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Justice constitutionnelle en France et démocratie

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par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

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B. Le caractère non absolu du pouvoir normatif du Conseil constitutionnel

Aussi loin qu'aille le pouvoir normatif du juge, aussi important soit-il, il doit être manié avec retenue pour ne pas succomber dans les travers du gouvernement des juges. Le Conseil d'état français qui a créé presque de manière prétorienne un bon pan du droit administratif français est la preuve que le juge use en général son devoir de réserve pour s'autolimiter. Maître de sa jurisprudence en tant que cour régulatrice, la haute juridiction administrative a toujours fait preuve de cette habilité en exerçant son pouvoir créateur de normes. Le Conseil constitutionnel, dans l'élaboration de sa jurisprudence, n'a pas également fait preuve d'agitation juridictionnelle au sens où il défendrait une idéologie au détriment d'une autre. Les lois, qu'elles soient l'initiative d'une majorité de droite ou de gauche, reçoivent le même traitement jurisprudentiel de la part du juge constitutionnel français ayant comme boussole le bloc de constitutionnalité dans son intégralité et les circonstances de droit et de fait. Par souci de cohérence juridictionnelle, le Conseil constitutionnel est dans un certain sens lié par sa jurisprudence. Ainsi les Sages ont adhéré à l'opinion de leur homologue italien selon laquelle « le contrôle de constitutionnalité doit être contenu dans les limites au-delà desquelles il constituerait une inadmissible ingérence dans la sphère de discrétionnalité politique réservée à l'organe législatif ». Ceci n'insinue aucunement qu'il ne puisse, comme tout juge, opérer un revirement jurisprudentiel. Le Conseil est, en dépit de tout, libre d'infléchir ou de moduler sa jurisprudence dans un sens ou dans un autre en fonction de « sa lecture ou de sa relecture »

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

d'une disposition constitutionnelle et des données sociologiques. En revanche, la faculté créatrice du Conseil est tempérée par le lit de justice (1) et par la concurrence avec le président de la république dans son rôle d'interprète de la Constitution (2).

1. Le lit de justice : frein au pouvoir normatif du Conseil constitutionnel

L'expression lit de justice est une survivance de l'ancien régime reprise par le doyen Georges Vedel, également ancien président du Conseil constitutionnel. Il s'agit d'une institution de l'ancienne monarchie de France par laquelle le roi surmontait l'opposition des Parlements. Les Parlements étaient des cours dotées de fonctions judiciaires, mais aussi législatives. Lorsque le roi édictait des lois, celles-ci étaient transmises aux Parlements, qui devaient les enregistrer pour les rendre exécutoires. Si ces Parlements dont la plus célèbre fut celle de Paris s'opposaient aux lois donc au souverain, ils lui adressaient des « remontrances ». Le roi pouvait passer outre en envoyant des « lettres de jussion » mais si celles-ci demeuraient sans effet, il se rendait lui-même au Parlement, ou il s'asseyait sur un « lit de justice » et rendait l'arrêt ordonnant l'enregistrement. Le roi exerçait ainsi sa souveraineté.

Ce « terme de lit de justice » lourd de charges politiques et historiques a été sciemment récupéré par le dit doyen pour expliciter une sorte de barrière que le constituant dérivé peut opposer à une décision du Conseil constitutionnel. Il traduit une flagrante opposition entre le constituant et le juge constitutionnel qui se solde toujours par la victoire du premier. Sa traduction concrète est la modification immédiate autrement dit une révision constitutionnelle qui infirme « de jure » la décision du Conseil constitutionnel. Le doyen Vedel utilisait cette construction théorique pour expliquer que le juge constitutionnel ne s'oppose jamais à la volonté générale et que son contrôle se résume en un contrôle de procédure. En ce sens, une déclaration d'inconstitutionnalité n'avait rien d'anti-démocratique car son but final était de dire à la majorité parlementaire d'emprunter la voie constitutionnelle au lieu de la voie législative. Cette thèse vedelienne autour de laquelle s'est créé sinon une unanimité du moins un consensus est ainsi formulée dans l'avant-propos de la thèse rééditée de Charles Eisenmann :

« Souvent le contrôle de constitutionnalité des lois est, naïvement ou savamment, présenté comme aboutissant à faire prévaloir la volonté du juge contre la volonté générale et, à la limite, comme faisant échec à la démocratie. Mais il ne pourrait en être ainsi que si le juge constitutionnel pourrait imposer un droit supra-constitutionnel. Dans la réalité, il ne peut que se borner à dénoncer une incompétence : ce n'est pas une condamnation de fond qu'il prononce en déclarant une loi contraire à la Constitution. Ce n'est jamais qu'une condamnation de procédure : le contenu de la loi se serait imposé à lui s'il avait fait l'objet d'une révision constitutionnelle. Autrement dit, le refus de promulgation de la loi que la Cour

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constitutionnelle oppose au pouvoir législatif peut toujours être brisé par ce « lit de justice » qu'est la révision constitutionnelle ».

La concrétisation de cette théorie doctrinale s'est opérée par la révision constitutionnelle ayant accouché la loi constitutionnelle n° 93-1256 du 25 novembre 1993. En effet, le pouvoir constituant dérivé s'est réuni à Versailles à cette date pour adopter une disposition législative censurée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°93-325 DC du 13 aout 1993. A l'occasion de l'adoption de cette dite loi constitutionnelle comportant un seul article, le premier ministre Edouard Balladur, très remonté contre le pouvoir normatif du Conseil constitutionnel, prononce dans un passage de son discours de circonstance à l'endroit des parlementaires :

« De la même manière qu'il est légitime pour le pouvoir législatif de préciser à l'intention des juges administratifs ou judiciaires le sens d'une loi, il est légitime pour le pouvoir constituant, dont vous êtes le dépositaire, de dire lui-même quel est le contenu exact d'une disposition constitutionnelle. Nul n'est aussi qualifié que lui, c'est-à-dire que vous, pour le faire. »

Le doyen Louis Favoreu, dans le prolongement de la théorie de lit de justice du doyen Vedel, a inventé celle du juge constitutionnel « aiguilleur ». Selon celle-ci le Conseil constitutionnel, par une décision d'inconstitutionnalité, ne fait qu'indiquer au pouvoir législatif de prendre la voie constitutionnelle puisqu'il constate l'impraticabilité de la voie ordinaire. Ces deux thèses, s'ils ne rendent pas compte de toutes les susceptibilités et de tout l'ampleur du travail du Conseil, ont le mérite de réfuter habilement la thèse qui oppose la justice constitutionnelle aux présupposés démocratiques étudiés au premier chapitre de notre travail.

La prudence et la sagesse du juge constitutionnel et la possibilité de recourir au « lit de justice » ne sont pas les seules limites au pouvoir du Conseil constitutionnel. Celui-ci ne détient pas le monopole de la sauvegarde et de l'interprétation de la Constitution même en faisant abstraction d'une révision constitutionnelle par la majorité qualifiée à cet effet. En cette matière, les neuf (9) Sages sont ou tout au moins devraient être concurrencés par le locataire de l'Elysée au terme de l'alinéa premier de l'article 5 de la constitution.

2. Le président de la république : garant de la bonne application de la Constitution

Le président de la république est la clef de voûte du système politique instauré sous la 5ème république. En plus de ses prérogatives régaliennes à tire d'exemple diplomatie, défense de l'intégrité du territoire, la Constitution de 1958 le charge de « veiller au respect de la Constitution ». Ce devoir constitutionnel oblige le magistrat suprême à s'approprier des normes constitutionnelles et à les interpréter au besoin. L'initiative de la révision de la Constitution appartient concurremment au président de la république et à la majorité

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parlementaire qualifiée sur proposition du premier ministre. En cas de dysfonctionnement institutionnel, il incombe au premier citoyen de la nation de prendre les mesures qui s'imposent selon son appréciation de la lettre et de l'esprit de la Constitution. En pareille circonstance, la Constitution en son article 16, oblige le président de la république à seulement consulter le Conseil constitutionnel. Il lui revient également le pouvoir de prendre l'initiative d'un référendum populaire sous un sujet d'intérêt public. Les spécialistes du droit constitutionnel dénoncent toujours la jurisprudence constante du Conseil selon laquelle il s'abstient de tout contrôle à l'égard d'une loi votée par le biais du processus référendaire au motif que celle-ci reflète l'expression directe de la souveraineté populaire. L'immunité des lois référendaires de toutes natures (ordinaires et constitutionnelles) combinée à la large capacité d'appréciation que la Constitution réserve au premier mandataire de la nation fait de celui-ci une véritable interprète de la constitution et de facto « un juge constitutionnel » mais qui délibère exclusivement par voie de disposition générale quand les circonstances socio-politiques le requièrent.

Ces principes dépassent la personnalité et les convictions idéologiques du président de la république. Ils constituent les fondements institutionnels, politiques et démocratiques de la 5ème république telle qu'elle est ficelée par la Constitution de 1958. Ainsi resserrée dans ses limites selon la formule tocquevillienne, le contrôle juridictionnel de constitutionnalité des lois ci-devant la justice constitutionnelle fait avancer partout où il est adopté et bien apprivoisé la cause de l'état de droit.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite