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Justice constitutionnelle en France et démocratie

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par Jean- Baptiste KLEBERSON
Université de Bretagne occidentale de France - Master 2 en droit public 2011
  

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§ 2. Le Conseil constitutionnel : instrument de consolidation et d'avancement de l'état de droit

Le Conseil constitutionnel est l'une des institutions qui oeuvrent à la consolidation de l'état de droit en France. Avant le Conseil constitutionnel, dès la troisième république, le Conseil d'état avait commencé à exercer lui aussi cette fonction par la procédure de recours en excès de pouvoir contre les actes administratifs donc infra législatifs. Le contrôle de constitutionnalité des lois, selon la formule de Charles Eisenmann, n'est qu'un test de compatibilité entre les deux plus hauts étages de la pyramide normative. Il est de ce fait une nécessité quasi incontournable pour le règne de l'état de droit au même titre que l'oxygène l'est pour le maintien de la vie. En effet, l'état de droit est caractérisé par une hiérarchie des normes. Les actes administratifs de toutes natures (décrets, arrêtés etc.) doivent être conformes aux lois, lesquelles doivent être en harmonie avec la constitution. Ceci suppose un contrôle de constitutionnalité qui limite le pouvoir législatif et assure l'effectivité de la suprématie de constitution (A). Au-delà de ses finalités hautement sociales, la justice constitutionnelle constitue indéniablement un instrument aux mains de l'opposition ou de la minorité parlementaire (B).

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

A. La suprématie de la Constitution

En effet, la notion d'état de droit, d'origine allemande, présuppose une structure institutionnelle dans laquelle la puissance publique ne peut passer outre des normes constitutionnelles stricto sensu et de l'interprétation authentique fournie par le juge constitutionnel. Les normes édictées par la puissance publique sont valides à condition de respecter ou d'être conformes à celles qui leur sont supérieures dont la Constitution selon la théorie kelséniene. Dans un état de droit l'administration, bras actif du pouvoir exécutif, et le pouvoir législatif ne sont pas incontrôlés dans leur fonction respective de mise en oeuvre et d'élaboration des normes régissant la vie publique. L'état pas plus que le citoyen ne peut agir en dehors de la légalité au sens complet du terme qui suppose donc au premier chef la primauté ou la prééminence de la Constitution. De ce fait, le juge constitutionnel devient un maillon d'une importance inestimable dans le système judiciaire indépendant que requiert l'épanouissement d'un état de droit. Il en résulte une rigoureuse cohérence de l'ordre juridique national (1) autour de la Constitution. D'aucuns considèrent ce paramètre comme un facteur de pacification sociale ou servant à perdurer l'ordre démocratique (2).

1. L'unité et la cohérence de l'ordre juridique national

La soumission du législateur aux principes constitutionnels est le gage de la hiérarchie des normes et de la cohérence de l'ordre juridique qui constitue l'un des présupposés obligatoires pour l'établissement de l'état de droit. L'objectif de la justice constitutionnelle est d'assurer la hiérarchie entre les lois ordinaires et la loi-mère. Ce faisant, elle préserve l'unité de l'ordre juridique sous l'égide de la règle ayant la plus haute valeur normative en l'occurrence la Constitution. Etant la norme suprême, la Constitution fonde tout le système kelsénien en plus du fait que la loi strictement parlant c'est-à-dire le texte voté par le parlement tire sa validité d'elle. Sans le contrôle de constitutionnalité, la pyramide normative risque de s'effondrer même si les textes de valeur normative inférieure sont conformes les uns avec les autres. D'où la mise en garde de Kelsen contre toute forme d'angélisme ou de laxisme du droit positif en termes de justice constitutionnelle :

« L'organe législatif se considère dans la réalité comme un créateur libre du droit et non comme un organe d'application du droit, lié par la constitution, alors qu'il l'est théoriquement, bien que dans une mesure relativement restreinte. Ce n'est donc pas sur le Parlement lui-même que l'on peut compter pour réaliser sa subordination à la Constitution. C'est un organe différent de lui, indépendant de lui et par conséquent aussi de toute autorité étatique qu'il faut charger de l'annulation de ses actes inconstitutionnels c'est-à-dire une juridiction ou un tribunal constitutionnel ».

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

L'importance de l'unité de l'ordre de l'ordre juridique pour le maitre de Viennes l'obligeait à réfuter le modèle américain de contrôle diffus de constitutionnalité. Non que les juges ordinaires soient inaptes à confronter deux textes mais il voulait à tout prix éviter des interprétations jurisprudentielles différentes ou contraires. En effet le contrôle de constitutionnalité décentralisé tel que pratiqué Outre Atlantique est susceptible de laisser dans l'ordonnancement juridique un texte de loi muni d'interprétations jurisprudentielles concurrentes voire contradictoires. Ce fait est d'autant plus grave puisque, selon le père du normativisme, un texte vierge de toute interprétation jurisprudentielle n'est qu'un ensemble de signes plus ou moins logiques. Le texte adopté par le parlement devient norme seulement après avoir fait l'objet d'une interprétation judiciaire. En dépit du fait que les américains ne connaissent point deux ordres juridictionnels, le risque d'interprétations contraires demeure même dans le cas de deux tribunaux relevant d'une seule et même Cour suprême. Si pour une raison ou pour une autre, la Cour suprême n'a pas été touchée du contentieux constitutionnel pour donner l'ultime et l'authentique interprétation, les tribunaux inférieurs continueront à interpréter différemment la Constitution ou la loi litigieuse.

En revanche, le modèle proposé par Kelsen et adopté dans un premier temps par l'Europe continentale assure la sécurité juridique puisque la décision de l'unique organe compétent en la matière clarifie « in limine litis » le sort de la loi. En effet le contrôle centralisé ou concentré de justice constitutionnelle aboutit à une décision à effet absolu à laquelle aucun autre juge ne peut déroger. La loi bénéficie d'un brevet de constitutionnalité opposable à tout juge et à toute institution si le juge constitutionnel ne la censure pas. Dans le cas contraire, elle n'intègrera jamais en l'état l'ordonnancement juridique puisqu'il n'a pas satisfait « au test de constitutionnalité ». Le risque de deux interprétations jurisprudentielles différentes est inexistant car le contrôle est assuré exclusivement par une instance unique et spécialisée. Le nom de celle-ci importe moins que sa fonction. Les différentes Cours constitutionnelles fournissent un travail quasi-similaire avec celui du Conseil constitutionnel dans le but d'assurer l'unité et la cohérence de l'ordre juridique sous lequel elles évoluent. Elles apportent ainsi leur pierre contributoire à la stabilité socio-politique autrement dit la justice constitutionnelle est un facteur de pacification sociale.

2. Justice constitutionnelle : facteur de pacification sociale

L'état, comme nous l'avons déjà rappelé est le détenteur légitime de l'appareil répressif. Envers toute la collectivité nationale, l'état est redevable des droits- libertés et des droits-créances. Pour ce faire, l'une des branches de l'état en l'occurrence le pouvoir législatif adopte conformément à une procédure prédéterminée des textes de lois opposables à tout citoyen. L'état met en oeuvre sa force et son pouvoir légitime pour punir les contrevenants et leur complice. Tout citoyen ou groupe de citoyens agissant en dehors du cadre légal risque de se heurter à l'autorité de poursuite qu'est le procureur de la république. En revanche aussi

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

puissant soit-il, la machine étatique doit se défendre de porter préjudice aux sujets de droit par ses agissements et ses commandements. Cette limite au pouvoir étatique est prévue par la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 aout 1789 en son article 2 :

« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sureté, et la résistance à l'oppression ».

La souveraineté a été transférée mais cela n'implique nullement la privation du peuple de toutes ses prérogatives. L'intérêt de la justice constitutionnelle est de contenir l'état dans ses limites en contrecarrant tout programme législatif à visée absolutiste et totalitaire. Ainsi, elle prévient ou rend inutile les révoltes populaires qui se révèlent quelques fois extrêmement incendiaires. Autrement dit, la justice constitutionnelle est l'un des moyens légaux et pacifiques d'éviter que le gouvernement et sa majorité ne sombrent dans la négation des droits élémentaires du peuple souverain. Elle est d'autant plus légitime à exercer cette délimitation qu'elle est elle-même un mécanisme étatique. Malgré les critiques à peine voilées essuyées par le Conseil de la part des membres du pouvoir exécutif et législatif, il reste et demeure l'un des derniers remparts institutionnels contre les abus de pouvoir. Il contrôle l'action législative en l'encadrant au besoin par des réserves d'interprétation méticuleusement explicités. Au-delà de ceci, le Conseil contrôle même l'inaction du législateur grâce à sa jurisprudence qualifiée « d'incompétence négative » unanimement par la doctrine.

La mise en oeuvre du droit constitutionnel de résistance à l'oppression même sous sa forme violente est la résultante de manière générale d'une justice faible et de manière particulière d'une justice constitutionnelle qui ne répond pas à sa vocation. L'oppression du peuple ne se manifeste pas exclusivement par des lois touchant à ses droits civils et politiques. Le législateur peut initier un régime totalitaire dans des domaines apparemment anodins grâce à sa plénitude de compétence. Dans cet ordre d'idées, le théoricien libéral Adam Smith écrivait déjà au 18ème siècle :

« Il ne fait pas de doute qu'un impôt exorbitant, équivalant par exemple, en temps de paix comme en temps de guerre, à la moitié ou même au cinquième de la richesse de la nation, justifierait, comme tout abus caractérisé de pouvoir, la résistance du peuple »58

Cette vertu pacificatrice de la justice constitutionnelle se manifeste encore beaucoup plus lorsque tout justiciable ou tout groupe de pression peut saisir le juge constitutionnel sans trop de restrictions procédurales et de manière concrète.

John Locke, sans le vouloir ou le savoir, a légitimé la justice constitutionnelle par ce long réquisitoire contre le pouvoir législatif ou cet appel à la désobéissance civile :

58 Voir A.SMITH, « Leçon sur la jurisprudence », 1ère édition, Paris, Dalloz-Sirey, 2009

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La garantie et le renouvellement de la démocratie par la justice constitutionnelle

« (...) chaque fois que les législateurs tentent de saisir et de détruire les biens du peuple ou de le réduire à l'esclavage d'un pouvoir arbitraire, ils entrent en guerre contre lui ; dès lors il est dispensé d'obéir et il n'a plus qu'à se fier au remède que Dieu a donné à tous les hommes contre la force et la violence. Aussi, dès que le pouvoir législatif transgresse cette règle fondamentale de la société, dès que l'ambition, la peur la folie ou la corruption l'incitent à essayer, soit de saisir lui -même une puissance qui le rende absolument maître de la vie des sujets, de leurs libertés et de leurs patrimoines, soit de placer une telle puissance entre les mains d'un tiers, cet abus de confiance le fait déchoir des fonctions d'autorité dont le peuple l'avait chargé à des fins absolument opposées ; le pouvoir fait retour au peuple, qui a le droit de reprendre sa liberté originelle et d'établir telle législature nouvelle que bon lui semble pour assurer sa sureté et sa sécurité, qui sont la fin qu'il poursuit dans l'état social ».

Ainsi compris, la justice constitutionnelle est effectivement « le confort des démocraties modernes » selon la formule de l'éminent constitutionnaliste qu'est le doyen Vedel. De par les fonctions de la justice constitutionnelle précédemment étudiées, il nous est loisible de déduire que non seulement la justice constitutionnelle n'est pas contraire à la démocratie mais qu'elle en est son aboutissement ou l'une de ses expressions les plus concrètes et palpables.

En outre de ses considérations socio-politiques hautement salutaires pour l'intérêt général, la justice constitutionnelle est souvent un instrument aux mains de l'opposition ou de la minorité parlementaire suite à son désaveu électoral.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand