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L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

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A. L'opposabilité de la décision aux pouvoirs publics

Il ressort des dispositions de la Constitution que les décisions du Conseil constitutionnel burkinabè « s'imposent aux pouvoirs publics... »541. Ce paramètre exige que les décisions rendues par la juridiction constitutionnelle par la voie de l'exception d'inconstitutionnalité, et pas seulement, doivent être parfaitement respectées dans tout l'ordonnancement juridique interne concerné. Comment pourrait-il en être autrement ? S'interroge Abdoulaye SOMA542. Selon lui, « « l'obligatoriété » des décisions rendues par le juge constitutionnel est un principe du droit généralement observé »543.

La détermination de la nature et de la portée de l'autorité des décisions des juridictions constitutionnelles africaines paraît, a priori, être une question dépourvue d'intérêt, tant il est vrai que les dispositions constitutionnelles qui la consacrent semblent claires. Mais, selon Delphine Emmanuel ADOUKI, il ne s'agit en réalité que d' « une obscure clarté » car, poursuit-elle, « ces dispositions constitutionnelles ne livrent manifestement pas toutes les clefs de compréhension en droit positif de l'autorité des décisions du juge constitutionnel »544, « à l'exception du Niger où l'alinéa 2 de l'article 134 de la Constitution dispose : « Tout jet de discrédit sur les arrêts de la Cour est sanctionné conformément aux lois en vigueur » »545.

Par ailleurs, Dominique ROUSSEAU expliquait que les décisions du Conseil doivent scrupuleusement être exécutées par les pouvoirs publics546. A ce titre, claire ou obscure, l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel est vraisemblablement respectée par tous les pouvoirs publics au Burkina Faso. En effet, le Parlement ne s'est jamais aventuré à adopter en termes identiques un texte que le Conseil venait de censurer notamment sur exception d'inconstitutionnalité. Ce respect de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel dont fait montre les pouvoirs publics est notoire et sans conteste. Le Conseil constitutionnel burkinabè l'a lui-même reconnu lors du deuxième Congrès de la conférence Mondiale sur la justice constitutionnelle tenu à Rio de Janeiro en Janvier 2011. En effet, à cette occasion, la délégation du Conseil constitutionnel du Faso affirmait en des termes clairs qu'« On sait par ailleurs que l'article 2, alinéa 1 de la loi n°011-2000/ AN du 27 avril 2000 portant composition, organisation,

541 Article 159 al.2 de la Constitution burkinabè.

542 Abdoulaye SOMA, « Modélisation d'un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des droits de l'homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé », Op.cit., pp. 437-466.

543 Ibidem.

544 Delphine Emmanuel ADOUKI, « Contribution à l'étude des décisions du juge constitutionnel en Afrique », Op.cit., pp. 611-638.

545 Ibidem.

546 Dominique ROUSSEAU, Droit du contentieux constitutionnel, 7ème édition, Op.cit., p. 170.

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attributions et fonctionnement du Conseil constitutionnel et procédure applicable devant lui, qui prévoyait la prise en compte de l'avis du Conseil Supérieur de la Magistrature dans la nomination des magistrats au Conseil constitutionnel, a été modifié par la loi organique n°034-2000/AN du 13 décembre 2000. Cette loi modificative comporte la formule « sur proposition du Ministre chargé de la justice ». Il est important de noter que cette modification est intervenue suite à la décision n°02-2000/CS/CC du 31 août 2000 sur la constitutionnalité de la loi organique n°011-2000 relative au Conseil constitutionnel. Par cette décision, le Conseil avait déclaré la formule « Après avis du Conseil Supérieur de la Magistrature » inconstitutionnelle. Le législateur organique a donc tiré les conséquences de cette décision en biffant la formule incriminée. De ce qui précède, on peut inférer que les décisions du Conseil constitutionnel ont, au Burkina Faso, un certain impact sur les pouvoirs publics »547. Toutefois, cette autorité peut parfois être rudement mise à mal lorsque le Conseil constitutionnel, sur demande de ces mêmes pouvoirs publics, revient sur ses décisions. En effet, le Conseil constitutionnel burkinabè avait déclaré un traité contraire à la Constitution pour violation du principe de laïcité548. Trois mois plus tard, il a déclaré le même traité non amendé conforme à la constitution549.

Quoi qu'il en soit, les décisions rendues, aussi bien a priori qu'a posteriori par le Conseil constitutionnel sont généralement respectées par les pouvoirs publics burkinabè. Cette autorité des décisions du juge constitutionnel s'étend aussi aux juridictions ordinaires.

B. L'imposition de la décision aux juridictions ordinaires

L'imposition aux autres juridictions des décisions rendues par le Conseil constitutionnel peut paraître quelque peu complexe à envisager. Cette complexité réside dans le fait qu'il n'existe aucune hiérarchie entre le Conseil d'Etat, la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel. Ce dernier n'est pas le supérieur des deux juridictions suprêmes. Le Conseil d'Etat et la Cour de cassation sont et demeurent les deux cours suprêmes au sommet des deux ordres de juridiction. Le Conseil constitutionnel reste un juge spécialisé en matière

547 Conseil Constitutionnel du Burkina Faso, « Séparation des pouvoirs et l'indépendance des Cours constitutionnelles et instances équivalentes », Communication à l'occasion du deuxième Congrès de la Conférence Mondiale sur la Justice Constitutionnelle tenu à Rio de Janeiro, du 16 au 18 janvier 2011, 15 p.

548 V°. Conseil constitutionnel burkinabè, avis juridique n°2007-03/CC du 20 avril 2007 sur la conformité à la Constitution de l'accord de prêt entre le Burkina Faso et la Banque Islamique de Développement.

549 V°. Conseil constitutionnel burkinabè, avis juridique n°2007-11/CC du 20 juillet 2007.

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constitutionnelle. Cette « absence de hiérarchie se traduit par le fait qu'il n'existe pas »550, aussi bien dans le système burkinabè que celui français, une « sanction du non-respect de l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel par les autres juges. Le Conseil ne peut pas annuler les jugements des autres juridictions »551. De ce fait, force est de constater que la question de l'imposition des décisions du juge constitutionnel sur les autres juges devient moins aisée dans sa mise en oeuvre.

Toutefois, l'article 159 de la Constitution du Burkina Faso dispose à son deuxième alinéa que « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles ». Cette disposition traduit l'autorité de la chose jugée attachée aux décisions du Conseil constitutionnel. Il en résulte que lorsqu'un arrêt est rendu sur la non-conformité d'une loi, il s'impose à toutes les juridictions de la République. Selon Dieudonné KALUBA, cette autorité s'impose même aux juridictions suprêmes des deux ordres552. Ainsi, en matière d'exception d'inconstitutionnalité, lorsque le Conseil constitutionnel rend sa décision sur la constitutionnalité de la disposition contestée, le juge a quo doit en tirer les conséquences. Dès lors, s'il s'agit d'une décision de conformité, le juge du fond en charge de l'affaire doit appliquer la disposition dans le procès en cours devant lui. Au contraire, s'il s'agit d'une décision de non-conformité, le juge a quo doit également en tenir compte.

Par ailleurs, cette large autorité dont sont revêtues les décisions du Conseil constitutionnel, si d'une part elle force l'admiration, d'autre part, elle suscite quelques inquiétudes. Ainsi, en permettant au juge constitutionnel de déclarer l'inconstitutionnalité d'une loi qui est déjà en application, l'exception d'inconstitutionnalité semble être un mécanisme tendant à accorder un pouvoir législatif au juge constitutionnel.

550 Marc GUILLAUME, « L'autorité des décisions du Conseil constitutionnel : vers de nouveaux équilibres ? », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n°30, 2011/1, pp. 49-75.

551 Ibidem.

552 Dieudonné DIBWA KALUBA, La justice constitutionnelle en République démocratique du Congo, Op.cit., p. 584.

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