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Approche systémique des jeux pragmatiques communicationnels.

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par Colin FAY
Université de Rennes 2 - Master LCER 2012
  

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C.2. Le jeu créatif

Ce type de jeu n'est pas considéré dans la théorie des jeux classique, du moins pas en tant que solution du jeu. Nous allons voir ici comment le jeu en tant que création de processus d'équilibrage peut être utilisé afin d'augmenter le gain collectif, c'est-à-dire en quoi la création d'une situation de déséquilibre afin d'entrer en processus d'équilibrage est le choix le plus rationnel maximisant la pertinence de l'échange.

Ce type de jeu renvoie à une facette de la théorie des jeux appelée Ç ruse È, correspondant à Ç l'aptitude à utiliser à son profit les ambigu
·tés qui accompagnent toute règle du jeu et la marge d'indétermination qu'elle laisse aux joueurs. La ruse consiste pour l'un des joueurs à créer une asymétrie d'informations à son avantage qui ne figure pas dans la structure initiale du jeu. È (Schmidt,2007:61, nous soulignons) Le système de jeu communicationnel, qui est notre sujet d'étude, n'est pas un jeu à gain personnel, mais un jeu à gain collectif, ainsi la ruse n'est pas source d'avantage ou de profit en tant que gain personnel, le profit tiré de la ruse est utilisé en tant qu'avantage dans la maximisation de la pertinence52, en d'autres termes, l'obtention d'un état d'équilibre se fait par création d'une asymétrie d'informations. Pour résumer, à l'inverse des situations habituelles visant directement l'équilibre, ici, c'est le déséquilibre qui est la solution pour l'atteinte de la pertinence, i.e. si un interlocuteur veut que l'Autre obtienne le sens voulu dans sa production, la solution la plus pertinente est de créer ce déséquilibre.

Nous verrons ici les trois situations dans lesquelles ce jeu en tant que déséquilibre est ce qui est visé dans l'échange communicationnel : le jeu métacommunicationnel, le cas du mensonge ainsi que l'usage stylistique.

52 Cela pourrait sembler contre-intuitif de considérer que le gain reste collectif dans certains cas de communication comme par exemple le cas du mensonge, oü l'on pourrait penser que le profit ne revient qu'à un seul interlocuteur. Or, si un interlocuteur veut que son mensonge fonctionne, il faudra que sa communication soit pertinente, et donc, selon notre définition, que le gain maximal soit collectif. Nous développerons cela par la suite.

C.2.1. Le jeu méta-communicationnel

Une des premières causes de jeux volontaires est celle du jeu utilisé afin de méta-communiquer, c'est-à-dire l'utilisation du jeu pour communiquer sur la relation et non de l'information. La création Ç d'asymétrie d'informations È a pour but ici de faire changer le plan sur lequel communiquent les interlocuteurs. Comme le souligne Gardiner (1989:24) : Ç dans bon nombre de cas, on ne parle de rien en particulier. È Ainsi, nombre de communications ont une finalité relationnelle plutôt qu'informationnelle, ce qui fait du langage humain un système bien particulier. En effet, Ç la communication humaine se distingue justement des autres formes de communication par le fait qu'elle n'a pas nécessairement comme finalité l'information È au contraire, dans nombreux cas Ç le langage ayant une fonction de socialisation, le jeu et le contact sont essentiels et ont le pas sur l'information. È (Yaguello,1981:15&26) Cette fonction méta-communicative, en tant que communication sur la relation interactionnelle, est permise par le jeu créatif, qui permet aux interlocuteurs d'exprimer deux sortes de relations : la confirmation ou l'annulation de l'interaction.

Ainsi, Ç dans la vie courante, une bonne partie des échanges n'ont d'autres fonctions que d'assurer le contrat social. È (ibid,26)53 Dans ce type de communications, il y a asymétrie d'informations en ce sens que si l'on se réfère au strict contenu de l'échange, il pourrait sembler soit composé de trop d'informations, soit vide de tout contenu, et de ce fait non pertinent d'un point de vue informationnel. La fonction de ce type de communication se trouve ailleurs, dans l'établissement et/ ou la confirmation de la relation sociale, c'est pourquoi les interlocuteurs sont mal à l'aise lorsqu'un vide appara»t dans une interlocution, et pourquoi les conversations ordinaires regorgent dans leur majorité de sujets qui pourraient à première vue sembler dénués d'intérêt, ou encore pourquoi il est incorrect d'envisager la communication comme simple expression d'une pensée. Ainsi, lors d'un d»ner de famille, les anecdotes d'un membre servent-elles vraiment à communiquer une information sur quelque chose ou le but n'est-il pas d'affirmer et de confirmer le statut

53 Nous ne reviendrons pas sur les théories développées dans la première partie, mais nous rappellerons que certaines spéculations théoriques envisagent que le langage a pour origine cette création de contact social. Voir notamment Gardiner (1989:7)

social familial dans lequel sont engagés les interlocuteurs ? Lorsqu'une épouse rentre chez elle et raconte sa journée à son mari, cherche-t-elle vraiment à ce que celui-ci trouve de l'intérêt dans ces informations sur des personnes qu'il ne conna»t pas ou l'intérêt de chacun se porte-t-il dans une confirmation de la relation sentimentale qui existe entre les deux ? Nous pourrions trouver nombreux autres exemples comme ceux-ci et dans chacun nous dirions que la production communicationnelle para»t non pertinente si nous n'envisageons pas que l'équilibre puisse se faire au niveau méta-communicationnel. En d'autres termes, si nous devions considérer la communication uniquement au sens strict, i.e. à son premier niveau, ce type de jeu serait créateur de Ç non informationÈ, en ce sens que ces communications sont non pertinentes si nous ne considérons que le niveau informationnel de la communication.

Il existe une seconde configuration dans laquelle ce jeu métacommunicationnel est utilisé comme processus de création d'un déséquilibre de premier niveau pour engendrer un mécanisme d'équilibrage de second niveau. Comme nous l'avons vu dans l'introduction, il est impossible de ne pas communiquer. Que reste-t-il donc à un interlocuteur qui ne souhaite pas s'engager dans la relation nécessairement sous-tendue par une interaction ?

Watzlawick (1972) développe trois issues possibles à une situation dans laquelle un interlocuteur A souhaite interagir alors que l'autre B ne le souhaite pas. La première solution pour B est le Ç rejet È de la communication, c'est-à-dire la signification explicite de ce refus, ce qui est une solution contraire aux normes de bienséance, et qui engagerait malgré tout les interlocuteurs dans une forme de relation car rejeter explicitement la communication revient à communiquer, le rejet de l'interaction est donc la création d'une forme d'interaction. La seconde solution est d'accepter la communication, de se résigner à interagir, ce qui pourra créer chez l'interlocuteur s'y résignant un sentiment de regret et/ou de faiblesse. La dernière solution, et c'est celle qui nous intéresse plus particulièrement ici, est Ç d'annuler È la communication, une situation dans laquelle Ç la manière de communiquer frappe de nullité sa propre communication ou celle de l'autre. L'annulation recouvre toute une gamme de communications : contradictions, incohérences, ou bien changer

brusquement de sujet, prendre la tangente, ou bien phrases inachevées, malentendus, obscurité du style ou maniérisme du discours, interprétations littérales de la métaphore et interprétation métaphorique de remarques littérales, etc. È (1972:75) Cette situation est intéressante pour notre propos, car elle correspond à une situation dans laquelle l'interlocuteur veut créer un déséquilibre qui sera impossible à équilibrer d'un point de vue communicationnel : c'est d'un point de vue méta-communicationnel que ce type d'échange trouvera son équilibre et donc sa pertinence. En d'autres termes, l'interlocuteur utilisant ce processus crée volontairement du jeu en tant qu'asymétrie d'informations, afin que ses formes de communication ne soient pas pertinentes pour l'Autre, en créant une forme de communication dont Ç le résultat à toutes les chances d'être un pur et simple charabia È (ibid,77), c'est-à-dire des productions dans lesquelles l'Autre n'arrive pas à donner de sens d'un point de vue informationnel. Ainsi, en créant un déséquilibre, l'interlocuteur B fait passer le processus d'équilibrage à niveau métacommunicationnel, niveau dans lequel les productions de celui qui annule la communication seront pertinentes car elles communiqueront sur la communication, et plus particulièrement sur le souhait du premier de ne pas être dans cette situation communicationnelle.

Ainsi, dans ce type de communications, l'interlocuteur, prisonnier d'une situation communicative de laquelle il ne peut s'échapper, cherche à annuler la conversation en frappant sa communication de nullité significative, un interlocuteur produit et ne sous-tend pas la communication d'un sens, c'est-à-dire que ces signes sont non pertinents au niveau communicationnel et à dessein sources d'un déséquilibre qui sera équilibré une fois que l'Autre trouvera le sens, et donc l'équilibre par pertinence, au niveau méta-communicationnel.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery