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La protection du délégué du personnel en droit du travail camerounais

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par Paulin KAMENI WENDJI
Université de Douala - Master 2 Recherche en Droit Privé Fondamental 2008
  

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CHAPITRE II

La prospérité d'une institution se mesure à son efficacité. Pour ce qui est de l'institution des délégués du personnel dont l'objet majeur est de limiter250(*) les humeurs patronales, cette efficacité est atténuée.

Le code du travail de 1992 actuellement applicable a confirmé la protection des représentants du personnel251(*), rappeler leurs missions252(*) . De plus, l'arrêté n°019 / MTPS /SG /CJ du 26 mai 1993 a renforcé leur moyen de protection. Mais, quelques problèmes demeurent. Il s'agit d'une part de la faculté accordée au délégué du personnel de démissionner au cours de son mandat (section 1). D'autre part, ce salarié à statut particulier en raison des intérêts qu'il gère ne bénéficie pas de véritables moyens d'assistance (section 2).

SECTION I : LE PROBLEME DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL DU DELEGUE DU PERSONNEL PAR DEMISSION

Comme l'employeur, le salarié peut aussi parfois décider de mettre fin au contrat de travail de façon unilatérale ; pourtant le contrat de travail est un contrat synallagmatique. Dans ce cas, on parle de démission. En effet, la démission est un acte juridique unilatéral par lequel le salarié en contrat à durée indéterminée253(*) met fin au contrat qui le lie à son employeur, à tout moment, sans procédure et sans motif particulier254(*). Cette situation qui ne manque pas de conséquences (paragraphe 2)  n'est pas sérieusement réglementée en droit du travail Camerounais. Pour éviter certains risques, il va de soi que cette faculté du délégué du personnel, salarié protégé soit soumise à des conditions strictes voire proscrite dans certains cas (paragraphe 1).

Paragraphe 1 : L'exigence des conditions sérieuses

Nous pouvons reconnaitre avec certains auteurs que le régime juridique de la démission du travailleur répond à une double préoccupation en partie contradictoire. Il en est ainsi parce que d'une part, on a un souci de protection du travailleur et d'autre part, on lui reconnait le principe de la liberté qui lui permet de mettre fin à un état de subordination estimé désormais par lui insupportable255(*).

La loi soumet implicitement l'exercice de cette liberté à des conditions de fond et de forme (A). De plus, pour une meilleure protection de tous les travailleurs de l'entreprise utilisatrice du délégué du personnel, il nous semble judicieux d'interdire à ce dernier de démissionner pendant d'exercice de son mandat (B).

A- La nécessité de la réglementation explicite des conditions de fond et de forme

Nous regrettons que la démission ne soit pas réglementée explicitement par le code du travail. Ces conditions se déduisent plutôt de l'article 34 al 1 du code du travail en vertu du principe de la réciprocité des obligations nées du contrat de travail. Ainsi, le travailleur, délégué du personnel démissionnaire doit observer une notification et respecter le délai de préavis.

En effet, le préavis est un avertissement légal ou le délai que le délégué du personnel doit observer avant de rompre son contrat de travail. Sa durée dépend de la catégorie professionnelle du salarié et de son ancienneté dans l'entreprise. Cette durée est aménagée256(*) et permet au salarié démissionnaire de trouver un nouvel emploi, à l'employeur de pourvoir au remplacement du salarié quittant l'entreprise. Contrairement au licenciement où le salarié a parfois droit à certains avantages, la démission n'ouvre pas droit aux indemnités sauf violation de la loi.

Malgré le statut du délégué du personnel, point n'est besoin dans ce cas de contraindre l'employeur qui ne joue qu'un rôle purement passif, de solliciter l'autorisation de l'inspecteur du travail qui perd d'ailleurs tout son sens257(*). C'est ce qui a été décidé dans une espèce par la Cour d'Appel de DAKAR258(*). Mais seulement, la faculté de démissionner accordé aux délégués du personnel doit revêtir certaines qualités, elle doit être sérieuse et non équivoque259(*).

De ce qui précède, comment doit s'opérer la démission ? .Pour certains auteurs, la loi n'imposant aucun formalisme, la démission peut être donnée verbalement260(*). Néanmoins, l'employeur à intérêt à se constituer des éléments de preuve261(*) de cette décision du salarié de vouloir quitter de son plein gré c'est-à-dire, de manière libre et conscient l'entreprise262(*).

Compte tenu du fait que les délégués du personnel sont considérés par les employeurs comme des gêneurs, ces derniers seront parfois très favorables à la démission de ces salariés ; voire les « pousser » sur cette voie. Il y a lieu de « fermer » cette porte de sortie de l'entreprise durant leur mandat.

B- De la nécessité d'une vérification obligatoire au refus de démission pendant l'exercice du mandat du délégué du personnel

Pour une meilleure protection des délégués du personnel, le législateur devrait prévoir des mécanismes, pour s'assurer que ce salarié a manifesté une liberté consciente, libre et éclairée pour quitter l'entreprise. Le délégué du personnel dans certains cas peut être amené par des agissements de son employeur à rompre son contrat de travail. Ainsi, la démission du délégué du personnel peut être due à des circonstances qui ne relèvent pas de sa seule volonté ou qui annihilent sa capacité de prendre une décision en toute âme et conscience. Il peut alors arriver que le délégué du personnel fasse l'objet d'un chantage ou d'une pression de toute nature de la part de son employeur263(*). Dans ce cas, loin d'être voulue par son auteur, la démission est provoquée par l'employeur sur qui pèse l'entière responsabilité du départ du salarié protégé. Vu sous cet angle, l'autorisation de l'inspecteur du travail compétent redevient nécessaire.

Dans une espèce, affaire TANKWA J. Jacques c/ EKENGOLO Hubert264(*), le délégué du personnel EKENGOLO qui refusait de rejoindre son nouveau poste d'affectation suite à une mutation opérée en violation des règles applicables au délégué du personnel a cessé de travailler. L'employeur a constaté sa démission. Le juge du premier degré et celui d'appel après avoir relevé l'entrave à l'exercice des fonctions du délégué du personnel dont s'était rendu coupable l'employeur, ont estimé que la cessation du travail était non pas voulue par le délégué du personnel mais imposée par l'employeur. Ils l'ont alors assimilé à un cas de licenciement non autorisé.

Ce raisonnement est également valable dans le cas d'un employeur qui constate la démission du délégué du personnel qui n'a pas accédé à ses « nouvelles propositions » parce qu'elles n'étaient pas l'équivalent de son ancien poste de travail265(*). Il est parfois difficile pour le délégué du personnel de prouver tous ces agissements de l'employeur parce que ce dernier prend soin de se cacher derrière ses pouvoirs disciplinaires et d'organisation du travail266(*).

Ainsi, il nous semble judicieux, en raison des intérêts que le délégué du personnel gère, que l'exercice de sa liberté de démissionner lui soit retiré durant toute la période de son mandat. Nous le souhaitons parce que dans un système comme le nôtre où la corruption est érigée en règle, il y a un risque élevé d'être corrompu par son employeur et d'être du côté de ce dernier en oubliant, le but de sa désignation.

Cet état de chose doit être combattu avec la dernière énergie par tous les acteurs267(*) afin de donner une nouvelle image à l'institution représentative du personnel au Cameroun.

En attendant l'intervention législative souhaitée, quelque soit le cas268(*), la démission du délégué du personnel n'est pas dépourvue d'effets.

Paragraphe 2 : Les conséquences de la démission du délégué du personnel, salarié protégé

Bien qu'elle soit un acte unilatéral, la démission produit des effets non seulement à l'égard du salarié démissionnaire (A) mais aussi à l'égard de l'employeur (B).

A- Les obligations du salarié protégé à l'égard de son employeur

La démission met un terme définitif au contrat de travail liant le délégué du personnel à son employeur. Ainsi, le salarié démissionnaire ayant signifié son départ de l'entreprise à son employeur et ayant exécuté son préavis est en principe libéré de tout engagement. Mais, il en va autrement lorsque sa démission a été abusive. Ainsi, la résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée, à l'initiative du salarié, ouvre droit, si elle est abusive, aux dommages et intérêts. Pour certains auteurs, cette situation reste relativement rare269(*).

Il est normal que le délégué du personnel soit sanctionné lorsque les circonstances accompagnant son départ revêtent un caractère fautif. Cette solution a été déjà mise en oeuvre au sujet du salarié ordinaire270(*).

Le délégué du personnel qui peut être parfois poussé à la démission par son employeur met ainsi en péril l'ensemble des salariés de l'entreprise ou du moins ceux de sa catégorie professionnelle. C'est peut être pour faire face à de pareilles situations que le législateur a prévu des règles pour assurer son remplacement271(*) afin d'assurer la continuité de l'institution représentative du personnel au sein de l'entreprise.

B- Les obligations de l'employeur face au délégué du personnel démissionnaire

Contrairement au salarié démissionnaire où ses obligations sont un peu allégées, celles de l'employeur sont étendues à son égard. En effet, l'employeur doit exécuter le préavis, verser certaines indemnités et remettre des documents au délégué du personnel démissionnaire.

Le salarié doit pouvoir continuer à exercer normalement son activité pendant la durée de son préavis, sauf dispense ou accord par lequel les parties renoncent à son exécution. Il doit se comporter pendant cette période comme en temps ordinaire où n'existe aucun différend. La seule différence qu'on observe ici est qu'il bénéficie d'un jour de liberté par semaine pris à son choix, globalement ou heure par heure et payé à plein salaire272(*).

Le travailleur démissionnaire n'a en principe droit à aucune indemnité. Toutefois, en cas de licenciement déguisé, le travailleur démissionnaire à droit aux indemnités de rupture abusive du contrat de travail. De même dans certains cas, il aurait droit à l'indemnité compensatrice de congé payé et à l'indemnité compensatrice de préavis si l'employeur en dispense. Dans certains pays notamment la France, il percevra des sommes dues au titre de l'intéressement ou de la participation au prorata du temps passé en entreprise273(*).

De plus, l'employeur est tenu de remettre au délégué du personnel démissionnaire certains documents. En l'état actuel de notre droit du travail, il s'agit du certificat du travail et du reçu pour solde de tout compte.

L'employeur doit délivrer au travailleur au moment de son départ de l'entreprise un certificat de travail qui indique les dates d'entrées et de sortie de l'entreprise ainsi que les dates et la nature des emplois successivement occupés dans l'entreprise274(*). Il est interdit d'y mentionner des motifs de licenciement. Ce document a pour but de montrer que le salarié quittant l'entreprise est libre de tout engagement. Il s'agit d'une obligation à laquelle l'employeur est tenu de se conformer dès la rupture du contrat de travail sans que le travailleur ait à le réclamer275(*). L'employeur qui refuse de délivrer le certificat de travail commet une infraction punissable d'une amande de 100 000 à 1 000 000 de francs276(*).

Quant au reçu pour solde de tout compte, c'est un document qui atteste le payement de tous les droits277(*) du salarié. Ce payement est considéré comme une preuve pour l'employeur. Mais, nous regrettons qu'il soit limité dans sa portée car malgré son existence, le travailleur peut réclamer le payement d'un droit quelconque qui n'aurait pas été pris en compte lors de l'établissement du reçu.

Tout ce qui vient d'être explicité limite la protection reconnue au délégué du personnel. La situation est encore plus préoccupante lorsqu'on se rend compte qu'il ne bénéficie pas de véritables mesures d'assistance.

SECTION II : L'ABSENCE DE VERITABLE MESURE D'ASSISTANCE AU DELEGUE DU PERSONNEL EN SA QUALITE DE PARTIE FAIBLE AU CONTRAT

On ne peut jamais conclure un contrat avec soi même ; il est toujours l'émanation de deux ou plusieurs volontés s'accordant sur des points bien précis. On peut s'en convaincre avec la définition que le législateur social Camerounais retient dans la loi n°92 / 007 du 14 aout 1992 portant code du travail Camerounais. Là, il est écrit « le contrat de travail est une convention par laquelle le travailleur s'engage à mettre son activité professionnelle sous l'autorité et la direction d'un employeur en contrepartie d'une rémunération »278(*).

On peut retenir de cette définition un élément capital qui est la subordination de l'employé à l'employeur. C'est ce lien de subordination qui aggrave la qualité de « partie faible » du délégué du personnel. Il s'avère alors salutaire de « voler » au secours de ce dernier279(*) tant en l'assistant (paragraphe 2) qu'en contrôlant les différents moyens d'actions qui lui sont accordés par la loi (paragraphe1).

 

Paragraphe 1 : L'instauration d'un contrôle des moyens d'action reconnus au délégué du personnel par la loi

Dans le dessein de permettre au délégué du personnel de bien mener ses fonctions représentatives, la loi lui reconnait divers moyens (A) ; mais nous regrettons que ces moyens soient parfois inexistants dans certaines entreprises en raison d'une absence de contrôle (B).

A- L'examen des divers moyens accordés au délégué du personnel

Dans l'exercice de leurs fonctions, les délégués du personnel bénéficient de certains privilèges ou moyens lesquels peuvent être individuels (1) ou collectifs280(*) (2).

1- Les moyens individuels

L'exercice des fonctions de délégué du personnel nécessite du temps. C'est sans doute pour cette raison que le législateur Camerounais lui a accordé des heures de délégations encore appelées crédits d'heures. Pour éviter des éventuels conflits entre le délégué du personnel et son employeur, la durée de ce crédit d'heures a été arrêtée au préalable. En effet, le législateur social Camerounais retient une durée de quinze heures par mois281(*). Mais, en cas de circonstances exceptionnelles282(*), cette durée peut être revue à la hausse.  Certaines conventions collectives peuvent décider de dépasser le quota légal283(*).

Quelque soit le cas, ce crédit d'heures ayant une nature mensuelle284(*) et individuelle 285(*)doit être payé au délégué du personnel comme temps de travail286(*). La loi pose la contrainte selon laquelle, ce temps doit être utilisé exclusivement pour les tâches afférentes à l'activité du délégué du personnel telles que définies par les textes en vigueur. Ainsi, le délégué du personnel indépendamment de la volonté de son employeur dispose d'une liberté de déplacement.

Ce dernier privilège peut s'effectuer à l'extérieur287(*) ou à l'intérieur de l'entreprise. Les délégués du personnel y compris en un temps où leur contrat de travail est suspendu dès lors que leur contrat demeure vivace288(*) c'est-à-dire applicable, sont libres de circuler dans l'entreprise ou dans l'établissement auquel ils appartiennent, si l'entreprise est divisé en établissements distincts. Mais, il ne doit jamais être apporté à l'exécution du travail des salariés une « gêne importante »289(*) à l'activité de l'entreprise en général et du rythme du travail de l'intéressé en particulier. Cette situation est particulièrement fâcheuse lorsque le travail est accompli à la chaine ou créerait un risque d'erreur ou d'accident290(*). Pour éviter des désagréments, le délégué du personnel peut convoquer ses camarades de services à des heures appropriées notamment aux heures de pause.

2- Les moyens collectifs

De même que les délégués du personnel ont certains moyens à eux exclusivement attribués par la loi, ils ont aussi des moyens qu'ils partagent avec l'employeur. Il en est du local, de l'affichage, de la tenue des réunions et de l'existence d'un registre spécial.

Relativement au local, le chef d'entreprise ou d'établissement est tenu de mettre à la disposition des délégués du personnels le local nécessaire pour leur permettre de remplir leurs missions et notamment de se réunir291(*). Il est à noter que les délégués du personnel peuvent ne pas disposer d'une utilisation exclusive dudit local ; mais ils doivent pouvoir y accéder librement sans aucune gêne de la part de l'employeur292(*). On peut dès lors se demander quelle obligation incombe à l'employeur d'un chantier ne disposant pas de local. Pour éviter de paralyser l'activité des délégués du personnel en particulier et en général la représentation des salariés, l'arrêté n°19 / MTPS /SG /CJ du 29 mai 1993 a apporté une solution. D'après ce texte, « sur les chantiers où il n'existe pas de locaux, le chef d'entreprise facilitera dans la mesure du possible les réunions des délégués du personnel ».

De plus, les délégués du personnel peuvent procéder à l'affichage des renseignements qu'ils ont pour rôle de porter à la connaissance du personnel293(*). Ces renseignements peuvent être relatifs au sort réservé par l'employeur aux réclamations par eux présentées ou aux suites données par l'inspection du travail aux plaintes et observations formulées294(*). L'affichage s'effectue, soit sur des emplacements ou des panneaux obligatoirement prévus et destinés aux communications des délégués du personnel, et nullement sur n'importe laquelle des portes ou poteaux de l'établissement. Ces panneaux doivent se trouver dans un endroit apparent et de préférence sur les lieux de passage du personnel. Il en est ainsi parce que l'affichage sauvage est interdit295(*). En plus de l'affichage, les délégués du personnel peuvent procéder en ce lieu à la distribution des tracts296(*).

Les réclamations dont les travailleurs sont porteurs sont présentées par les délégués du personnel lors des réunions mensuelles obligatoires ou celles sur demande. Les délégués du personnel sont reçus collectivement par le chef d'établissement ou son représentant au moins une fois par mois297(*).Selon la jurisprudence, l'organisation de la réunion relève de l'initiative de l'employeur ou de son représentant ; elle est impérative298(*). Il va alors de soi que l'employeur est tenu de convoquer tous les délégués du personnel sans exception y compris les suppléants. En dehors de la réunion mensuelle obligatoire, les délégués du personnel peuvent être reçus à leur demande soit collectivement en cas d'urgence, soit individuellement, par catégorie professionnelles ou établissement, atelier, service compte tenu des questions à traiter .Ils peuvent de même être reçus à la demande de l'employeur ou de son représentant.

Toujours au sujet des moyens collectifs des délégués du personnel, l'article 25 de l'arrêté n°19 précité leur reconnait le droit de disposer d'un registre spécial. Ce dernier est destiné à recueillir les réclamations et suggestions formulées par les délégués du personnel et les réponses faites à celles-ci par le chef de l'établissement. Ainsi, les salariés ont la possibilité de consulter aux heures de travail le registre des délégués. Le refus pour l'employeur de tenir ce registre est considéré comme délit d'entrave à l'exercice des délégués du personnel d'où la nécessité de l'existence d'un contrôle rigoureusement organisé.

B - La nécessité de la création d'une commission de contrôle des moyens accordés aux délégués du personnel

Les divers moyens qui viennent d'être explicités, bien que consacrés par la

Loi299(*) sont généralement « balayés » du revers de la main par les employeurs. Ainsi donc, affirme un salarié d'une société de la place « il existe les délégués du personnel dans notre entreprise, mais en réalité, nous n'avons pas de délégué du personnel. Nous sommes abandonnés à nous même ». Ces propos vont dans le même sens que ceux recueillis auprès d'un délégué du personnel d'une société. A lui de dire à son tour : « il existe un fossé profond entre les textes et la réalité du terrain300(*). Mon employeur ne reconnait pas les moyens reconnus y compris celui du crédit d'heures. La moindre réclamation ouvre directement la « porte » du licenciement d'où notre inactivité »301(*).

De ces propos si lourds de contenu, plusieurs enseignements peuvent être tirés. D'une part, la législation du travail n'est pas toujours respectée dans notre pays ; d'autre part, les employés sont enfermés dans un état de passivité de peur de perdre leur emploi surtout à cette époque où l'offre d'emploi est très largement en dessous de la demande. Si un délégué du personnel venait à perdre son emploi, de quoi survivra t-il en attendant la mise en oeuvre de la machine judiciaire souvent « verrouillée » dans notre pays ? La modicité de leur salaire302(*) ainsi que la peur de perdre leur emploi peut les amener à être du côté de l'employeur en abandonnant303(*) leurs camarades de service. Il y a alors lieu de rendre plus efficace la protection légale reconnue aux délégués du personnel.

A cet effet, la création d'une commission chargée de vérifier l'effectivité des moyens d'action accordés aux délégués du personnel s'avère salutaire. Le législateur peut décider d'étendre une telle commission à tous les niveaux : régional, départemental voire même infra départemental. Pour notre part, une telle commission devrait être présidée par l'inspecteur du travail compétent, acteur principal du licenciement et autres mesures atteignant les délégués du personnel304(*).

Ainsi, une fois le délégué du personnel élu, l'inspecteur du travail devrait avant l'installation de ce dernier s'assurer que l'entreprise est dotée des moyens à lui accordés, une telle mesure favoriserait un meilleur exercice des fonctions de délégué du personnel. Si ce dernier bénéficiait d'une assistance, il devrait, il nous semble mieux défendre leurs intérêts tant au sein de l'entreprise qu'à l'extérieur.

Paragraphe 2 : La nécessité d'une assistance de plein droit des délégués du personnel

Le différend de licenciement ou de toutes autres mesures atteignant les délégués du personnel suppose au moins deux acteurs. Il s'agit d'une part de l'employeur, la partie économiquement forte, et d'autre part, le délégué du personnel, partie économiquement faible. Cette position de faiblesse305(*) du délégué du personnel pourrait être une raison favorable pour qu'une assistance lui soit accordée tant avant le procès (A)  que pendant et après celui-ci (B).

A- L'aide extrajudiciaire des délégués du personnel

En l'état actuel de notre législation, l'aide juridique n'est pas réglementée contrairement aux autres pays. Autrefois appelée « pro deo », l'aide juridique fait l'objet d'une réglementation dans la société française306(*). On distingue l'aide juridique de première ligne et l'aide juridique de deuxième ligne. En effet, il ne faut pas confondre cette notion avec l'assistance judiciaire. Ainsi, l'ai juridique est un mécanisme qui permet de bénéficier de la gratuité totale ou partielle des services d'un avocat même en dehors de toute procédure. Elle est destinée aux personnes ayant des faibles ressources.

Dans notre société, les délégués du personnel font souvent partie de cette catégorie de personnes d'où la vulnérabilité par leur employeurs, parties économiquement fortes.

Alors, la protection accordée au délégué du personnel est une garantie entravée par le fait que le ministère d'avocat n'est pas obligatoire. Etant donné que le délégué du personnel n'a pas souvent les moyens pour assurer convenablement sa défense307(*), il est judicieux de mettre à sa disposition un avocat aux frais du trésor public. Cet acte juridique peut être mis en oeuvre en dehors de toute procédure ou lors de la phase amiable308(*)de règlement des différends. L'assistance de l'avocat aiderait à tempérer les ardeurs des patrons et briser le déséquilibre de rapport de classe sociale existant entre ces derniers.

Si cette aide juridique une fois consacrée est doublée d'une assistance judiciaire automatique, on pourrait se réjouir des bienfaits de la loi pour les délégués du personnel.

* 250 _ Nous employons cette expression parce que le délégué du personnel ne bénéficie pas d'une immunité totale ; il peut se voir infliger par exemple une mise à pied spéciale, cf. supra.

* 251 _ Voir article 130.

* 252 _ Voir article 128.

* 253 _ Le code du travail camerounais prévoit divers types de contrats de travail. En plus du contrat du travail à durée indéterminée, il s'agit du contrat à durée déterminée, du contrat temporaire, du contrat occasionnel et du contrat saisonnier cf. 25 CT.

* 254 _ Voir Valérie ALLEGUEDE et Muriel BROSSET - BORIES, Droit social, Hatier 2009, N°07 France p.316.

* 255 _ V. G.H. CAMERLYNCK et G.LYON CAEN, Droit du travail, op.cit. pp.191-192.

* 256 _ Cf. article 35 et suivants le code du travail camerounais du 14 aout 1992.

* 257 _ Voir DJANA Armand Kisito, L'autorisation de licenciement du délégué du personnel, op. cit.p.

* 258 _ CA.de DAKAR, arrêté du 15 juin 1963. T.P.O. M, Travail 138 p.3066.

* 259 _ Cf. Valérie ALLEGUEDE et Muriel BROSSET-BORIES, Droit social, op.cit.p.317.

* 260 _ Cf. Valérie ALLEGUEDE et Muriel BROSSET-BORIS. Op.cit. p.318 ; voir aussi, SOC .30 novembre 1977.D. 1978.IR 64 peu importe la confirmation par écrit, si la volonté a été clairement exprimée.

* 261 _ La preuve peut être rapportée par tout moyen, y compris par un courriel sauf cas contraire.

* 262 _ L'employeur pour éviter d'être condamné pour délit d'entrave à l'exercice des fonctions du délégué du personnel peut exiger de ce dernier un écrit notamment une lettre, contre signée ou avec accusée de réception.

* 263 _V. DJANA Armand Kisito, op. cit p.12.

* 264 _ CS, arrêté N° 60/S du 22 mai 1986.

* 265 _ CA du centre, arrêté N° 15 /SOC du 05 juillet 1994 Aff. SITABAC cf. AVA Maurice virginie.

* 266 _ V. DJANA Armand Kisito, op.cit.p.13.

* 267 _ Cette lutte nécessite une implication de tous notamment l'Etat, les syndicats des travailleurs, la société civile, les ONG.

* 268 _ Que les parties aient respectées ou non les conditions de la démission du salarié.

* 269 _ V. Valérie ALLEGUEDE et Muriel BRASSET- BORIES  op.cit. p.319.

* 270 _SOC. 19 juin 1959 : D. 1959. C 113 (brusque départ d'un mannequin au cours de la journée de présentation à la clientèle d'une collection comprenant des modèles à sa propre mesure), 12 janvier 1972, Bull. CIV. Voir 17 (rupture brutale préjudiciable par un représentant pour un motif fallacieux, avec l'ensemble de ses collègues... cité par G.H. CAMERLYNCK et Gérard LYON CAEN Droit du travail op.cit. PP 196 - 1997.

* 271 _ Pour plus de détail, cf. Supra.

* 272 _ V. article 35 code du travail.

* 273 _ V. Valérie ALLEGUEDE et Muriel BROSSET - BORIES op.cit. p .319.

* 274 _ Cf. article 44 Code du travail.

* 275 _ V.TGI Yaoundé ,04 septembre 1992, inédit.

* 276 _ Cf. art 167 du code di travail.

* 277 _ Il s'agit notamment des salaires échus, arriérés, primes d'ancienneté, indemnité de rupture.

* 278 _ v.art 23 al. 1 CT ; la rémunération dont il est question ici est appelée salaire. En l'état actuelle de notre législation, il est librement fixé par l'employeur et le salarié cf. CT Titre 4 art. 61 à 77.

* 279 _ Il en est ainsi parce que la situation d'homme subordonné commande une vigilance particulière ; cf. TCHAKOUA Jean Marie, op. . p.35.

* 280 _ Lire Bernard TEYSSIE, Droit du travail, Les relations collectives, 2ème éd., LITEC, Paris 1993 p 87.

* 281 _ V. article 124 du code du travail.

* 282 _En retenant l'expression « circonstances exceptionnelles », le législateur était sans doute animé par l'idée de dépassement du quota mensuel. Mais, il n'a pas définit cette expression qui peut poser des questions de preuves.

* 283 _ La convention collective des entreprises agricoles et activités annexes du 02 septembre 1976 et celle des entreprises forestières et activités annexes du 23 octobre 1976 prévoient une durée de 16 heures par mois.

* 284 _ Ce temps a une nature mensuelle parce qu'il s'applique à chaque mois civil indépendamment des périodes partielles de non activité. De même, il n'est pas possible de reporter d'un mois à l'autre un crédit d'heures non utilisé.

* 285 _Il s'agit d'un crédit individuel parce que le législateur n'a pas expressément ouvert la possibilité d'une répartition entre les différents délégués du personnel d'une même organisation syndicale, de même que pour les délégués du personnel titulaires et suppléants.

* 286 _ V. art 124 code du travail.

* 287 _ Lorsque le délégué du personnel se déplace à l'extérieure de l'entreprise, il doit le faire dans un but d'intérêt général tel la réunion avec les syndicats, la défense des droits des salariés devant l'inspecteur du travail compétent.

* 288 _ Cass. Crim. 04 novembre 1981 : juri-social, 1982. F4, à propos de représentants du personnel en grève ; voir aussi Cass. Crim. 25 mai 1983 : juri- social 1983, F65, à propos des délégués du personnel mis en chômage technique.

* 289 _ CT. , art : L. 424-3 J. SAVATIEZ (il s'agit ici du code du travail français).

* 290 _ Cf. Bernard TEYSSIE, op.cit, pp. 101 - 102.

* 291 _ Art. 21 de l'arrêté N°19 / MTPS /SG /CJ du 29 mai 1993 précité.

* 292 _ Cour de cass. Française. Ch. Crim. 17 janvier 1978 et 07 janvier 1981.

* 293 _ Ct. art. L. 424 - 2, alinéa 2. Commet le délit d'entrave à l'exercice des fonctions du délégué du personnel, l'employeur qui met obstacle à l'affichage de communication, cass. Crim. 08 mai 1968 : D. 1968, 563, Note J.M. VERDIER.

* 294 _ V. Bernard TEYSSIE op.cit. p.103.

* 295 _ Cf. Léon NOAH MANGA, op.cit. p.124.

* 296 _ Cass. Soc. 02 février 1972 : Bull. civ. V. p.82, n° 87.

* 297 _ Cf. Paul Gérard POUGOUE, Code du travail Camerounais annoté (sous la direction de...), op.cit. p.182.

* 298 _ V. Mémento pratique, Francis LEFEBVRE, Social 1988, Droit du travail, sécurité sociale p. 882.

* 299 _ V.art 124 CT. Ce texte ne retient explicitement que la notion de crédit d'heures ; mais ce n'est pas pour autant dire que les autres sont inexistants ; cf. Paul Gérard POUGOUE, code du travail Camerounais annoté p.182.

* 300 _ Cet état des choses a conduit un auteur à dire que les lois et les codes sont faits pour les amphithéâtres, soulevant ainsi la violation de la loi dans certaines situations.

* 301 _ Cette inactivité est la conséquence logique de la menace permanente et des autres sanctions que l'employeur peut les infliger, cf. TCHAKOUA J.M., op.cit.p.192.

* 302 _ Ceci est dû en raison de la liberté de négociation des catégories professionnelles et du salaire. Ce dernier n'est pas le plus souvent en adéquation avec le niveau d'étude du salarié. Il s'en suit à notre sens une exploitation de l'homme par l'homme et ce par le capital. Dans ce sens, l'employeur est le maître et le salarié l'esclave serviteur.

* 303 _ Les délégués du personnel se livrant à de telles pratiques reçoivent des gratifications de la part de l'employeur : augmentation des catégories professionnelles, du salaire, rémunération officieuse.

* 304 _ V. notre première partie, chapitres 1 et 2.

* 305 _ Les causes de cette faiblesse peuvent être entre autres l'ignorance desdits salariés ou la peur de s'attirer les ennuis de l'employeur. Ainsi, beaucoup de délégué s'abstiennent de mettre en oeuvre les mécanismes protecteurs de la loi, cf. Pr TCHAKOUA J.M., op.cit.p.287.

* 306 _ cf. lien www.avocat.be, Que coûte un avocat ? Vous n'avez pas les moyens de payer ?

* 307 _ Certaines décisions de justice en témoignent : TGI Douala Wouri, jugement contradictoire N°306 du 10 août 2007, Aff. TELEP Français c / CAMTAINER ; TPI de Douala NDOKOTI, jugement N° 046 / soc / 09 du 31 mars 2009, Aff. GUIFFING MARTIN c/ Directeur général de la société INTERIMA (Mes VIAZZI - AUBRIET & AUTRES. Respectivement dans ces deux décisions, les délégués du personnel concernés percevaient un salaire mensuel de 43.066 FCFA et 50.400 FCFA.

* 308 _ Cette mesure est nécessaire parce que la phase extra judiciaire du litige opposant l'employeur à l'employé sous le contrôle de l'inspecteur du travail du ressort est très importante et détermine la suite du contentieux cf. PENDA Hilaire, p.59.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore