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Le graffiti à  Beyrouth : trajectoires et enjeux dà¢â‚¬â„¢un art urbain émergent

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par Joséphine Parenthou
Sciences Po Aix-en-Provence - Diplôme de Sciences Politiques 2015
  

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C. Arriver à Beyrouth : multiplication des réseaux et insertion dans la scène artistique underground

Nous avons mentionné à plusieurs reprises le rôle que pouvait jouer la capitale dans l'éducation, en particulier culturelle, des graffeurs. Il s'agit ici de lier ces considérations à la pratique, en somme comprendre ce que la concentration géographique fait à la scène graffiti. Il ne s'agit pas que d'une concentration géographique, mais aussi de l'influence que peuvent avoir les autres scènes artistiques beyrouthine, en particulier le hip-hop. Enfin, l'édification de Beyrouth comme capitale cosmopolite affecte-t-elle le graffiti ?

1. Habiter à Beyrouth facilite-t-il l'engagement dans la carrière ?

Pour Spaz, Exist, Sup-C, Kabrit ou encore le Bros crew, l'arrivée dans la capitale et les nouvelles connaissances traduisent un moment clé dans la carrière. En réalité, il ne s'agit pas d'un facteur isolé mais plutôt d'une variable parmi celles déjà proposées. En amont de cet engagement, les visites sur Beyrouth, le weekend notamment, constituent déjà une sensibilisation au graffiti. Les entretiens d'Exist ou de Kabrit sont éloquents à ce sujet, Beyrouth est perçue comme le lieu où il devient plus facile de faire du graffiti. Plus encore, la ville est le lieu du graffiti, et comme l'espace d'exposition à une telle pratique artistique :

J'ai commencé à m'exposer un peu à la scène à Beyrouth, mais alors je t'avais raconté j'étais, j'habitais toujours les montagnes et descendais à peine à la ville, une fois par semaine... deux fois... toutes les deux semaines... ou trois fois tous les trois mois (rires). Et du coup je descends, et y avait la scène qui commençait un peu à s'exposer un peu partout dans la ville.

Cette concentration réduit l'accès aux oeuvres d'autres graffeurs, mais aussi au matériel. Plus simplement, habiter à Beyrouth facilite la mobilisation des ressources, humaines et matérielles, indispensables à la production d'une oeuvre d'art61. Enfin, de manière très prosaïque certes, habiter Beyrouth même constitue un gain de temps précieux : en comparaison d'étudiants qui font quotidiennement le trajet depuis leur ville d'origine, et au vu de conditions de circulation extrêmement instables, ceux qui habitent Beyrouth dégagent un temps précieux qui leur permet d'envisager une activité annexe. C'est, à l'inverse, une des raisons qui peut expliquer la difficulté pour ces acteurs de s'engager sérieusement dans la pratique lorsqu'ils habitent encore dans le « village ».

61 BECKER, Howard, op. cit., p. 91.

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Cette concentration permet d'instaurer une véritable dynamique au coeur de l'activité artistique : les nouveaux graffeurs, accompagnés des « anciens », surtout durant la période 2007 - 2009, se retrouvaient alors dans des endroits particuliers de la ville. Cela est toujours le cas aujourd'hui, toutefois à cette époque les graffitis restaient encore assez peu présents sur les murs, et la concentration des graffeurs dans ces quartiers, voire sur quelques murs seulement, aurait contribué à dynamiser et densifier la pratique et le nombre d'oeuvres. En somme, cela aurait provoqué un véritable essor de la pratique du graffiti à Beyrouth. Les propos de Lachmann diffèrent peu dans son analyse de certains quartiers de New York, et de certaines stations de métro, bientôt connues sous l'appellation de writers' corners.

Plusieurs stations ont une fonction de carrefour dans le système ferroviaire urbain de New York. Les pratiquants peuvent donc s'installer quelques heures dans ces stations où passent bon nombre de lignes différentes et regarder défiler sous leurs yeux une portion conséquente des graffitis circulant sur les métros de la ville. Lancés en 1972, de tels writers' corners constituent des forums pour les graffeurs de différents quartiers qui permettent de tisser des liens et de former une communauté de pratiquants sérieux à l'échelle de New York62.

À Beyrouth il n'est certes pas question de rames de métro puisque ni le métro ni le train n'existent, cependant la comparaison avec la situation new-yorkaise reste pertinente sur certains aspects. La configuration particulière de la ville63 permet, comme à New York, de se réunir pour un laps de temps assez long dans des endroits précis, alors constitués comme des forums. De plus, ces lieux peuvent changer assez régulièrement sans que cela n'entrave la constitution d'une communauté de pratiquants ; ces changements sont généralement notifiés les uns aux autres, par le biais d'interconnaissances ou par la découverte de nouveaux graffitis à tel ou tel endroit de la ville. Nous nous attardons ici sur le graffiti puisque, étant plus long à réaliser qu'un tag ou un flop, il demande un certain temps et rend ses auteurs plus immobiles, alors que le tag s'effectue en quelques secondes et peut être reproduit à grande échelle dans l'ensemble de la ville. Ainsi, l'axe autoroutier de la Quarantaine, puis le rond-point Dora, ou encore Tabaris64, l'axe majeur reliant l'ouest musulman à l'est chrétien, ont tour à tour fait office de lieux de rencontres et d'expérimentations privilégiés :

Quand je descendais à Beyrouth on cherchait vers Karantina [ndlr la Quarantaine] c'était plutôt vers Karantina, c'était là-bas où ça a commencé vraiment avec différents styles, différents crews, différents artistes, c'était à Karantina... un melting-pot, oui genre c'était vraiment là-bas où tu avais tout le monde au

62 LACHMANN, Richard, op. cit., p. 73.

63 Nous reviendrons reviendrons plus tard sur cette configuration, puisqu'elle participe pleinement à la définition de Beyrouth comme scène artistique locale.

64 Voir Annexe IV « Plan de Beyrouth ».

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moins, pendant les six premiers mois (rires), de la naissance du tag libanais. Donc, euh, first day steps at Karantina where it smells like... (rires), and yeah c'était fou.

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"Ceux qui rĂªvent de jour ont conscience de bien des choses qui échappent à ceux qui rĂªvent de nuit"   Edgar Allan Poe