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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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2 - Une défense ajustée face aux infractions de vol et recel

Jérôme Guiot-Dorel, ancien trader de la banque Bred, dénonce, en 2013, des pratiques comptables abusives de la banque à l'Inspection générale du groupe278. Il est licencié pour faute et menacé d'une procédure au pénal pour avoir détenu un rapport de cette même Inspection qui révélait les manipulations financières. Ce rapport était la seule pièce à conviction pour sa défense devant le Conseil des prud'hommes. Si cette procédure avait abouti, les magistrats, en application d'une jurisprudence constante, auraient justifié l'infraction de vol de documents. En effet, un salarié qui soustrait, même momentanément, des documents appartenant à son employeur, ne peut être condamné pour vol lorsque les documents volés sont strictement nécessaires à la défense du salarié dans une instance l'opposant à son employeur279. La Chambre criminelle fait application du fait justificatif de l'article 122-3 du Code pénal280. Un employeur ne peut donc poursuivre un salarié pour vol de documents professionnels à la double condition que le salarié ait obtenu ces documents dans l'exercice de ses fonctions et que la production de ses documents devant les juges soit strictement nécessaire pour la défense future au salarié (Cass, Crim, 16 juin 2011, n°1085079, Bull crim 2011 n° 134).

Concernant le recel de violation du secret par la voie médiatique, les juges ont accepté que les individus soient protégés à certaines conditions.

Avant 2002, un journaliste publiant une information soumise au secret de l'instruction pouvait être poursuivi pour diffamation s'il ne prouvait pas la réalité de ses allégations, et, pour recel s'il apportait la preuve de la réalité des faits par la copie d'un élément du dossier.

Cette situation plaçait le journaliste devant un choix impossible, ce qui avait offusqué L-M. Horeau (journaliste au Canard Enchaîné) : « Si le journaliste n'a aucun document, c'est un diffamateur ; s'il possède des preuves et les produit, c'est un receleur. S'il possède des preuves et ne les produit pas, il est condamné »281.

Devant cette incongruité, le 11 juin 2002, les juges du Quai de l'Horloge ont exigé qu'une partie invoquant comme moyen de défense une pièce couverte par le secret professionnel ne puisse se voir poursuivie pour recel sans se trouver limitée dans l'exposé de sa défense282.

278 Voir : J. GUIOT-DOREL, Le vaillant petit trader, Lignes de Repères, 1er juillet 2014, p. 206

279 Cass. Crim., 11 mai 2004, n° 03-85.521, Société Pierson Diffusion, Bull crim 2004, n° 117 p. 453

280 Art. 122-3 du Code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ».

281 L-M. HOREAU, « Eloge du recel, in Liberté de la presse et droits de la personne », Dalloz, 1997, p. 137 et s.

282 Cass, crim, 11 juin 2002, n°01-85.237, Bull. crim. 2002 n° 132, p. 486. La Cour va examiner le recel de violation du secret de l'instruction par un journaliste comme ainsi justifié par l'exercice de ses droits de la défense.

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Dès lors, le journaliste poursuivi pour diffamation, pourra prouver ses allégations en produisant des documents à l'origine illicite283. Selon Olivier Trilles « Les principes de valeur constitutionnelle des droits de la défense et de la liberté d'expression assurent la libre production de pièces écrites, dès lors qu'elles n'apparaissent pas étrangères à la cause »284. Ce revirement de jurisprudence a, donc, permis au journaliste d'échapper à ce dilemme.

Cette nouvelle orientation jurisprudentielle fait suite à un arrêt de la CEDH dans lequel la Cour va enjoindre que la répression du recel ne doit pas être un moyen détourné d'entraver l'exercice d'un droit fondamental (CEDH, 21 janvier 1999, Fressoz et Roire c/ France, req. n°29183/95). Dans cet arrêt de 1999, la Cour considère qu'il est de l'intérêt d'une société démocratique d'assurer et de maintenir la liberté de la presse ; la restriction devant être toujours proportionnée au but légitime poursuivi. Et que s'agissant d'une question relevant d'un débat d'intérêt général, la condamnation pour violation du secret, vol de documents et recel était injustifiée et violait l'article 10 de la CESDH.

L'arrêt du 11 juin 2002 n'a pas remis pas en cause la jurisprudence constante qui condamne pour recel de violation du secret de l'instruction, la publication de pièces relevant d'instruction ou d'enquête en cours.

Les moyens de défense invoqués sont donc accueillis différemment selon les juridictions saisies et selon l'appréciation des juges. Une insécurité juridique se manifeste au travers de ces jurisprudences. Insécurité qui va peser sur le lanceur d'alerte.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote