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L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

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CHAPITRE I : UNE CONSECRATION INSUFFISANTE DE

L'EXCEPTION D'INCONSTITUTIONNALITE

La consécration de l'exception d'inconstitutionnalité fait naître une nouvelle ère, celle de la reconnaissance d'un droit d'accès du citoyen au prétoire du juge constitutionnel70. Au Burkina Faso, force est de constater que l'exception d'inconstitutionnalité a une valeur constitutionnelle (Section I). Toutefois, il y a lieu de remarquer que malgré sa consécration expresse, l'exception d'inconstitutionnalité peine à être effective, car ayant longtemps été un mécanisme inopérant en droit burkinabè (Section II).

Section I : Un fondement constitutionnel de l'exception
d'inconstitutionnalité

L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso fait l'objet d'une reconnaissance et d'une garantie constitutionnelle71. Cependant, cela n'a pas toujours été le cas. En effet, cette constitutionnalisation de l'exception d'inconstitutionnalité a été relativement tardive (§1). Par ailleurs, il faut noter que l'exception d'inconstitutionnalité est dotée d'un référentiel normatif assez fourni en droit burkinabè (§2).

§1 : Une consécration constitutionnelle tardive

Le caractère tardif de la consécration est relatif au fait que l'exception d'inconstitutionnalité n'a d'abord longtemps été prévue que par une loi organique (A) avant de faire ensuite l'objet d'une consécration constitutionnelle expresse (B).

70 Marilisa D'AMICO, « Juge constitutionnel, juge du fond et justiciables dans l'évolution de la Justice constitutionnelle italienne », Op.cit., pp. 79-96.

71 Article 157 al.2 de la Constitution burkinabè du 02 juin 1991.

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A. Un mécanisme longtemps prévu par la seule loi organique

Longtemps réservée à des requérants privilégiés72 ou politiques73, la saisine du juge constitutionnel pour le contrôle de la constitutionnalité des lois connaîtra un tournant décisif avec le vent démocratique qui souffla sur les Etats africains dans les années 199074. Pour déclencher le contrôle de constitutionnalité de la loi, « la solution la plus démocratique consiste à ouvrir au maximum cette compétence en la remettant à tout citoyen » disait Philippe ARDANT75. Véritable sentinelle démocratique76, l'exception d'inconstitutionnalité a pu ouvrir la voie à la compétence citoyenne pour le déclenchement d'un contrôle de constitutionnalité des lois. Ainsi, le Burkina Faso, attaché aux valeurs et aux idéaux démocratiques, a institué le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité. Cette dernière a été affirmée pour la toute première fois dans la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, attributions, organisation, fonctionnement et la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel77. Cette loi à son article 25 dispose que « Lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité est soulevée par un justiciable devant une juridiction, quelle qu'elle soit, celle-ci est tenue de surseoir à statuer et de saisir le Conseil constitutionnel qui doit se prononcer sur la constitutionnalité du texte en litige dans le délai d'un mois qui court à compter de sa saisine par la juridiction concernée ». Une disposition manifestement inconstitutionnelle, car selon Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, « une lecture de la Constitution autorise à dire que le constituant originaire n'entendait accorder aucun droit de saisine aux citoyens, ni directement, ni indirectement. Il y a là une révision de la Constitution qui ne dit pas son nom »78. Il est de ce fait étonnant que cette disposition ait pu passer le test de constitutionnalité79. Pour

72 L'article 157 al.1 de la Constitution burkinabè prévoit que le Conseil constitutionnel peut être saisi par le Président du Faso ; le Premier ministre ; le Président de l'Assemblée Nationale ; un dixième (1/10) au moins des membres de l'Assemblée Nationale.

73 Jean-Paul VALETTE, Droit constitutionnel, Paris, l'Harmattan, 2013, p. 60.

74 Oumarou NAREY (dir.), La justice constitutionnelle, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 146.

75 Philippe ARDANT et Mathieu BERTRAND, Institutions politiques et droit constitutionnel, Paris, LGDJ, 2013, 25ème édition, p. 94.

76 Julien BONNET et Pierre-Yves GAHDOUN, La question prioritaire de constitutionnalité, Paris, PUF, 2014, p. 38.

77 Loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, attributions, organisation, fonctionnement et procédure applicable devant le Conseil constitutionnel modifiée par la loi organique n°034-2000/AN du 13 décembre 2000.

78 Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Ouagadougou, coll. Précis de droit burkinabè, PADEG, 2007, p. 422.

79 V°. Chambre constitutionnelle de la Cour suprême, décision n°02-2000/CS/CC du 31 août 2000 sur la Constitutionnalité de la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 relative au Conseil constitutionnel.

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Relwendé Louis Martial ZONGO, il s'agit là d'une « anomalie » juridique80. Quoi qu'il en soit, la toute première mise en oeuvre de l'exception d'inconstitutionnalité est intervenue sur la base de cette loi. Il s'agit de l'affaire de la Société Etudes et Réalisation des Ouvrages Hydrauliques jugée par le Conseil constitutionnel dite décision EROH81. Avec cette loi, le Burkina Faso a jeté les bases de l'exception d'inconstitutionnalité dans son ordre juridique.

Cette consécration de l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso est tant originale que salutaire d'autant plus qu'en France, la possibilité pour le citoyen de contester la constitutionnalité d'une loi n'a été admise qu'avec la révision constitutionnelle de 200882, soit huit (8) ans après le Burkina Faso. Par ailleurs, contrairement au Burkina Faso, plutôt que de retenir l'appellation exception d'inconstitutionnalité, la France a baptisé ce mécanisme Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC)83. Ainsi, l'article 61-1 de la Constitution française dispose « Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

Il est vrai que la France a innové le mécanisme avec une qualification originale de QPC. Mais, il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une procédure instaurant un contrôle de constitutionnalité sur les lois déjà promulguées et sur initiative des citoyens-justiciables au même titre que l'exception d'inconstitutionnalité prévue en droit burkinabè84. D'ailleurs, en Afrique de l'Ouest, cette possibilité avait déjà été offerte par le constituant sénégalais à ses citoyens depuis 199285. De ce point de vue, nous sommes bien loin du « mimétisme global »86 destiné à permettre aux pays africains de se conformer87 au système français. Pour une fois, le mimétisme juridique semble avoir pris un sens inverse. Toutefois, force est de constater que la

80 Relwendé Louis Martial ZONGO, « L'accès de l'individu au juge constitutionnel burkinabè », Revue Burkinabè de Droit, n°59-1er semestre, 2020, pp. 139-164.

81 V°. Conseil constitutionnel burkinabè, DCC n°2007-04/CC du 29 août 2007 sur l'exception d'inconstitutionnalité de la société EROH.

82 Loi constitutionnelle n°2008-724/AN de modernisation des institutions de la Vème République adoptée le 9 juillet 2008 et promulguée le 23 juillet 2008 en France.

83 Loi Organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution.

84 Il faut tout de même préciser que cela ne suffit pas pour parler d'une exception d'inconstitutionnalité proprement dite pour des raisons que nous aurons à développer dans le chapitre suivant de ce même titre.

85 Loi n°92-22 du 30 mai 1992 portant révision de la Constitution au Sénégal.

86 Sama W. Jacob Marie-CONSTANTIN, La protection des droits fondamentaux par le juge constitutionnel, Mémoire de recherche pour l'obtention d'un Master 2 en droit public fondamental, UO2, 2012, p. 5.

87 Kader HAMIDOU GARBA, La protection des droits fondamentaux par le juge constitutionnel : cas du Burkina Faso et du Niger, Mémoire de recherche pour l'obtention d'un Master 2 en droit public fondamental, UO2, 2019, p. 6.

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consécration de l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso a longtemps reposé sur cette loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 200088. Même si une telle consécration est admirable, nous lui préférerions une consécration constitutionnelle formelle.

B. Une récente constitutionnalisation expresse du mécanisme

Dans l'ensemble des Etats d'Afrique francophone, les constituants ont opéré une consécration constitutionnelle stimulante du contrôle par la voie d'exception89, corrigeant ainsi les faiblesses de la justice constitutionnelle90. Tout particulièrement, le Burkina Faso a bien assez tôt réussi à prévoir la possibilité d'un contrôle de constitutionnalité des lois après leur promulgation. Cela notamment depuis la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 200091. Mais selon nous, au regard de l'importance de ce mécanisme, il aurait mieux fallu lui donner une importance plus notoire notamment en le consacrant dans la Loi Fondamentale. En réalité l'exception d'inconstitutionnalité bénéficierait d'un caractère sacré si elle avait été prévue par la Constitution. D'ailleurs, Delphine Emmanuel ADOUKI ne disait-elle pas que c'est la garantie constitutionnelle qui permet aux juridictions constitutionnelles de faire preuve de plus d'audace ?92 En effet, dans la mesure où c'est la Constitution elle-même qui est mise en litige93, l'exception d'inconstitutionnalité doit être prévue par cette même Constitution.

Certes, il convient de rappeler que les articles 3 de la Constitution de la IIème République et 5 de la Constitution de la IIIème République au Burkina Faso disposaient : « (...) toute loi, tout acte contraire à ses dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour suprême contre les lois et actes inconstitutionnels »94. Cependant, la Constitution de la IVème République a pour sa part restreint l'étendue de la saisine du juge constitutionnel en la réservant aux seuls politiques. Il a fallu attendre la révision constitutionnelle de 201295, soit douze (12) ans après la loi organique, pour que ce mécanisme soit inscrit dans le texte de la Constitution burkinabè. Cette dernière, après la révision de 2012,

88 Article 25 de la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 relative au Conseil constitutionnel.

89 Oumarou NAREY, La justice constitutionnelle, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 152.

90 Eric NGANGO YOUMBI, La justice constitutionnelle au Bénin, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 347.

91 Loi Organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, attributions, organisation, fonctionnement et procédure applicable devant le Conseil constitutionnel.

92 Delphine Emmanuel ADOUKI, « Contribution à l'étude des décisions du juge constitutionnel en Afrique », Revue Française de Droit International, n°95-2013/3, pp. 611-638.

93 Denis BARABGER, Le droit constitutionnel, Paris, PUF, 2013, 6ème édition, p. 25.

94 Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, Droit constitutionnel et institutions politiques, Op.cit., p. 420.

95 Loi constitutionnelle n°033-2012/AN du 11 juin 2012.

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prévoyait, quoique non expressément, à son article 157 alinéa 2, l'exception d'inconstitutionnalité. Cet article est libellé ainsi qu'il suit : « Si, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Le Conseil constitutionnel se prononce dans un délai déterminé par la loi ». Ce même article 157 alinéa 2 fut reconduit avec le même dispositif dans la Constitution révisée en 201396. Le constituant burkinabè reprenait ainsi quasi in extenso, la formulation française97 si bien que l'on serait tenté d'affirmer que le Burkina Faso venait également de consacrer la QPC française. Mais en réalité, il n'en est rien. En effet, la loi organique n°011-2000/AN précitée maintient toujours l'expression exception d'inconstitutionnalité. C'est avec la révision constitutionnelle récente de 201598 que la Constitution burkinabè va consacrer expressément l'exception d'inconstitutionnalité. En effet, cette Constitution prévoit : « En outre, tout citoyen peut saisir le Conseil constitutionnel sur la constitutionnalité des lois, soit directement, soit par la procédure de l'exception d'inconstitutionnalité invoquée dans une affaire qui le concerne devant une juridiction. Celle-ci doit surseoir jusqu'à la décision du Conseil constitutionnel qui doit intervenir dans un délai maximum de trente jours à compter de sa saisine »99. Avec cette affirmation expresse du mécanisme dans le texte de la Constitution, l'exception d'inconstitutionnalité est sacralisée au Burkina Faso100. Dès lors, le constitutionnalisme ne peut que se réjouir « lorsque le prétoire de la justice constitutionnelle n'est plus réservé aux seuls gouvernants, lorsqu'il ouvre ses portes aux citoyens »101, disait Francis DELPERE.

A ce titre, la justice constitutionnelle, à travers ce mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité, devient l'épine dorsale de l'organisation étatique102 burkinabè. Pour mettre en oeuvre l'exception d'inconstitutionnalité, le juge constitutionnel burkinabè dispose d'un référentiel normatif assez conséquent.

96 Loi constitutionnelle n°035-2013/AN du 12 novembre 2013.

97 Agnero Privat MEL, « La saisine du juge constitutionnel en Afrique francophone », RBD, n°52-1er semestre/2017, pp. 104-144.

98 Loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 5 novembre 2015.

99 Article 157 al.2 de la Constitution burkinabè du 2 juin 1991 révisée par la loi de révision constitutionnelle n°072-2015/CNT.

100 Le caractère sacré du mécanisme repose sur le simple fait qu'il est prévu par la loi fondamentale qu'est la Constitution.

101 Francis DELPERE, Le recours des particuliers devant le juge constitutionnel, Paris, Economica, 1991, p. 18.

102 Fatima DIALLO, Le juge constitutionnel dans la construction de l'Etat de droit au Sénégal, Mémoire de DEA soutenu à l'Université Gaston Berger de Saint-Louis, 2007, p. 35.

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§2 : Les référentiels normatifs de l'exception d'inconstitutionnalité

L'exception d'inconstitutionnalité, comme n'importe quel autre moyen d'ailleurs, doit se référer à un certain nombre de normes. Ainsi, il convient de distinguer les normes de contrôle ou normes de référence103 (A) et les normes contrôlées (B).

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld