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La faute de l'Administration en matière foncière au Cameroun

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par Ariane Lidwine NKOA NZIDJA
université de Yaoundé II - Diplôme d'études approfondies en droit privé 2008
  

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B - Les dysfonctionnements administratifs à l'issue du transfert de propriété

L'expropriation pour cause d'utilité publique a pour but la dépossession d'un bien immeuble, et le transfert de propriété d'un patrimoine à un autre. La condition essentielle étant l'indemnisation juste et préalable, et la pertinence de l'utilité publique du projet. La faute administrative réside alors d'une part dans l'absence d'indemnisation (1) et d'autre part, dans la non utilisation des terrains expropriés constatant la caducité et l'obsolescence de cet arrêté d'utilité publique (2).

1 - L'absence d'indemnisation préalable

En principe, avant tout transfert de propriété entre le propriétaire du bien immeuble et le bénéficiaire de l'expropriation, il est fait exigence d'une indemnisation juste et préalable.

L'indemnisation juste est relative à la réparation intégrale et totale du préjudice subi par le propriétaire évincé. Ainsi doit-on prendre en compte lors de l'évaluation des mises en valeur ou des terrains nus, des données concrètes et essentielles qui permettent une meilleure réparation du préjudice subi par la victime.

En outre, prévue par l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi 85/009 du 04 juillet 1985, l'indemnisation préalable signifie que le bénéficiaire de l'expropriation ne peut prendre possession d'un bien sans avoir au préalable payé l'indemnité à la victime ; certes la même loi met en place une dérogation à l'indemnisation préalable dans  certains cas  non énumérés. Dans tous les cas, l'indemnisation préalable est une condition de l'expropriation et non la conséquence car déjà, avant tout déclenchement de procédure, il est fait obligation à l'administration désireuse de l'expropriation de joindre dans le dossier de demande « une fiche dégageant les caractéristiques principales des équipements à réaliser et précisant notamment[...] la disponibilité des crédits d'indemnisation avec indication de l'imputation budgétaire ou de tous autres moyens d'indemnisation ». Constitue une faute, l'absence d'indemnisation préalable par l'administration. Comment expliquer alors les nombreuses requêtes des victimes de l'expropriation non encore indemnisées. En effet, à défaut d'indemnisation préalable, et même parfois d'absence totale d'indemnisation qui constitue une atteinte au droit de propriété ; car l'indemnisation réalise en quelque sorte un rétablissement de l'équilibre dans le patrimoine de l'exproprié.

La faute réside dans la dépossession injuste, et l'absence de contrepartie particulièrement dans l'indemnité allouée. Dans l'opération d'expropriation, l'administration, et spécifiquement le département ministériel en charge des domaines et des affaires foncières est indexée au vu du rôle qu'elle joue dans les règlements des contestations faites par les expropriés.

Que l'expropriation soit à la demande de l'Etat, ou de toute personne morale de droit public, il appartient aux services centraux du MINDAF, ainsi qu'aux services déconcentrés de gérer et trancher les contestations relatives aux indemnités, tant dans leur montant que dans leur nature86(*).

La faute administrative réside également dans les irrégularités au cours des modalités d'indemnisation. « Le goût et l'odeur de l'argent » entraînent inéluctablement à des déviances administratives ; il faut le dire, fusse-t-il de manière aussi triviale, l'ajout de noms fictifs dans la liste des expropriés, l'insertion des personnes non encore nées, ou déjà décédées dans les procès verbaux aux fins d'allocation d'indemnité constituent à ne point douter, des forfaits administratifs.

2 - La non utilisation des terrains expropriés dans les délais

Cette non utilisation des biens immeubles expropriés, caractérise en conséquence l'inutilité et l'inopportunité de l'opération en contradiction même avec l'utilité projetée. Pourtant, il est requis pour les demandeurs à l'expropriation, des précisions détaillées des différentes phases de la procédure, afin de ne pas verser dans des opérations vaines, mais néanmoins, porteuses de conséquences graves sur le patrimoine des citoyens.

L'article 13 du décret de 1987 dispose que « l'arrêté de déclaration d'utilité publique devient caduque si, dans un délai de 2 (deux) ans à compter de la date de sa notification au service ou organisme bénéficiaire, il n'est pas suivi d'expropriation », l'expropriation doit être effective, c'est-à-dire, les terrains expropriés ont reçu la destination prévue. Par conséquent, passé ce délai, si l'expropriation a été effectuée, et le terrain cédé n'a pas reçu l'affectation destinée, il s'agit d'une expropriation abusive.

Par ailleurs, la question de la non utilisation dans les délais soulève l'épineux problème de la rétrocession de l'immeuble exproprié. En effet en droit français, le Code de l'expropriation, notamment en son article L12-6 prévoit expressément que « si les immeubles expropries n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue, ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans. Il s'agit en fait d'une cession à un prix nouveau, correspondant à la valeur du bien, au moment de sa restitution »87(*).

En droit camerounais, aucune disposition législative ne prévoit l'hypothèse de rétrocession. C'est à la jurisprudence notamment dans l'affaire Dame veuve ONGONO Régine88(*) que pour la première fois, l'hypothèse de rétrocession d'immeuble a été posée ; ce fut le cas également dans l'affaire DZOU ESSOMBA Charles.

Ce n'est qu'en 1995, que l'hypothèse d'une rétrocession administrative prononcée par le juge apparaît dans la célèbre affaire SOCIETE RENAULT du Cameroun.89(*) Dans l'espèce, le juge administratif déclare : « attendu qu'aux termes de l'article 13 du décret N°87/1872 du 16 Décembre 1987 portant application de la loi N°85/9 du 04 juillet 1985 [...], l'arrêté de déclaration d'utilité  publique devient caduc si, dans un délai de deux ans à compter de la date de notification, il n'est pas suivi d'une expropriation effective, sa validité ne peut être prorogée qu'une seule fois par arrêté du ministre chargé des domaines pour une durée n'excédant pas un an.

Qu'en l'espèce, le décret N°76/301/PM du 06 septembre 1976 portant expropriation du titre foncier N°186 du Nyong & Sanaga n'était valable que jusqu'au 05 Septembre 1979 au plus tard.

Or, jusqu'à ce jour, en dehors des 6000 mètres carrés du marché du Mfoundi, le reste du terrain, soit près de 27000 mètres carrés, n'a pas fait l'objet d'une expropriation effective, et par conséquent, le décret attaqué qui en même temps déclare d'utilité publique et exproprie, est caduque en ce qui concerne cette contenance superficielle qui doit de ce fait, revenir au propriétaire initial. ».

Tout récemment, le juge administratif a annulé l'arrêté n°0000.74/Y.14.4/ MINDAF/D100 du 30 mai 2005 dans l'affaire EFFA Paul Marcel, pour absence d'utilité publique dans le projet de « sécurisation de l'itinéraire présidentiel »90(*)

Au vu des revirements jurisprudentiels intervenus en matière d'expropriation, Monsieur ABA'A OYONO, dans ses observations dans l'affaire Société Renault déclare que : « Voilà en tout état de cause, une décision de justice supplémentaire qui bouscule les directives d'un texte du législateur, et qui conforte le juge administratif dans sa position de protecteur des droits des administrés face à un droit du contentieux qui fait toujours la part belle à l'administration, question de préserver le droit de propriété à valeur constitutionnelle ».

En guise de conclusion à ce chapitre relatif aux manifestations de la faute administrative en matière foncière, les développements s'intégraient dans une analyse les actions vicieuses et perverses des autorités administratives, des dysfonctionnements des services administratifs dans les opérations relatives à l'acquisition et la cession de la propriété immobilière. Il s'agissait notamment des fautes commises lors de l'immatriculation directe, au cours de l'immatriculation indirecte, pendant l'immatriculation dérivée, et enfin lors de l'expropriation pour cause d'utilité publique. Le fil directeur de notre réflexion demeure lié à l'exposé des diverses défaillances ou de variétés des dysfonctionnements administratifs lors de ces procédures, manquements qui portent atteinte à la propriété privée immobilière, véritable droit de l'homme.

* 86 V. art 8 à 12 de la loi N°85/009

* 87 Jeanne Lemasurier op. cit. p.431

* 88 CS/CA jugement n°12/CS/CA/83-84 du 26 mai 1984, Dame veuve ONGONO Régine c/ Etat du cameroun. Pareillement, CS/CA jugement n°70/85-86 du 29 mai 1986, note Jean-Calvin ABA'A OYONO ; André Tchientcheu Njiako op. cit. Pp 439 à 441

* 89 CS/CA n°544/94-95 du 09 novembre 1994, affaire Société Renault du Cameroun c/ Etat du Cameroun, note J-C ABA'A OYONO, Juridis Périodique n°32, octobre- novembre-décembre 1997, pp. 29.

* 90 CS/CA, Jugement n°85/2005-2006 du 14 juin 2006, recours n°25/2005-2006 du 02 novembre 2005, affaire EFFA Paul Marcel c/ Etat du Cameroun (MINDAF).

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote