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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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B.3.3. L'imprédictibilité

La communication, même existant dans des conditions optimales, a une probabilité d'échec. Nous allons voir ici que, aux vues des propriétés du système et de ses éléments, cette probabilité d'échec est inévitable. Nous avons déjà abordé à plusieurs reprises qu'il existe une imprédictibilité due au fait que le système communicationnel ne peut en aucun cas être considéré comme un système traitant des informations absolues, ceci étant dU au fonctionnement inférentiel des processus cognitifs humains utilisés lors de la communication. Ce qui affecte le système cybernétique, puisque l'autorégulation s'en trouve touchée dans sa nature : le contrôle effectué dans le système n'est pas un contrôle par information absolue, mais une nouvelle hypothèse. Nous verrons dans la dernière partie de ce chapitre en quoi l'identité du système joue sur son imprédictibilité.

L'imprédictibilité est une propriété des systèmes dynamiques nondéterministes, c'est-à-dire les systèmes dans lesquel à un moment donné T, il est impossible de prédire de façon certaine quel sera l'état du système à un moment ultérieur à T. Pour ce type de système, l'évolution est non-linéaire, c'est-à-dire qu'elle ne suit pas une périodicité et encore moins un Ç trajet È qui serait Þxe, oü chaque effet relèverait d'une certaine proportionnalité aux conditions de T. Dans ces systèmes, un changement minuscule sur une de ses conditions à un temps T pourra avoir des conséquences gigantesques imprévues à un temps T', ce sont des système oü Ç le fait de jouer modiÞe les règles du jeu. È (Gleick,1989:46)

Le système communicationnel répond à ces critères : tout nouveau Ç coup È redéÞnit le jeu et toute déviation ou perturbation à un moment donné pourra prendre des proportions insoupçonnées au moment de la production de cette déviation. Ainsi, le statut inférentiel des processus communicationels fait qu'il n'existe jamais de savoir mutuel absolu, et de ce fait, toute communication est sujette à hypothèses et donc à une possible déviation de la mise en commun des sens entre interlocuteurs. Nous ne reviendrons pas sur l'inférence, point amplement développé précédemment, mais allons voir dans cette partie en quoi le statut autonome du système renforce l'activité inférentielle et ipso facto l'imprédictibilité du système.

Comme nous l'avons vu, le système communicationnel est un système entièrement autonome : l'interaction avec son environnement est informative. Nous avons également vu qu'il était auto-référentiel, ce qui signifie que Ç le système est basiquement un système d'observation de sa propre utilisation. È (Roulland,2010:75) Ainsi, pour fonctionner, le système autopo
·étique ne peut utiliser que ses propres éléments, et de ce fait la communication ne peut fonctionner qu'avec des patterns qui lui sont internes. Nous avons aussi vu que ces patterns fonctionnent au travers de choix parmi un ensemble d'hypothèses, lesquelles étant sélectionnées pour leur probabilité la plus grande. Or, la probabilité de ces éléments n'a pas de valeur quantitative, il nous est impossible de choisir une échelle de 0 à 100 afin de définir ce qui fait qu'une hypothèse est plus probable qu'une autre. Pour reprendre l'exemple que nous avons utilisé dans la première partie des deux amis en pleine discussion autour d'un verre, il est difficilement concevable que l'homme qui reçoit face à son ami au verre vide fonctionne sur des prémisses du type Ç Il y a 80 % de chances pour que mon ami souhaite que je le resserve. È Cependant, il lui est possible de juger qu'il est plus probable qu'il souhaite se faire resservir (hypothèse A) plutôt que de rester le verre vide (hypothèse B). Ainsi, il est capable de juger que A est plus probable que B, mais le choix entre ces deux hypothèses n'est pas un choix quantitatif : c'est au travers d'un jugement comparatif que s'exécute ce choix, en comparant les hypothèses et en choisissant celle qui a plus de Ç force »43 qu'une autre, celle-ci se définissant par l'histoire cognitive et subjective d'une hypothèse chez un interlocuteur. Ainsi un élément n'existe qu'en comparaison à l'existence de tous les autres qui ne sont pas lui et se compare aux autres en fonction de sa force, elle même relative et subjective44. Pour revenir à notre point sur l'imprédictibilité, tout observateur s'aventurant à vouloir prédire le système ne peut que devenir partie de ce système, toute approche sur le langage ne peut qu'utiliser le langage, et de surcro»t, cet interlocuteur ne peut envisager le contrôle qu'en adoptant l'intérieur du

43 Selon Sperber et Wilson (1989:123-125), la Ç force de nos hypothèse correspond à la probabilité qu'elles soient vraies, (...) une représentation du degré de confirmation d'une hypothèse n'(étant) jamais qu'une autre hypothèse, (...) basée sur un jugement comparatif. È

44 L'opposition des deux types se fait ainsi : une comparaison quantitative est objectivement gradable, ainsi nous pouvons dire que Rennes est plus loin de Paris que de Nantes, et ce en donnant des chiffres précis à l'appui, à savoir qu'il y a 250 km de plus pour aller à Paris. Une comparaison qualitative, elle, nous permet de dire qu'un costume nous va mieux qu'un autre, mais pas Ç à quel point È il nous va mieux, une comparaison qualitative se base toujours relativement à un autre élément de la classe.

système, puisque l'autorégulation est gérée par le système seul selon un fonctionnement qui lui est propre, en dehors de toute intervention extérieure. De cette contrainte na»t l'imprédictibilité, car tout observateur, s'il veut prédire de façon juste, doit prendre part au système et donc au jeu des inférences et des hypothèses, et inévitablement à un jugement de probabilité subjective, ce qui le conduirait, fondamentalement et paradoxalement, à ne plus pouvoir prédire.

Donc, aucune prédictibilité objective d'un observateur extérieur ne peut exister, ce par le fait qu'aucun observateur ne peut être extérieur au système. Admettons donc cette contrainte d'intériorité et supposons qu'une détermination intérieure au système veuille être faite. Nous verrons ensuite en quoi le statut autonome du système communicationnel dans son rapport à son environnement temporel renforce son imprédictibilité et empêche cette détermination intérieure.

Nous commencerons, par convenance logique et méthodologique, par analyser le rapport au temps passé. Comme nous l'avons développé plus haut, le sens donné dans une communication est guidé par les hypothèses sur le monde de chaque interlocuteur. Or aucun interlocuteur ne possède les mêmes hypothèses sur le monde qu'un autre, le savoir mutuel n'existe pas. L'expérience, et donc la mémoire des interlocuteurs diverge immanquablement, ce qui les amène à donner des sens différents aux signes. Comme le disent Sperber et Wilson (1989:32), Ç chaque individu tend à développer un savoir qui lui est propre. Des expériences de vie différentes produisent nécessairement des savoirs différents. È

Poussons la réßexion plus loin et admettons un instant qu'un des interlocuteurs possède un savoir absolu sur le passé de l'Autre dans le temps présent. Malgré le lien insécable qui existe entre le passé et le temps présent, ce savoir sur notre passé est entièrement relatif, c'est-à-dire qu'à tout moment d'interlocution, le passé, par définition, n'est plus. Ce qui subsiste, c'est une perception présente, relative à la situation de communication actuelle, de manifestations passées du système, et donc elle-même perception informationnelle de ces expériences passées. Ce sont des informations sur le passé qui demeurent, informations qui, par essence, ne sont pas absolues. En effet, comme le souligne Bateson (1980:55) : Ç dans le présent, ne subsistent que des messages relatifs au

passé, c'est cela que nous nommons souvenirs et cela, nous pouvons à chaque instant les recadrer et les moduler. È

Qui plus est, l'inférence présente se base sur des informations anciennes relatives, mais cette relativité existe également pour toute information nouvelle. En effet, bien que partageant un environnement potentiellement communément manifeste, il est impossible de prouver catégoriquement que la perception sensorielle de l'environnement direct du système est semblable chez tous les interlocuteurs. Il semble au contraire qu'il soit logique d'adopter l'optique que la perception sensorielle est subjective et donc relative à l'individu qui a cette perception.

EnÞn, le système communicationnel étant indépendant du système temporel, le premier se trouve être entièrement imprédictible sur le long terme. Le futur, de nature, n'est pas un état obtenu mais un ensemble de possibles. Très schématiquement, imaginons une communication oü un interlocuteur veut partir du point A pour arriver au point Z. Pour cela, il imagine une chaine partant de A pour faire inférer B, de B pour faire inférer C, et ainsi de suite jusqu'à Z. Cependant, nous savons qu'aucune communication n'est absolue mais hypothétique, et que l'interlocuteur ne possède aucune certitude d'arriver à amener l'Autre à B, ni même à C, etc. Il est probable qu'apparaisse une déviation, une perturbation qui amènera l'Autre à inférer B', ensuite C", et ainsi de suite sans peut être que l'interlocuteur n'arrive à son but Z.

Cette imprédictibilité sur le long terme est une expérience courante, théorisée depuis le développement par John Locke de la notion d' Ç association des idées È, qui correspond au phénomène que nous rencontrons lorsque dans une conversation nous nous retrouverons à un stade de la conversation, auquel, après coup, nous n'aurions jamais envisagé pouvoir arriver.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle