C.1. Le jeu régulier
C.1.1. L'équilibre en communication
Ainsi, nous avons posé que les interlocuteurs
coopèrent pour une recherche d'équilibre. Un équilibre
appara»t dans le système lorsque tous les interlocuteurs sont
subjectivement dans une position de pertinence optimale, i.e. une situation
dans laquelle les gains de tous sont maximisés.
Avant de voir ce qui caractérise cet équilibre,
nous verrons ce qu'il convient d'appeler gain. Lorsqu'il communique, un
interlocuteur produit afin d'amener l'Autre à une certaine conclusion
suite à une compréhension inférentielle, en d'autres
termes, il cherche à l'amener à trouver du sens dans sa
production. De plus chacun souhaite que la communication s'effectue à
travers une pertinence optimale obtenue lorsque l'économie cognitive est
maximale dans les limites de l'efficacité du système. Ainsi, nous
pouvons considérer qu'un interlocuteur maximise ses gains lorsqu'il peut
faire preuve d'une économie cognitive maximale, c'est-à-dire une
configuration dans laquelle il peut faire l'économie d'efforts qui
seraient inhérents à des expériences d'essais-erreurs,
expériences dans lesquelles il produirait et comprendrait un surplus de
signes et/ou dans lesquelles il devrait rectifier une insuffisance
sémiotique antérieure.
Cependant, nous avons vu que la communication est une mise en
commun durant laquelle les individus coopèrent au bon
déroulement, ce qui fait du système un jeu coopératif dans
lequel les décisions rationnelles des protagonistes ne sont pas faites
dans le but de maximiser les gains individuels, mais dans celui de maximiser
les gains collectifs, c'est-à-dire que l'augmentation du gain de chacun
ne se fait qu'au travers de l'augmentation du gain collectif. Ainsi, le gain
est maximal lorsque pour être efficace, chacun fait preuve d'une
économie cognitive optimale. C'est pour cela que nous avons
envisagé la définition de la pertinence à travers une
recherche d'une économie maximale dans la limite de l'efficacité
du signe : un interlocuteur ne cherche pas à maximiser ses gains
personnels, auquel cas il lui suffirait d'optimiser son économie
cognitive individuelle au maximum, ce qui
cependant lui ferait prendre le risque de compromettre
l'efÞcacité générale du système. Au
contraire, cette économie doit se faire relativement aux limites
d'efÞcacité du système, c'est-à-dire que le gain
individuel gr%oce à l'économie cognitive doit se faire dans la
limite oü cette économie reste assez efÞcace pour maximiser
le gain collectif. Pour résumer, une situation de pertinence optimale,
visée par les interlocuteurs, est une situation de gain maximal qui
n'apparait que lorsque chacun fait preuve d'une économie cognitive
relativement maximale, à la condition qu'aucune économie
cognitive ne compromette l'efÞcacité générale du
système.
En d'autres termes, le jeu communicationnel a pour but
d'arriver à une situation oü la communication est optimalement
pertinente pour l'ensemble des interlocuteurs engagés dans le
système, c'est-à-dire oü chacun maximise ses gains. Cette
situation correspond à ce qu'il convient d'appeler un Ç
équilibre de Nash È, équilibre correspondant à une
situation dans laquelle Ç aucun joueur ne peut obtenir un gain
supplémentaire en changeant unilatéralement de stratégie.
È (Eber,2004:16) C'est cet équilibre qui est visé en
communication. Nous pouvons considérer que la communication atteint son
équilibre lorsque la mise en commun se fait de façon optimale,
c'est-à-dire que chaque interlocuteur infère du sens depuis les
productions de l'Autre dans une économie cognitive relativement
maximale, et donc une situation dans laquelle tous les interlocuteurs sont
subjectivement en position de pertinence maximale et dans laquelle changer de
stratégie unilatéralement ne permettrait pas d'augmenter leurs
gains. Il est important de souligner que le gain n'est pas individuel mais
collectif. Ainsi, un équilibre de Nash en jeu coopératif comme la
communication est atteint lorsqu'aucun des protagonistes n'a possibilité
d'augmenter le gain collectif via un changement unilatéral,
c'est-à-dire qu'un interlocuteur pouvant augmenter son gain personnel au
détriment du gain collectif ne ferait pas tendre le système vers
une position d'équilibre mais au contraire vers une position de
déséquilibre, la recherche d'une augmentation de gain individuel
par augmentation de l'économie cognitive individuelle se ferait au
détriment du gain collectif et donc au détriment de
l'efÞcacité du système. En d'autres termes, il ne serait
plus pertinent.
Mais cet équilibre, bien que visé, ne peut
être obtenu continuellement tout au long de la communication. En effet,
les interlocuteurs sont dans un système
inférentiel et donc dans lequel ils ne peuvent pas
juger par avance de la pertinence des signes, ce qui les amène à
coopérer pour limiter au maximum les successions d'essais-erreurs,
l'économie de ces erreurs représentant un gain. C'est pourquoi
l'atteinte de l'équilibre se fait par un processus de tâtonnement,
c'est-à-dire par paliers de déséquilibre marqués
d'essais et d'erreurs auto-régulés au travers d'une
coopération dans la recherche de l'équilibre. Dans toute
situation communicative, le processus de rétroaction permet de juger de
la justesse du choix de la stratégie de communication dans la
visée de l'augmentation du gain collectif. En effet, avant d'obtenir
l'équilibre de Nash, le système passe par des situations de
déséquilibre, dans lesquelles les interlocuteurs peuvent
subjectivement changer la stratégie adoptée pour augmenter la
pertinence de la communication. C'est le statut autorégulateur du
système qui permet aux interlocuteurs de juger de la pertinence de
chaque signe, et donc de pouvoir juger si ce signe est celui qui augmente le
gain collectif. Ainsi, le système est capable de
s'auto-équilibrer en situation de déséquilibre. C'est
cette situation d'équilibrage qui est créatrice de nouvelles
formes de jeux, que nous verrons dans les deux dernières parties de ce
travail. Avant, nous verrons le statut de l'équilibre sur un plan
macroscopique, ainsi que l'enferment que sous-tend ce statut.
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