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L'intervention de l'état constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente ?

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par François VOIRON
Paris II Panthéon Assas - Master II Droit européen des affaires 2010
  

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3. L'influence restrictive du droit communautaire

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Depuis les arrêts Jacques Vabre et Nicolo , les deux ordres de juridictions français reconnaissent la possibilité pour le juge d'écarter l'application d'une législation nationale en vertu d'une norme contraire de droit communautaire.

En vertu du principe de primauté, l'autorité nationale de concurrence doit laisser inappliquée toute disposition nationale contraire au droit communautaire , notamment les dispositions contraires à l'article 101§1 du Traité sur le Fonctionnement de l 'Union Européenne94. Cette contrariété n'est pas seulement appréciée au regard du traité mais également de l'ensemble des normes communautaires, y compris les directives dont le délai de transposition est dépassé. Appliquant en cela les exigences communautaires, le Conseil de la Concurrence a refusé de faire application du droit national en raison de sa contrariété avec une directive non-transposée par la France et a enjoint des mesures conservatoires au regard des obligations suffisamment claires, précises et inconditionnelles dictées par cette directive95.

En conséquence, même lorsque l'application de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce est possible, son effet peut être contrarié par une norme communautaire contraire lorsque le droit de la concurrence communautaire est applicable au litige.

Le problème de la justification d'une pratique anticoncurrentielle pour intervention de l'État par la loi étant envisagé différemment en droit communautaire, il peut en résulter une inadéquation des conditions entre droit interne et droit communautaire. Il est donc possible qu'une entreprise parvienne à démontrer qu 'elle a agi de manière anticoncurrentielle en vertu de la loi française, mais que sa situation ne satisfasse pas aux conditions posées par le droit communautaire pour bénéficier d'une telle exemption. Dès lors, l'applicabilité de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce peut être remise en cause en vertu du droit communautaire.

92 Cour de Cassation, Chambre mixte, 24 mai 1975, Société Jacques Vabre.

93 Conseil d'État, Assemblée, 20 octobre 1989, Nicolo.

94 Cour de Justice des Communautés Européennes, 9 septembre 2003, Consorzio Industrie Fiammiferi (CIF), C-198/01.

95 Conseil de la Concurrence, décision n°03-MC-03 1 er

du décembre 2003 relative à une demande de mesures conservatoires présentée par la société Towercast à l'encontre de pratiques mises en Ïuvre par la société TéléDiffusion de France (TDF).

L'intervention de l'État constitue-t-elle un fait justificatif de l'entente? Ainsi, le Conseil de la con currence refuse d 'exonérer des pratiques au regard du

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droit national lorsque le droit communautaire est applicable au cas d 'espèce . En effet, en vertu de la primauté du droit communautaire, il est inenvisageable de ne pas appliquer l'article 101§1 du Trai té sur le Fonctionnement de l'Union Européenne en vertu d'exemptions régies par le droit national. Il doit alors être fait application des dispositions exonératoires communautaires pertinentes.

De même, en matière d'abus de position dominante (mais cette solution est également valable pour les ententes), la Cour d'Appel de Paris a déclaré l'article L.420 -4 I 1° du Code de Commerce Çsans portéeÈ à propos du refus par France Télécom de communiquer sa liste d'abonnés, refus basé sur une disposition législative prohibant cette communication97.

Du fait de ces critères très exigeants, les applications du fait justificatif pour ordre de la loi de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce sont très rares. Le cas le plus significatif concerne les avocats, à propos de leur obligation d'assurance civile professionnelle imposée par la loi et un décret d'application. Certains barreaux avaient obligé leurs membres à souscrire des assurances collectives de responsabilité professionnelle. Dès lors, la concurrence était atteinte puisque les avocats étaient privés de leur liberté de choix et ne pouvaient faire jouer la concurrence. Néanmoins le Conseil de la Concurrence a considéré que le système d'adhésion obligatoire était le plus performant pour répartir les risques et les coüts entre les avocats et donc que l'exception tirée de l'action étatique devait s'appliquer en ce qu'elle engendrait comme conséquence directe et

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nécessaire l 'adhésion collective obligatoire à l 'assurance professionnelle .

De plus, les textes de lois se basant explicitement sur l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pour déroger à l'interdiction des ententes sont assez rares, si ce n'est en ce qui concerne le domaine agricole. Néanmoins, le mécanisme pourrait retrouver un intérêt depuis que la LME a autorisé les organisations professionnelles à négocier des accords pour mettre en Ïuvre des délais de paiement dérogatoires par rapport aux délais de principe. Ces accords susceptibles d'être contraires à la prohibition de l'article L.420-1 du Code de Commerce échapperont à cette incrimination en vertu de l'ordre de la loi. Au regard des

96 Conseil de la Concurrence, décision n°06-D-21 du 21 juillet 2006 relative à des pratiques mises en Ïuvre dans le secteur des eaux-de-vie de cognac par le BNIC.

97 Cour d'Appel de Paris, 7 février 1994, CMS contre France Télécom.

98 Conseil de la Concurrence, décisions n°03-D-03 et 03-D-04 du 16 janvier 2003 relatives à des pratiques mises en Ïuvre par le barreau des avocats de Marseille et d'Albertville en matière d'assurances.

domaines dans lesquels ils ont déjà été adoptés (bâtiment et travaux publics, bricolage, jouet, sanitaire, chauffage et matériel électriqueÉ), le rTMle de l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce pourrait être renforcé.

Le fait justificatif prévu par l'article L.420-4 I 1° du Code de Commerce est donc en réalité une exemption classique prévue pour l'ensemble des types de responsabilité consistant à ne pouvoir sanctionner un comportement qui a été dicté par la puissance publique. Néanmoins, ses conditions d'application et l'appréciation qui en est faite par la jurisprudence conduisent à restreindre son champ d'application.

Au niveau international, la plupart des États développés prévoient ce type d'exemptions pour Çconduite réglementée È99. Ainsi, le droit antitrust fédéral américain envisage une immunité en vertu de l'action de l'État si le comportement anticoncurrentiel est clairement défini comme une politique de l' État fédéré et si ce dernier surveille activement son application. De même, l'exemption est prévue par la législation turque: elle y est concue comme une dérogation à la loi générale par la loi spéciale. Enfin, le droit hongrois est assez original puisqu'il prévoit, outre une exemption pour ordre exprès de la loi, une exemption pour autorisation implicite, considérant que cette dernière entrave l'autonomie des entreprises. Bien qu'envisagées de manières différentes, ces exemptions sont donc largement répandues.

Au niveau communautaire, ce type d'exemption existe mais il n'intervient pas au même stade du raisonnement. Alors que le droit interne concoit l'intervention de l'État comme une cause justificative du comportement anticoncurrentiel, la jurisprudence communautaire tire les conséquences de l'intervention de l'État au regard de l'autonomie de décision de l'entreprise ayant adopté un comportement anticoncurrentiel.

99 Compte rendu de la table ronde sur les moyens de défense fondés sur une conduite réglementée, OCDE, Comité de la concurrence, Groupe de travail n°2 sur la concurrence et la réglementation, février 2011.

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