Partie I : Stress et management : deux notions
liées.
I. Etat des lieux du stress au travail
A. Le Stress : une réalité
1. Témoignage « la mise a mort du travail »
Avant d'aborder le coeur du sujet et de montrer les
tenants et aboutissants de la souffrance au travail je pense nécessaire
d'évoquer leurs impacts, sur les salariés mais aussi sur
l'organisation toute entière.
Quand le travail rend malade il y a des mots, des
attitudes et des éléments qui touchent et qui sont l'expression
d'un ressenti profond des salariés. Certains ont honte d'avouer leurs
faiblesses, une fois que la souffrance les imprègne. Le sentiment
d'incompétence émerge alors souvent accompagné par une
forte culpabilité ; le salarié devient alors
particulièrement vulnérable.
En France aujourd'hui de nombreux centres
dédié à la souffrance au travail ont vu le jour. Le
reportage diffusé sur France 3 « la mise à mort du
travail » réalisé par Jean-Robert Viallet met en avant
ce nouveau mal qui touche la France. Voici quelques témoignages d'hommes
et de femmes :
Ce reportage montre des consultations
réalisées par Mme Pezé, on assiste à des
témoignages d'hommes et des femmes qui se confient, on retrouve chez
tous un dénominateur commun : la souffrance face à un monde du
travail cruel qui est décrit de manière bien plus abrupte et
certainement plus véridique que dans les images traditionnellement
diffusées par les médias.
On y voit une jeune femme (véronique
caissière dans un hypermarché) qui affirme aimer travailler
:
« J'aime être utile dans la
société donc c'est une joie en retour de voir que les clients et
le patron sont satisfaits et même si je n'obtiens aucune gratification
particulière au final, cela me procure de la fierté. »
Cette caissière a passé 7 années de
bons et loyaux services jusqu'au jour où lui apparurent ces douleurs au
bras droit qui en quelques mois devinrent insupportables, «
c'était au niveau du coude, c'était constamment que ça me
tirait, à force je me suis rendu compte que quelque chose n'allait pas,
j'ai décidé de consulter le médecin » cette
jeune femme est victime de ce mal en pleine explosion ; les TMS, (troubles
musculo squelettiques) qui touchent 1 salariés français sur 8. La
vie de cette jeune femme a basculé sans accidents ni la moindre maladie,
elle se retrouve malade de son travail et mis à
l'écart.
Cette autre salarié raconte : « nous
étions dans une usine dans laquelle nous devions fabriquer et
contrôler la qualité des rouges à lèvres,
c'était un travail très aliénant mais nous étions
une famille, il y avait une réelle solidarité entre nous. Un
réel esprit d'équipe on faisait des repas toutes ensembles,
ça nous permettait d'aller au travail malgré les conditions
difficiles. Puis un jour la société à été
rachetée par des américains et là c'est devenu «
marche ou crève », on a réduit les effectifs et on nous
à demandé de doubler notre productivité » cette
jeune femme prenait de la
morphine pour calmer ses douleurs, car le travail pour
elle avait une importance capitale.
Marie Claude cadre supérieur dans une
société d'import export, « comment voulez vous faire 17%
de plus chaque année quand lors de l'exercice précédent
vous avez atteint l'objectif miraculeusement, réaliser tous les ans des
résultats à la hausse perpétuelle relève de
l'exploit difficile à atteindre. Pour y arriver les groupes
rachètent d'autres entreprises, donc il faut faire face à une
masse de nouvelles informations administratives à assimiler, produits
nouveaux etc.... l'ensemble présentant des différences
importantes avec vos habitudes de travail à assimiler et normaliser
rapidement le tout se cumulant avec la gestion du travail habituel ce qui
génère bien évidemment un volume de mission en
augmentation sensible. Ces réorganisations s'accompagnent bien entendu
de nouveaux concepts de restructurations avec leurs cortèges de
licenciement en toile de fond. Au final j'étais toute seule dans la
structure à faire face à mes missions, au lieu de m'adjoindre un
collaborateur, on a nommé et positionné une personne au dessus de
moi. On m'a contrôlé, retiré des responsabilités et
comme mon patron avait une attitude de plus en plus dure et un regard
insatisfait à mon égard je me sentais totalement
dévalorisée, c'était le néant total, donc je me
suis dit que le seul moyen d'en finir c'était de chercher un moyen
imparable ... se jeter sous un train, un jour au plus mal je suis rentré
vers chez moi, j'ai attendu ce train mais il n'est pas venu, je suis repartie
en me disant c'est pas difficile je reviendrai ».
Cette femme a aujourd'hui renoncé et ne pense
qu'à se soigner. Mais son témoignage est prenant, on ressent
toute la détresse de cette personne qui à cause de son travail a
pensé à mettre fin à ses jours. Le suicide est
l'expression la plus extrême des nouvelles souffrances.
Pour finir ce reportage montre une enquête
effectuée sur l'ensemble d'une société pendant trois
années consécutives. Cette enquête de terrain met en avant
les profondes distorsions qu'il existe aujourd'hui entre le chef d'entreprise,
les cadres et les employés en centre d'appel ainsi que ceux en contact
direct avec la clientèle.
Il s'agit de l'entreprise Carglass, entreprise qui
souhaite véhiculer l'image d'une firme dynamique
préoccupée par la satisfaction de sa clientèle. Sur le
papier tout semble parfais, les primes ne sont pas attribuées en
fonction du chiffres réalisé mais de la satisfaction de la
clientèle. La communication est axée volontairement sur l'image
d'une société dotée d'un management moderne où le
bien être des salariés est valorisé, et où la
satisfaction du personnel apparait comme le point d'orgue de la
stratégie.
Cette image véhiculée par son patron est
totalement erronée, dans les centres d'appels les salariés sont
contrôlés, mis sous écoute, des scripts précis
doivent être respectés à la lettre, l'homme se transforme
en robot, aucune personnalité différente ne peut
s'exprimer.
Dans les centres Carglass les managers chargés
des points de vente doivent composer avec un effectif réduit. Tout est
mis en place pour maximiser le profit en dissimulant la
vérité.
Lors d'un congrès où toute l'entreprise
est réunie c'est un langage de bois étonnant tenu par le PDG ;
qui le pousse dans son discourt à dissimuler la vérité
à ses propres salariés sous prétexte de la satisfaction
du client. Mais en réalité la notion de client
roi est un piège. Le raisonnement des managers
consiste à valoriser le fait d'être N° 1, donc d'apparaitre
de fait comme incontournable pour les clients potentiels. Le but ultime de
toute entreprise est le profit, et cela passe par la standardisation du service
et la productivité des salariés, rien à voir avec le
client roi, par contre pour obtenir la productivité maximale la notion
de satisfaction est l'arme parfaite.
« Le salarié ne peut contester ce
qu'il est lui-même dans sa vie quotidienne... un consommateur donc un
client. Pour le salarié ne pas satisfaire un client serait se renier
lui-même, c'est là que les managers gagnent la bataille de la
productivité, les salariés ne se sentent plus au service de
l'actionnaire mais à celui du client roi. Ils ne se soumettent plus, ils
adhèrent aux taches standardisées. »
Ce reportage montre de manière surprenante
comment l'on dissimule la vérité, comment sous
l'égérie de la satisfaction du client on se permet de demander
toujours plus sans la moindre contrepartie. La seule chose réellement
importante pour cette entreprise est la satisfaction de ses actionnaires qui
n'ont que faire du bien être des salariés, ayant pour seul
intérêt la perception de dividendes.
Une fois ce reportage terminé on ressent un
profond malaise, et un énorme sentiment d'injustice. C'est des dizaines
de milliers de salariés qui sont oppressés et exploités
dans le seul et unique but de satisfaire des actionnaires. L'organisation du
travail aujourd'hui est ainsi faite. La qualité totale s'arrête
là ou la marge baisse. Le bien être du salarié est une
illusion que les chefs d'entreprises cherchent à mettre en avant pour se
donner bonne conscience.
Le problème de fond est réel, il est
capital de le résoudre, aujourd'hui cette situation conduit à une
réelle souffrance, qui se manifeste dans un premier temps par le
stress.
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