INTRODUCTION GENERALE
La loi n° 2005/007 du 27 juillet 2005 portant code de
procédure pénale au Cameroun, entrée en vigueur le
1er janvier 2007, intervient dans un contexte dominé par la
consolidation de l'Etat de droit et la protection des libertés
individuelles. L'univers procédural a ainsi connu un chamboulement
considérable. La lutte contre l'impunité ne peut aujourd'hui se
concevoir sans un encadrement juridique qui prenne en compte le respect des
droits de la personne accusée d'avoir violé la loi
pénale.
La procédure pénale, à travers le code de
procédure pénale qui fixe les droits et les devoirs de l'ensemble
des acteurs du procès pénal se positionne comme le
baromètre par excellence des garanties de protection des droits
individuels des personnes en butte à une accusation pénale,
notamment de leur droit à un procès
équitable1.
Les différents intervenants dans le cadre de la
procédure pénale ont vu leurs missions redéfinies.
L'officier de police judiciaire faisant partie de cette chaîne n'y
échappe pas. Cette nouvelle législation procédurale, tout
en accordant d'importants pouvoirs à l'OPJ dans la conduite des
enquêtes, a pu édicter un certain nombre de mesures propres
à protéger le suspect contre des maux tels que l'arbitraire et
les manoeuvres policières insidieuses2. D'où notre
préoccupation de nous appesantir sur le cas particulier de l'OPJ dans le
code de procédure pénale du Cameroun. Le thème soumis
à notre recherche présente un double intérêt
théorique et pratique.
Sur le plan théorique, il pourra nous permettre de
ressortir les divers contours de la mission de l'OPJ, en amont et en aval dans
le cadre d'un procès pénal.
1 Lire le Rapport du ministère de la justice
sur l'état des droits de l'Homme au Cameroun en 2007, p.29
(Bibliothèque du ministère de la justice ).
2 J.P.S NKENGUE, « L'OPJ : enquête de
police et la torture>> in « les tendances de la nouvelle
procédure pénale camerounaise >> 2007, volume 1, PUA,
p.225.
Sur le plan pratique, il nous permettra d'évaluer la
mise en oeuvre des dispositions relatives à la police judiciaire en vue
de dégager les difficultés rencontrées et d'envisager les
perspectives de solution.
Le Cameroun, malgré son unification administrative et
politique en 1972, a attendu longtemps avant qu'intervienne son unification sur
le plan de la procédure pénale.
Par le passé, la partie anglophone (Ex Cameroun
Occidental) appliquait le <<Criminal procedure ordinance>>
emprunté d'un texte nigérian de 1958. La partie francophone (Ex
Cameroun Oriental) était régie par le <<Code d'Instruction
Criminelle >> issu de l'ordonnance française du 14 février
1938 et ses modifications subséquentes3.
Face à ces deux textes bien différents et
parfois contradictoires, la mise en place du code de procédure
pénale n'a pas été facile. Son avènement a
sonné le glas de ce dualisme dont seul le Cameroun avait le secret.
C'est à l'orée des années 70 que l'administration
camerounaise a sollicité la contribution des éminents
spécialistes, experts nationaux et étrangers parmi lesquels le
professeur Stanislas MELONE4 afin de mettre sur pied un code de
procédure pénale au Cameroun.
Cette réflexion sera à l'origine trente
années environ plus tard de la naissance du CPP. Le code de
procédure pénale vient rompre avec certaines pratiques qui, loin
de concilier les intérêts en présence-la protection de la
société et la protection des libertés individuelles-, la
pratique policière optait généralement pour la
méconnaissance des dernières5. L'évolution de
notre société ne permettait plus que le CIC continuât
à être appliqué. On a noté que ce code était
devenu désuet et surtout anachronique.
3 Signalons que le Code d'instruction criminelle et
le <<Criminal Procedure Ordinance >> étaient des textes
d'origine coloniale. Le premier est adopté en France en 1808 et rendu
applicable au Cameroun par une ordonnance du 14 février 1938 ; le second
est extrait des <<Laws of Nigeria>> de 1958 et rendu applicable au
Cameroun par l'Angleterre qui avait, sur le plan législatif,
rattaché au Nigeria la partie du Cameroun qu'elle administrait.
4 Premier professeur agrégé en droit
d'Afrique Noire francophone qui nous a quitté en 2001. Nous lui rendons
un vibrant hommage. Repose en paix << Grand Prof>>.
5 S. YAWAGA, << La garde à vue >>,
in Les tendances de la nouvelle procédure pénale camerounaise,
2007, volume 1, PUA, page 56.
Trois ans environ après son entrée en vigueur,
le CPP continue à changer nos habitudes. C'est pour cette raison que
tous les acteurs sont ici interpellés afin que cet outil de travail soit
bien utilisé.
<< Une définition peut être arbitraire en
ce qu'elle ne fait pas toujours l'unanimité des chercheurs ; elle n'est
jamais inutile puisqu'elle implique un choix, lequel détermine le cadre
de la recherche >>.6 Nous pouvons définir l'officier de
police judiciaire comme étant un auxiliaire du Procureur de la
République chargé de poser les actes de police judiciaire,
d'effectuer les délégations des juges d'instruction et les
instructions du PR. En d'autres termes, l'OPJ est chargé en tant
qu'auxiliaire du Procureur de la République de constater les
infractions, d'en rassembler les preuves, d'en rechercher les auteurs et
complices et, le cas échéant, de les déférer au
parquet, tant qu'une information n'est pas ouverte7. Selon l'article
80 du CPP, les officiers de police judiciaire sont assistés dans leurs
missions par les agents de police judiciaire.
La procédure pénale est l'ensemble des
règles qui décrivent et règlementent à la fois les
différents organes chargés de traiter le phénomène
criminel, et les différents actes judiciaires qui doivent se
succéder depuis le moment où l'infraction est découverte
jusqu'au moment où son auteur reconnu ou déclaré
commencera à exécuter sa peine8.
Depuis le CIC, le rôle de l'OPJ a toujours
prêté à beaucoup de controverses. Même avec
l'entrée en vigueur du CPP, ce rôle est davantage mal compris par
les usagers. Notre souci est d'essayer de lever ce pan de voile, de permettre,
grâce à nos recherches aux lecteurs et aux usagers d'avoir un
autre regard quant à la mission de l'OPJ, faire comprendre à
ceux-ci que l'OPJ est un auxiliaire du PR au service de tous et de chacun.
L'OPJ doit travailler dans le respect de la loi et des droits du suspect, sinon
il est susceptible de répondre de ses actes devant la justice (le
6 T.R. HASSAN, << La liberté religieuse :
l'exemple libanais >>, in l'effectivité des droits fondamentaux
dans les pays de la communauté francophone, édition Eric KOETHER
pour l'AUPEF-UREF, 1994, pages 179.
7 S. GUINCHARD et J. BUISSON, <<Procédure
pénale >>, Paris Litec 2000, page 329.
8 J. GATSI, J.A. NJOCK et M.J.J FOMCHIGBOU,
<<Nouveau dictionnaire juridique >>, PUL, 1ère
éd. 2008, page 164.
Cameroun étant un Etat de droit). Nous souhaitons donc
mettre à la disposition des usagers (non professionnels et
professionnels de droit) des éléments pouvant leur permettre
d'être plus éclairés sur la mission complexe de l'OPJ. Ce
qu'ils peuvent faire en cas de violation de leurs droits par l'officier de
police judiciaire chargé de leur enquête.
Sous l'empire du CIC, l'OPJ se comportait comme « un loup
pour l'usager ». L'officier de police judiciaire profitait du fait que ce
code n'avait pas accordé une place à la protection des droits du
suspect. Ce dernier était alors livré à la merci de son
enquêteur. Le CIC ne prévoyait aucun moyen de poursuite contre
l'OPJ. Le CPP est venu changer toutes ces pratiques, il est l'outil par
excellence de la protection des droits du suspect. Mais loin de croire que le
pouvoir de l'OPJ a été fragilisé, il a été
renforcé tout en ajoutant le respect des droits du suspect au cours de
la procédure.
Après avoir cerné les contours des
différents concepts qui forment la trame du thème de recherche,
nous pouvons, dès lors nous interroger sur la problématique
suivante. En tant qu'auxiliaire du Procureur de la République, quelle
est la place accordée par le code de procédure pénale
à l'officier de police judiciaire ? Quelles sont les garanties
prévues par le code de procédure pénale afin de permettre
à l'OPJ d'accomplir sa mission dans le respect de l'équilibre
entre les droits de la personne poursuivie et l'intérêt de la
société ?
En d'autres termes, quelles sont les dispositions prises par
le code de procédure pénale afin que l'OPJ joue efficacement son
rôle en respectant les libertés individuelles et
l'équilibre social ? Les dispositions du code de procédure
pénale relatives à l'officier de police judiciaire sont-elles de
nature à favoriser l'exécution par ce dernier de sa mission
(notamment le traitement du phénomène criminel) dans le respect
de l'équilibre entre les droits du suspect et la garantie de l'ordre
social?
Le rôle de l'OPJ doit être bien cerné afin
que son contrôle et sa responsabilité soient dégagés
face aux difficultés qu'il endure au quotidien dans l'accomplissement de
sa mission. La
problématique que nous avons dégagée un
peu plus haut nous permet de donner une orientation en deux parties, à
savoir d'une part l'étendue de la notion d'officier de police judiciaire
et l'importance de ses pouvoirs mais relatifs dans le CPP (première
partie), et d'autre part le contrôle et la responsabilité de l'OPJ
(deuxième partie).
|