qu'il existe une source de mécontentent entrainant le premier à froncer les sourcils. Mais si ce même interlocuteur fronce intentionnellement les sourcils pour signifier à l'Autre qu'il est mécontent, ce dernier va arriver aux mêmes conclusions que le cas premier36. Ainsi, l'intentionnel et le non-intentionnel se mêlant et agissant tous deux dans le système, nous ne pouvons pas envisager que la communication ne puisse se faire qu'avec des signes ostensifs.

35 Ekman (2009:105) Ç emphasis can be given to a word or phrase, much like an accent mark or underlying; the flow of thought can be traced in the air (...) the hands can draw a picture in space or show an action repeating or amplifying what is being said. È

36 Grice (1957:383) Ç If I frown spontaneously, in the ordinary course of events, someone looking at me may well treat the frown as a natural sign of displeasure. But if I frown deliberately (to convey my displeasure), an onlooker may be expected, provided he recognizes my intention, still to conclude that I am displeased. (...) In general a deliberate frown may have the same effect (...) as a spontaneous frown. È

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon