WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso


par Abdoul Rachid ABDOU BOKAR ABDOU
Université Thomas SANKARA - Master 2020
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

A. La richesse des normes de contrôle ou normes de référence

Les normes de référence sont par hypothèse toutes des normes constitutionnelles104 ou ayant une valeur constitutionnelle105. Il s'agit des normes « mettant en oeuvre la Constitution »106, des normes sur le fondement desquelles le juge constitutionnel opère son contrôle107 notamment celui a posteriori. Ce sont les normes faisant partie du bloc de constitutionnalité. En effet, les juridictions constitutionnelles en général et le juge constitutionnel burkinabè en particulier apprécient la validité des normes qui leur sont soumises en référence au bloc de constitutionnalité108.

Ainsi, au plan national, comme normes de référence, il y a en premier lieu, les dispositions et les principes à valeur constitutionnelle109 et en deuxième lieu, les lois organiques110. Si les premiers ne posent pas de difficultés quant à leur insertion dans le bloc de constitutionnalité, les deuxièmes peuvent susciter un débat dans la mesure où toutes les juridictions constitutionnelles n'ont pas les mêmes normes de référence111. Toutefois, au Burkina Faso, le problème ne se pose pas ou du moins, ne devrait pas se poser dans la mesure où le juge intègre la loi organique comme une norme de référence pour le contrôle de

103 Eric NGANGO YOUMBI, La justice constitutionnelle au Bénin, Paris, l'Harmattan, 2016, p. 400.

104 Francis HAMON et Michel TROPER, Droit constitutionnel, Paris, Montchrestien, 2014, 35ème édition, p. 745 et Ss.

105 Ibidem.

106 Eric NGANGO YOUMBI, La justice constitutionnelle au Bénin, Op.cit., p. 400.

107 Fatima DIALLO, Le juge constitutionnel de l'Etat de droit, Mémoire de DEA, Op.cit., p. 35.

108 Djibrihina OUEDRAOGO, « Le contrôle de constitutionnalité des Règlements des Assemblées parlementaires dans les Etats de l'Afrique de l'ouest francophone », Revue Française de Droit Constitutionnel, n°117, 2019/1, pp. 119-143.

109 Un principe à valeur constitutionnelle est un principe dégagé par le Conseil constitutionnel et dont le respect s'impose au législateur comme aux organes de l'Etat. Il est une norme juridique à part entière.

110 Il s'agit des lois votées par le Parlement pour préciser ou compléter la Constitution. V°. Serge GUINCHARD, Lexique des termes juridiques, Paris, Dalloz, 2014, 21ème édition, p. 574.

111 La Cour constitutionnelle du Bénin par exemple tient compte, dans une certaine mesure, des règlements des Assemblées comme normes de référence.

16

constitutionnalité, nous apprend Djibrihina OUEDRAOGO112. En effet, le juge constitutionnel burkinabè, dans sa décision rendue en date du 04 juillet 2007 a affirmé que « Considérant qu'il est de principe que toute violation d'une loi organique par d'autres dispositions législatives même de nature organique et n'ayant pas le même objet, est une violation de l'article de la Constitution qui renvoie à cette loi organique »113. De ce raisonnement du Conseil constitutionnel burkinabè, il ressort que la loi organique est un prolongement de l'article de la Constitution qui l'a prévu. Dès lors, la violation de cette loi organique serait une violation « médiate »114 de la Constitution. Par voie de conséquence, la loi organique reste potentiellement une norme de référence pour le juge constitutionnel burkinabè.

En outre, au plan international, les normes et instruments internationaux auxquels le préambule de la Constitution burkinabè renvoie expressément font partie du bloc de constitutionnalité et donc logiquement, des normes de référence du juge constitutionnel. En effet, c'est seulement lorsque le préambule renvoie à ces normes internationales qu'elles intègrent le bloc de constitutionnalité. Du reste, la valeur constitutionnelle du préambule n'est aujourd'hui plus contestable. En effet, la Constitution burkinabè elle-même consacre la valeur constitutionnelle de son préambule115. En outre, le juge constitutionnel burkinabè, dans son avis consultatif n°2003-08 sur le statut de la CPI, a affirmé que « dans le préambule, partie intégrante de la Constitution, le Burkina Faso a souscrit à la DUDH et aux instruments internationaux »116. A travers cet avis, le Conseil constitutionnel burkinabè a considéré le préambule comme une norme supérieure, car ayant valeur constitutionnelle pouvant servir de référence au juge constitutionnel. D'ailleurs, comme son homologue français117, le juge constitutionnel burkinabè s'est déjà référé au préambule de la Constitution, plus précisément à l'article 14 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques dans sa décision rendue sur exception

112 Djibrihina OUEDRAOGO, « Le contrôle de constitutionnalité des Règlements des Assemblées parlementaires dans les Etats de l'Afrique de l'ouest francophone », Op.cit., pp. 119-143.

113 V°. Conseil constitutionnel burkinabè, décision n°2007-03/CC du 04 juillet 2007 sur la conformité avec la Constitution du 02 juin 1991 de la loi organique n°033-2006/AN du 21 décembre 2006 portant modification de la loi organique n°014-2000/AN du 16 mai 2000 portant composition, organisation, attributions et fonctionnement de la Cour des comptes et procédure applicable devant elle.

114 Ibidem.

115 V°. La dernière phrase du préambule de la Constitution du 2 juin 1991 qui est libellée comme suit : « ADOMPTONS ET APPROUVONS la présente Constitution dont le présent préambule fait partie intégrante ».

116 V°. Avis juridique n°2003-08/CC sur le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale adopté le 17 juillet 1998 in Augustin LOADA, Avis et décisions commentés de la justice constitutionnelle burkinabè de 1960 à nos jours, CGD, 2009, p. 49.

117 V°. Conseil constitutionnel français, décision n°71-44/CC du 16 juillet 1971, Liberté d'association.

17

d'inconstitutionnalité en date du 09 juin 2017118. Ainsi, à l'instar de Dominique CHAGNOLLAUD, nous pouvons affirmer que le contrôle de la conformité à la Constitution, soit-il par voie d'action ou par voie d'exception, « ne s'exerce pas seulement par rapport au seul texte constitutionnel »119, mais plutôt à tout le « bloc de constitutionnalité »120 dont le Conseil constitutionnel se trouve être le garant121. Abdoulaye SOMA qualifie d'ailleurs le contrôle de constitutionnalité d'un examen des actes pris sous la juridiction de l'Etat aux normes du bloc de constitutionnalité122. Maria Nadège SAMBA-VOUKA elle, définira même le contrôle de constitutionnalité comme un mécanisme qui permet au juge de vérifier la conformité de la loi à la Constitution et au bloc de constitutionnalité123. Ainsi, les normes internationales, après avoir été au départ exclues124, font aujourd'hui partie du bloc de constitutionnalité qui est en perpétuelle extension125.

En somme, la Constitution burkinabè reconnaît la valeur constitutionnelle de son préambule, lequel énonce son attachement à un certain nombre de normes et de conventions internationales formant ainsi le bloc de constitutionnalité. Outre ces normes de référence, il est tout aussi important de connaître la nature exacte de la norme pouvant être contestée sur exception d'inconstitutionnalité.

B. La nature de la norme contrôlée

Il s'agit pour l'essentiel de la norme pouvant être attaquée par le mécanisme de l'exception d'inconstitutionnalité. Le Burkina Faso, dans sa première consécration de l'exception d'inconstitutionnalité126, n'avait pas du tout précisé la nature de la norme contre laquelle ce grief pouvait être opposé. En effet, à la lecture combinée des articles 25 de la loi organique n°011-2000/AN précitée et 58 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel, il

118 V°. Conseil constitutionnel burkinabè, décision n°2017-013/CC du 09 juin 2017 précédemment citée.

119 Dominique CHAGNOLLAUD, Droit constitutionnel contemporain, Paris, Dalloz, 2013, 7ème édition, p. 74.

120 Cette notion désigne, à tort ou à raison, l'ensemble des règles et principes à valeur constitutionnelle sur lesquels s'exerce le contrôle de conformité du juge constitutionnel.

121 Bernard CHANTEBOUT, Droit constitutionnel et science politique, Paris, Dalloz, 1999, 16ème édition, p. 607.

122 Abdoulaye SOMA, « Modélisation d'un système de justice constitutionnelle pour une meilleure protection des droits de l'Homme : trans-constitutionnalisme et droit constitutionnel comparé », RTDH, 2009, Vol.20, n°78, pp. 437-466.

123 Maria Nadège SAMBA-VOUKA, « La saisine des juridictions constitutionnelles dans le nouveau constitutionnalisme en Afrique : les cas du Bénin et du Congo », Op.cit., pp. 54-71.

124 V°. Conseil constitutionnel français, DCC n°74-54 D.C du 15 janvier 1975.

125 Bachir YELLES CHAOUCHE, Le Conseil constitutionnel en Algérie, Alger, OPU, 1999, p. 72.

126 Article 25 de la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 sur le Conseil constitutionnel.

18

n'y a aucune clarté sur la nature véritable de la norme contrôlée. Il ressort de ces dispositions que « Lorsqu'une exception d'inconstitutionnalité est soulevée par un justiciable devant une juridiction, quelle qu'elle soit, celle-ci est tenue de surseoir à statuer et de saisir le Conseil constitutionnel qui doit se prononcer sur la constitutionnalité du texte en litige dans le délai d'un (1) mois qui court à compter de sa saisine par la juridiction concernée »127. Ainsi, l'expression « texte en litige » employée par ces articles peut être perçue comme un « fourre-tout » pouvant englober tout texte quelle qu'en soit la nature. Mais, depuis 2012, le champ des actes soumis au contrôle de constitutionnalité par voie d'exception en droit burkinabè est particulièrement réduit et précis. Hans KESLSEN recommandait à ce titre une grande prudence avant de faire rentrer dans le champ des actes soumis à la justice constitutionnelle « un acte public »128. Il fallait, selon lui, veiller à éviter une confusion entre constitutionnalité et légalité129.

Enclin à cette prudence, le Burkina Faso a désormais cantonné l'exercice de l'exception d'inconstitutionnalité uniquement aux dispositions de nature législative130. Autrement dit, l'exception d'inconstitutionnalité ne peut être dirigée que contre une loi. Le Conseil constitutionnel n'est que « juge de la loi »131. Cela est notable avec l'article 157, alinéa 2 de la Constitution qui prévoit que « En outre, tout citoyen peut saisir le juge constitutionnel sur la constitutionnalité des lois »132. Seule la loi peut donc être attaquée suivant la voie de l'exception d'inconstitutionnalité au Burkina Faso. Par ailleurs, les ordonnances peuvent être attaquées en exception d'inconstitutionnalité. En effet, dans le cadre de la règlementation constitutionnelle133, les ordonnances donnent lieu à la production d'actes normatifs équivalant à la loi134, aussi bien en ce qui concerne leur force active et passive qu'en ce qui concerne le

127 L'article 25 de la loi organique n°011-2000/AN du 27 avril 2000 portant composition, organisation, fonctionnement, attributions et procédure suivie devant le Conseil constitutionnel et l'article 58 du règlement intérieur du Conseil constitutionnel sont libellés dans les mêmes dispositifs.

128 L'acte public est mis ici pour qualifier tous les actes de nature règlementaire, c'est-à-dire les actes administratifs au nombre desquels se trouvent les décrets et les arrêtés.

129 Hans KELSEN, « La garantie juridictionnelle de la Constitution », RDP, 1928, p. 230.

130 Article 157 al.2 de la loi constitutionnelle n°033-2012/AN du 11 juin 2012 portant révision de la Constitution utilise l'expression « disposition législative ».

131 Philippe BLACHER, Le droit constitutionnel, Paris, Hachette, 2015, 3ème édition, p. 39.

132 Loi constitutionnelle n°072-2015/CNT du 5 novembre 2015 portant révision de la Constitution.

133 Luis-Maria DIEZ-PICAZO, « Actes législatifs du Gouvernement et rapports entre les pouvoirs : l'expérience espagnole », RFDC, n°32/1997, pp. 727-744.

134 Livio PALADIN, « Actes législatifs du gouvernement et rapports entre les pouvoirs : l'expérience italienne », RFDC, n°32/1997, pp. 693-711.

19

régime de leur contrôle135. Ces actes restent dans le champ d'action du juge constitutionnel136. C'est ce qui ressort notamment dans la décision du Conseil constitutionnel burkinabè du 15 mars 2019 sur le recours en inconstitutionnalité d'une ordonnance137. Dans cette décision, le juge constitutionnel a certes rejeté la requête du requérant mais n'a pas exclu la possibilité de formuler une exception d'inconstitutionnalité contre une ordonnance.

Certes, par principe, la justice constitutionnelle n'est pas chargée de contrôler la constitutionnalité des actes administratifs138, car l'inverse aboutirait à la dénaturation des droits des contentieux constitutionnel et administratif139. Cependant, la justice constitutionnelle, étant en dehors des pouvoirs étatiques traditionnellement connus, doit pouvoir assurer le respect de la Constitution dans tous les domaines. Quoi qu'il en soit, au Burkina Faso, l'article 152 de la Constitution a clairement limité le domaine de compétence de la juridiction constitutionnelle en disposant que « Le Conseil constitutionnel est l'institution compétente en matière constitutionnelle et électorale. Il est chargé de statuer sur la constitutionnalité des lois, des ordonnances ainsi que la conformité des traités et accords internationaux avec la Constitution »140. Dès lors, le contrôle des actes administratifs est exclu de ses compétences. Tout de même, le constituant burkinabè aurait pu accorder ce pouvoir au Conseil constitutionnel, car, qui d'autre qu'un juge constitutionnel pour dire le droit constitutionnel ? Encore faut-il que le contrôle de constitutionnalité par voie d'exception soit véritablement opérant au Burkina Faso.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote