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La dématèrialisation et la signification des actes d'Huissiers de justice ou la plus value en matière de transmission de l'information judiciaire


par Fabrice CALVET
Université Lumière Lyon II
Traductions: Original: fr Source:

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II) L'Huissier de justice : une réponse pour la sécurisation de la date dans le cadre des échanges dématérialisés.

Cette réponse ne sera pas bâtie ex nihilo ; nous pourrons dans un premier temps nous appuyer sur le droit positif québécois et belge (1) avant de proposer une solution qui pourrait être retenue dans notre droit national (2).

1) La sécurisation de la date dans le cadre des échanges dématérialisés : les solutions québécoise et belge.

Ces deux pays connaissent l'Huissier de justice et la signification « classique » sur support papier, néanmoins ils ont intégré dans leur « code de procédure civile » respectif de nouveaux modes pour la transmission de l'information judiciaire.

L'intégration de ces nouveaux modes a obligé les législateurs québécois et belge à se positionner sur la date à retenir dans le cadre de tels échanges.


· La solution québécoise :

Le Code de Procédure Civile québécois (L.R.Q. c. C-
25) (35) n'a pas encore adopté la communication
électronique pour la signification de la copie par

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Année universitaire 2007 / 2008 -

Huissier de justice directement au destinataire ;

néanmoins, dans certaines circonstances, de nouveaux
modes de communication ont été retenus.

Ainsi l'article

139 du dit

Code, en cas

de

méconnaissance de

l'adresse du destinataire

de

l'acte, reconnaît

avis public » ;

la notion de

« signification

par

Cet avis public

qui enjoint

au défendeur

de

comparaître dans un certain délai et qui l'informe que « l'acte introductif d'instance » se trouve à sa disposition au greffe du Tribunal, peut être diffusé par voie de presse ou par tout autre moyen comme des annonces radio ou télévisées.

Bien que la communication électronique stricto sensu n'ait pas été retenue, nous sommes quand même fort loin de la signification « classique » avec support papier ; dans ce cas quelle est la date de « signification » qui a été retenue par le législateur Québécois ?

La solution est donnée par l'article 139 in fine :

« La signification au moyen d'une seule publication vaut et est réputée avoir eu lieu à la date de cette publication; dans les autres cas, la signification ne vaut qu'une fois faites toutes les publications, mais elle est réputée avoir eu lieu à la date de la première. »

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C'est donc la date de publication et de la première publication s'il en existe plusieurs, qui est retenue ; ainsi par analogie il est possible d'avancer que c'est la date « d'envoi » qui est retenue dans le cadre de ces transmissions d'informations judiciaires hors support papier.

Dans une autre hypothèse, lorsque la partie dispose « d'un Procureur », l'article 140.1 du même Code reconnaît la signification d'un acte de procédure au dit Procureur au moyen d'une transmission par télécopie ;

Pour ce qui concerne la date de signification retenue dans le cadre de l'utilisation d'un tel procédé technique, l'article 142 interdit les significations par télécopies aux Procureurs le samedi ou après 16H30 ; si une signification était toutefois effectuée dans « ces plages » prohibées, la date à retenir serait celle du « jour juridique suivant » (article 142) : « La signification au procureur d'une partie ne peut être faite le samedi. La signification par télécopieur au procureur d'une partie, effectuée après 16 h 30 ou le samedi, est réputée faite le jour juridique suivant. »

A contrario l'on peut en déduire qu'une signification effectuée dans les créneaux horaires ou journaliers autorisés aura pour date celle de l'envoi. Cette analyse pouvant s'appuyer sur l'article 146.0.1.qui

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en matière de preuve prévoit : « La preuve d'une signification par télécopieur peut être établie au moyen du bordereau de transmission ou, à défaut, d'un affidavit (36) de la personne qui l'a effectuée. »

Ainsi en droit québécois, dans le cadre de

l'utilisation de moyens de transmission de l'information judiciaire hors support papier, la date qui peut être retenue pour ce type de signification est la date d'envoi.

Il en va différemment dans le droit belge.


· La solution belge :

Le Code Judiciaire belge (37) traite, dans sa première partie relative aux principes généraux et plus précisément dans son chapitre VII, des significations par actes d'Huissier de justice ;

Bien que d'application au plus tard le 1er janvier 2009, comme pour notre Code de Procédure Civile pour ce qui concerne la communication par voie électronique, l'article 42 bis du Code Judiciaire belge, dans son premier alinéa, reconnaît la validité des significations par voies électroniques au destinataire de l'acte ;

« Art. 42bis. <inséré par L 2006-08-05/45, art. 6, 008; En vigueur : indéterminée et au plus tard : 01- 01-2009> Sans préjudice de l'application des

conventions internationales en la matière, la

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signification peut avoir lieu par voie

électronique. »

La démarche en terme de dématérialisation est donc plus avancée dans le droit belge que dans notre droit positif.

Dans le cadre de ces modalités de signification dématérialisées, le Code Judiciaire belge fait référence à une « adresse judiciaire électronique », notion qui renvoie à nos développements précédents sur la certitude de la domiciliation et l'acceptation préalable aux échanges électroniques ;

Ainsi l'article 36 détermine d'une part dans son alinéa 3 la notion d'adresse judiciaire électronique: « Art. 36. <L 2006-08-05/45, art. 5, 008; En vigueur : indéterminée et au plus tard : 01-01-2009> § 1er. Pour l'application du présent Code, l 'on entend par : 3° " adresse judiciaire électronique " : " l'adresse de courrier électronique, attribuée par un greffe et à laquelle une personne a accepté ou est réputée avoir accepté, selon les modalités fixées par le Roi, que lui soient adressées les significations, notifications et communications. Le Roi détermine, après avis du comité de gestion et du comité de surveillance, visés respectivement aux articles 15 et 22 de la loi du 10 août 2005 instituant le système d'information Phenix, les modalités de création et d'attribution, d'enregistrement, de conservation et de consultation des adresses judiciaires électroniques. »

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Et ce même article 36 précise d'autre part dans son paragraphe 2 l'acceptation préalable et la désinscription possible :

« Toute personne qui a accepté la signification, la notification ou la communication à une adresse judiciaire électronique est présumée y consentir tant qu'elle n'a pas manifesté expressément son intention de renoncer à l'utilisation de cette adresse judiciaire électronique ou de la modifier. »

Ces pré requis légaux posés, qu'en est il de la date de signification dans le cadre des échanges dématérialisés ?

L'article 42 bis du Code Judiciaire belge n'a pas retenu directement la date d'envoi de l'acte par l'Huissier de justice mais la date à laquelle le prestataire de services, chargé de la communication électronique, a reçu, de la part de l'Huissier de justice, la demande d'envoi.

Article 42 bis (in fine) : « La date de la

signification est celle du moment où le prestataire de services a reçu la demande d'envoi au destinataire, conformément à l'article 9, § 1er, de la loi du 10 juillet 2006 relative à la procédure par voie électronique. »

L'article 9 de la loi d 10 juillet 2006 précisant dans son paragraphe premier :

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« Art. 9. § 1er. Sauf disposition légale contraire, un document de procédure électronique produit ses effets au moment où :

Le prestataire de services de communication reçoit la demande de l'expéditeur d'envoi au destinataire, lorsqu'un tel prestataire intervient; »

Toutefois il est à noter que cet article 9 dans son troisième paragraphe évoque la notion du « moment de la délivrance de l'acte » ce qui peut être une source confusion avec « la date de signification » tel que prévue à l'article 42 bis in fine ;

En effet suivant les dispositions du troisième paragraphe de l'article 9 de la loi :

« § 3. La délivrance d'un document électronique est le moment où le destinataire peut prendre connaissance du contenu de celui-ci. Sauf preuve contraire, la délivrance est réputée accomplie au moment où le prestataire de services de communication atteste avoir délivré l'acte, lorsqu'un tel prestataire intervient »

Dans ce cas la date de signification serait celle de la date de « l'avis de délivrance » et non la date de l'accusé réception du prestataire de services suite à l'envoi de l'acte par l'Huissier de justice, tel que cela est prévu à l'article 42 bis in fine précité.

En sus de ce risque de confusion, la procédure de
signification par voie dématérialisée se complexifie

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en l'absence d'avis de délivrance retourné à l'Huissier de justice par le prestataire de services dans les délais légaux ;

L'article 42 bis prévoit en effet que le prestataire de service doit dans les vingt quatre heures de l'envoi par l'Huissier de justice informer ce dernier de la délivrance du message au destinataire ;

A défaut de réception par l'Huissier de justice de « l'avis de délivrance » dans le délai de vingt quatre heures, ce dernier se doit de signifier sans délai, de façon « classique » sur support papier suivant les dispositions des articles 33 et suivants du Code Judiciaire.

Notons que cet « avis de délivrance » traduit juste le fait que l'acte signifié par l'Huissier de justice a bien été « déposé » dans la « boite de courriels » du destinataire par le prestataire de services, mais en aucun cas il traduit le fait que le dit destinataire ait « ouvert » le courriel, cet certitude étant apportée par l'accusé de réception émanant du destinataire de l'acte.

La question de la date de signification n'est pas impactée par l'absence de retour dans les délais légaux de l'avis de délivrance puisque l'article 42 bis précité, conserve le principe général relatif à la date de signification, à savoir la date réception par le prestataire de services de l'envoi par

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l'Huissier de justice, (sous réserve des remarques liées au paragraphe 3 de l'article 9 de la loi).

Toutefois il faudra alors établir un distinguo entre :

- La date d'envoi par l'Huissier de justice au

prestataire de services de l'acte à signifier.
- La date de l'accusé réception de cet envoi par

le prestataire de services (correspondant à la

date de signification suivant l'article 42 bis). - La date de « l'avis de délivrance » de l'acte

établie par le prestataire de services.

- La date de l'éventuel accusé de réception du destinataire de l'acte.

- Et enfin, à défaut « d'avis de délivrance », la date de signification de l'acte faite par l'Huissier de justice sans délai suivant les dispositions des articles 33 et suivants du Code Judiciaire.

La procédure ainsi instaurée risque de donner naissance à l'usage à une abondante jurisprudence sur la date à retenir pour la signification dans le cadre des changes dématérialisés, avec toutes les conséquences juridiques que l'on peut imaginer dans ce domaine.

Ainsi le droit québécois reconnaît la validité de
nouveaux modes de transmission de l'information
judiciaire mais que dans certaines hypothèses à

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savoir : la signification par télécopie lorsque le destinataire dispose d'un Procureur ou la signification par avis public lorsque l'adresse du destinataire est inconnue.

Dans ces deux hypothèses c'est toutefois la date d'envoi qui est retenue comme date de l'acte.

Le droit belge a lui généralisé la possibilité de signification par voie électronique mais la date de signification de l'acte, en dehors des risques de confusions et de contestations, est inféodée à l'accusé de réception du prestataire de services et la validité de la signification par voie dématérialisée est systématiquement dépendante de « l'avis de délivrance » lui aussi délivré par le prestataire de services.

Entre les cas isolés retenus par le droit québécois et l'assujettissement au prestataire de services retenu par le droit belge, une troisième voie existe pour notre droit national.

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