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L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

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A. L'effet inter partes de la décision

Contrôle de constitutionnalité opéré a posteriori, c'est-à-dire en aval de l'entrée en vigueur de la loi522, l'exception d'inconstitutionnalité, il faut le rappeler, est un moyen soulevé par une partie à un litige pendant devant une juridiction. Le requérant ayant invoqué le moyen d'inconstitutionnalité demande au juge de ne pas lui appliquer une loi inconstitutionnelle. De ce fait, l'intérêt de l'exception serait d'écarter la loi inconstitutionnelle du procès en cours. Ainsi, l'exception d'inconstitutionnalité, dans sa version originale523, tend juste à l'inapplication de la norme querellée dans l'instance en cours. Dès lors, il peut être fait application de la même disposition dans un autre procès, sur un autre justiciable qui lui, n'aurait pas soulevé le moyen d'inconstitutionnalité. Le Conseil constitutionnel français a rappelé très

521 Delphine Emmanuel ADOUKI, « Contribution à l'étude des décisions du juge constitutionnel en Afrique », RFDI, n°95, 2013/3, pp. 611-638.

522 Isaac Yankhoba NDIAYE, « L'accès à la justice constitutionnelle par le citoyen », Communication au 6ème Congrès de l'Association des Cours et Conseil constitutionnels ayant en partage l'usage du français, Marrakech, du 4 au 6 juillet 2012.

523 Il s'agit de l'exception d'inconstitutionnalité consacrée aux Etats-Unis dans la célèbre affaire Marbury c/ Madison dans lequel la Cour Suprême rappelle qu'il revient à elle seule et uniquement à elle de prononcer la constitutionnalité ou l'inconstitutionnalité d'une loi.

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récemment ce principe. Ainsi, dans sa décision rendue le 02 octobre 2020, le juge constitutionnel français rappelle qu' « En principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité... »524. C'est assurément la raison pour laquelle l'on qualifie souvent ce recours de contrôle subjectif525. En effet, assuré au moyen d'une exception d'inconstitutionnalité, ce contrôle n'aboutit pas à l'annulation d'une loi reconnue inconstitutionnelle mais à son inapplication au litige en cours526. Il s'ensuit qu'une loi déclarée inconstitutionnelle par cette voie ne cesse pas d'exister dans l'ordre juridique ; elle pourrait, cependant, être appliquée dans une autre affaire527. De cette manière, la décision d'inconstitutionnalité n'aurait qu'un effet inter partes, c'est-à-dire entre les parties au procès. Cela signifie que l'exception d'inconstitutionnalité n'a, en principe, qu'une autorité immédiate528 certes, mais relative529 de chose jugée.

Il faut avouer que l'effet inter partes est ou devrait être le corollaire de tout moyen d'exception. Au même titre que l'exception d'illégalité530 ou l'exception d'inconventionnalité531, la décision rendue par la voie d'une exception d'inconstitutionnalité ne devrait avoir autorité qu'entre les parties concernées par le litige dont il est question. Etant un héritage du paysage juridique américain, l'exception d'inconstitutionnalité ne vaut que pour le juge du fond et dans l'affaire qu'il est amené à trancher. Dans cette hypothèse, l'inconstitutionnalité constatée par le juge n'a qu'un effet déclaratoire532.

Certes, l'autorité des décisions rendues par une juridiction constitutionnelle est généralement établie par la Constitution de l'Etat533 et cela, qu'il s'agisse d'un contrôle de constitutionnalité a priori ou d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori, notamment par le

524 V°. Conseil constitutionnel français, décision n°2020-858/859, QPC du 02 octobre 2020.

525 V°. Supra., p. 52.

526 Anne RASSON, « La valeur de la distinction entre autorité absolue et autorité relative de la chose jugée », AIJC, n°27, 2011, pp. 593-612.

527 Jean-Louis ESSAMBO KANGASME, Le droit constitutionnel, Op.cit., p. 110.

528 Dieudonné DIBWA KALUBA, La justice constitutionnelle en république démocratique du Congo, Op.cit., p. 576.

529 Louis FAVOREU et alii, Droit constitutionnel, 21ème édition, Op.cit., p. 291.

530 V°. Les deux arrêts rendus par le Conseil d'Etat en date 18 mai 2018.

531 Dans ce type de contrôle, le juge constitutionnel est incompétent. V°. Conseil Constitutionnel français, décision n°74-54/DC du 15 janvier 1975, IVG. C'est le juge judiciaire qui est compétent depuis l'affaire des cafés Jacques Vabre rendu par la Chambre plénière de la Cour de cassation en date du 15 mai 1975 et plus tardivement le juge administration depuis l'arrêt CE, Ass., 20 octobre 1989, Nicolo.

532 Albrecht WEBER, « Notes sur la justice constitutionnelle comparée : convergences et divergences », AIDC, n°19, 2003, pp. 29-41.

533 Anne RASSON, « La valeur de la distinction entre autorité absolue et autorité relative de la chose jugée », Op.cit., pp. 593-612.

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mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité. Mais, sur ce point, au Burkina Faso, la Constitution du 02 juin 1991 brille par son silence. Par conséquent, nous sommes en droit de nous demander s'il convient de retenir l'effet inter partes classique des décisions rendues sur exception d'inconstitutionnalité à proprement parlé534, ou si au contraire il y a lieu de retenir une autre solution au Burkina Faso.

Quoi qu'il en soit, il convient de préciser que cette exigence d'effet inter partes n'est valable que dans le modèle de contrôle diffus ou décentralisé de constitutionnalité : c'est le cas du modèle américain. Par ailleurs, pour le système de contrôle centralisé à l'image de celui burkinabè où la compétence pour le contrôle de constitutionnalité des lois n'est reconnue qu'à un juge spécial à savoir le Conseil constitutionnel, l'effet inter partes des décisions rendues sur exception d'inconstitutionnalité paraît logiquement insensé et contre-productif. Ainsi, nous remarquerons la tendance en pratique vers un effet erga omnes des décisions intervenues sur exception d'inconstitutionnalité.

B. La tendance vers un effet erga omnes de la décision

Tel que précisé tantôt, une décision rendue sur exception d'inconstitutionnalité ne devrait avoir qu'une autorité relative de chose jugée et ne produire d'effet qu'entre les parties au litige. Mais, au regard de la « modélisation »535 faite par chaque pays de son système de justice constitutionnelle, l'on s'aperçoit que ce principe doit fortement être relativisé, sinon abandonné notamment dans les systèmes d'Afrique noire francophone536. En effet, c'est lorsque les juridictions ordinaires sont dotées d'une compétence constitutionnelle que leurs décisions sur la constitutionnalité d'une loi revêtiront un effet inter partes. Même dans cette hypothèse, lorsque la question de constitutionnalité arrivera sur la table de la juridiction Suprême, la décision de cette dernière revêtira un effet erga omnes, naturellement. Pour les systèmes où il est institué une juridiction constitutionnelle spécialisée qui statue en premier et dernier ressort en matière de constitutionnalité des lois, le problème ne se pose guère, car la décision de cette juridiction aura d'office un effet erga omnes. A ce propos, Abdoulaye SOMA écrivait qu' « En

534 Il convient de rappeler qu'il y a eu tout un débat sur la commodité de retenir la qualification « exception d'inconstitutionnalité » ou s'il convient plutôt de parler d'une « question préjudicielle de constitutionnalité ». V°. Supra., p. 30.

535Abdoulaye SOMA, « Modélisation d'un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des droits de l'homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé », Op.cit., pp. 437-466.

536 Il s'agit essentiellement des Etats ayant choisi le modèle européen de justice constitutionnelle fondé sur une juridiction constitutionnelle spécialisée.

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ce qui concerne les systèmes où la juridiction constitutionnelle est placée au sommet de la hiérarchie judiciaire, comme aux Etats-Unis, en Suisse, en Afrique du Sud, en Inde et au Nigeria, sa pratique et sa politique jurisprudentielles déploient un effet erga omnes. De la même manière, dans les systèmes où la juridiction constitutionnelle n'est pas intégrée à l'ordonnancement juridictionnel ordinaire de l'Etat et où la justice constitutionnelle est une branche parallèle spécialisée, à l'image de la France, de l'Algérie, du Burkina Faso, du Bénin, du Gabon et de l'Autriche, ses décisions sur la constitutionnalité de telle ou telle norme revêt une telle autorité »537.

A la lumière de cette doctrine, il est clair que même si le constituant burkinabè n'a pas précisé la portée de l'autorité de la décision rendue par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité, celle-ci devrait être revêtue de l'effet erga omnes. Comme l'a fortement rappelé Delphine Emmanuel ADOUKI, les décisions rendues par les juridictions constitutionnelles africaines sont non seulement incontestables, elles produisent, en outre, un effet erga omnes538. Toutes les décisions du Conseil, y compris celles relevant de l'exception d'inconstitutionnalité sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée539. Alors, on peut certes reprocher au constituant et au législateur de n'avoir pas précisé clairement les effets du contrôle de constitutionnalité des lois a posteriori. Mais, toujours est-il qu'au Burkina Faso, cet absolutisme des décisions rendues sur exception d'inconstitutionnalité s'observe dans la pratique.

§2 : L'absolutisme observé des effets de la décision

La décision d'inconstitutionnalité a autorité absolue de chose jugée540, qu'elle soit intervenue a priori ou par exception d'inconstitutionnalité. A ce titre, on peut observer ce caractère absolu à travers l'opposabilité de la décision aux pouvoirs publics (A) en plus de son imposition aux juridictions ordinaires (B).

537 Abdoulaye SOMA, « Modélisation d'un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des droits de l'homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé », Op.cit., pp. 437-466.

538 Delphine Emmanuel ADOUKI, Op.cit., pp. 611-638.

539 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 7ème édition, Op.cit., p. 165.

540 Pierre BON, « L'exception d'inconstitutionnalité en Espagne (question de constitutionnalité) », RFDC, n°4, 1990, pp. 679-683.

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"Il y a des temps ou l'on doit dispenser son mépris qu'avec économie à cause du grand nombre de nécessiteux"   Chateaubriand