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Ordre public et Arbitrage International en Droit du commerce international

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par Rathvisal THARA
Université Lumière Lyon 2 - Master 1 Droit des entreprises en difficulté 2005
  

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§ II. Ordre public transnational (ou réellement international)

Contrairement à l'ordre public étatique, l'ordre public transnational qui n'est pas une limite à l'autonomie de l'arbitrage, constitue pour les arbitres le moyen d'affirmer l'autonomie de l'arbitrage international. Pour cette raison, lorsqu'il y a intervention de l'ordre public transnational, l'ordre public étatique tiendra une place secondaire. Mais, en réalité la présence du premier n'exclut pas le respect du second154(*).

A. Notion controversée de l'ordre public transnational

1. L'existence controversée de l'ordre public transnational

Tout d'abord, il est nécessaire, et en plus difficile155(*), de donner une certaine et exacte définition de l'ordre public transnational. On peut la définir comme un mécanisme défendant des valeurs, non pas propres à un ordre juridique national, mais adoptées par « la communauté internationale156(*) ».

Certes, dans ce contexte, l'existence d'un ordre public transnational peut se révéler difficile ; la référence par une juridiction étatique à l'ordre public transnational n'est pas exempte d'ambiguïté, voire de sérieuse critique157(*). Sa notion et son existence même sont contestées par beaucoup158(*). Ainsi, il n'existe pas d'unanimité en la doctrine. Les thèses négatrices de l'ordre public transnational sont posées à cause de son inutilité et de son existence introuvable159(*).

Premièrement, la notion semble correspondre à la partie indérogeable de la lex mercatoria, or l'existence même de la lex mercatoria, apparaît comme étant elle-même controversée. Certains auteurs pensent même qu'il n'existe pas d'ordre public sans ordre juridique160(*).

Deuxièmement, un autre argument se pose. C'est le problème de la trop grande marge d'appréciation laissée à l'arbitre, ce qui peut porter atteinte à l'attente légitime des parties ; en effet, la notion étant flou, cela laisse une place importante à la subjectivité de l'arbitre choisis. Dans l'hypothèse où les parties ont désigné la loi applicable dans leur convention, l'intervention de l'ordre public transnational serait inutile car le juge arbitral devrait appliquer la loi choisie et ne pas pouvoir l'évincer. Dans l'hypothèse inverse, c'est-à-dire en cas de silence sur le choix de loi applicable, l'intervention de l'ordre public transnational serait également inutile puisqu'il appartiendrait dans ce cas à l'arbitre de désigner directement le droit devant s'appliquer et qui n'est pas contraire à de telles exigences fondamentales161(*).

L'étude sur la notion de l'ordre public transnational n'est toutefois pas dépourvue de cause. Deux raisons ont au moins été fournies par le professeur Marie-Noëlle : d'abord, en pratique il apparaît indéniable que les arbitres ont à plusieurs reprises fait référence à cette notion pour fonder leurs sentences ; ensuite, les difficultés qu'il y a pour un juge à admettre l'existence de sources internationales de fait susceptibles d'influer sur le contenu de son ordre public international, ne peuvent être ressenties, de la même façon, par un arbitre, qui n'a pas plus d'ordre public à faire respecter a priori qu'il n'a de for auquel se rattacher162(*).

Cette raison a été partagée par M. J-B. Racine qui, pour justifier l'existence de l'ordre public transnational, a écrit que les arbitres ont utilisé cette notion en matière d'aptitude à compromettre des personnes morales de droit public et donc de prohibition de la corruption163(*). Ainsi, selon lui, l'autonomie de l'arbitrage international permet de justifier l'existence d'un ordre public transnational. Cet ordre public trouve son fondement à la fois dans l'absence de rattachement de l'arbitrage à un for étatique et dans l'existence de normes transnationales dont l'ordre public transnational est l'une des composantes. Quant à la lex mercatoria, il faut dire que l'ordre public transnational puise ses sources et son contenu dans tous les ordres juridiques et affirme des valeurs communes au plus grand nombre d'Etats et d'acteurs de la vie économique.

D'un autre point de vue, selon M. P. Lalive, la remarquable convergence des jurisprudences nationales et des pratiques internes, d'une part, et de l'autre, la consécration des mêmes principes par des instruments internationaux comme la loi-modèle de la C.N.U.D.C.I. suffisent à établir que les principes en cause font partie de l'ordre public transnational164(*).

2. Le contenu controversé de l'ordre public transnational

Tant que la notion d'ordre public transnational est encore embryonnaire165(*), son contenu est également controversé. Alors selon M. Lalive, seuls les principes « jouissant, vu leur importance, d'une force et d'une impérativité particulières, mériteront d'être considérés comme constituant le concept d'ordre public transnational166(*) ». Pour préciser, on va étudier trois hypothèses à titre d'exemple :

En premier lieu, si on part de l'idée que l'arbitre ne doit pas pouvoir consacrer par sa sentence une solution choquante ou immorale, il est légitime de considérer que les premiers principes devant être inclus dans l'ordre public transnational sont les Droits de l'Homme, c'est-à-dire des principes fondamentaux, absolument essentiels et qui ne sont pas propres au commerce international. C'est la raison pour laquelle l'arbitre doit interdire une situation d'esclavage ou une discrimination raciale. Sur ce point, la volonté des parties investissant le pouvoir de l'arbitre ne peut en rien justifier une atteinte à de telles valeurs167(*).

En second lieu, des principes plus circonstanciés et propres au monde du commerce international peuvent également être défendus par l'ordre public transnational. Par exemple, l'arbitre international doit prohiber la corruption. Le point de départ en la jurisprudence est la célèbre sentence du Président Lagergren168(*) dans laquelle l'arbitre considère la corruption comme étant « un mal international contraire aux bonnes moeurs et à un ordre public international commun à la communauté des nations ». De cette manière, la prohibition de la corruption est un principe d'ordre transnational.

En troisième lieu, la question de la capacité de l'Etat à compromettre est également à citer ici. En raison de sa loi nationale, il serait incapable de compromettre. Dans cette hypothèse, l'ordre public transnational va intervenir et interdire à cet organisme d'invoquer son incapacité pour s'opposer à une clause compromissoire, au nom de la bonne foi169(*).

Finalement, il existe d'autres points qui sont encore plus controversés faisant l'objet du débat doctrinal et jurisprudentiel, ce qui constitue une source d'incertitude sur le contenu de l'ordre public transnational. Par voie de conséquence, certains principes sont affirmés de manière nette alors que le statut de certains d'autres peut prêter à discussion170(*).

B. Application de l'ordre public transnational

1. La fonction de l'ordre public transnational

D'une manière générale, et par rapport au droit applicable au fond du litige, cet ordre public remplit deux fonctions importantes. Selon la conclusion de M. Lalive, dans son étude consacrée à l'ordre public transnational en matière d'arbitrage international, il affirme que ces deux fonctions sont celle négative (fonction d'éviction) et celle positive (application directe des principes fondamentaux réellement internationaux)171(*). Il s'agit donc d'une dualité de fonctions de l'ordre public transnational.

En ce qui concerne la première fonction qui est la fonction négative, il a pour effet, à l'égard de l'arbitre, d'écarter le cas échéant, les lois ou règles normalement applicables, en vertu du choix des parties ou d'un rattachement objectif172(*) ou on peut dire qu'il s'agit d'évincer la loi normalement applicable.

Pour cela, l'ordre public transnational est la transposition à l'arbitrage international de l'ordre public connu en droit international privé étatique. Ainsi, l'arbitre doit prêter attention à l'appréciation des circonstances en l'espèce car il ne doit pas se contenter d'une contrariété abstraite à l'ordre public transnational. Cela veut dire qu'il n'évince une loi que si les résultats de son application portent atteinte à l'ordre public transnational. Sur la question d'actualité de l'ordre public transnational, le juge arbitral devrait prendre en compte la conception de  l'ordre public transnational au moment où il statue et non pas au moment où les droits litigieux se sont constitués. Finalement, dès que l'arbitre n'est rattaché à aucun for, la question est de savoir quelle loi va se substituer à la loi évincée. La réponse en est que c'est l'ordre public transnational lui-même qui sert de norme de substitution, c'est-à-dire que l'ordre public transnational va remplir à la fois, une fonction négative et une fonction positive173(*).

En ce qui concerne la fonction positive de l'ordre public transnational, certains auteurs s'accordent pour lui donner la fonction d'une véritable règle matérielle. Dans ce cas, il s'applique de manière positive, soit à titre autonome, soit à titre du droit de substitution à la loi évincée. Selon M. Lalive, le rôle principal de l'ordre public transnational est d'influencer directement et positivement la décision des arbitres, dans les cas où sont en cause des notions fondamentales et universelles de moralité contractuelle ou les intérêts fondamentaux du commerce international174(*).

Deux hypothèses sont d'envisageable. Premièrement, lorsque les parties n'ont pas choisi la loi applicable au fond de leur litige, l'ordre public transnational va pouvoir s'appliquer mais il joue un rôle mineur, voire inutile. Il s'applique en tant qu'usages de commerce ou règles matérielles adaptées aux besoins du commerce international. Dans l'hypothèse inverse, la loi étant choisie par les parties, mais elle est contraire à l'ordre public transnational. Cet ordre ne peut pas agir directement, il n'agit que sur le mode de l'éviction et on devait considérer que la référence faite à la lex mercatoria a été de pure forme175(*).

2. La place de l'ordre public transnational

L'ordre public transnational tient une place importante dans le domaine du commerce international parce qu'il est à la fois supérieur à la volonté des parties et aux droits étatiques. Il se peut que la doctrine envisage l'éventuelle contrariété des normes de la lex mercatoria à l'ordre public transnational.

Par rapport aux droits étatiques, il peut porter atteinte a priori à la souveraineté de l'Etat qui a édicté la loi évincée par cet ordre à vocation international. Mais, la tendance à l'universalité de l'ordre public transnational lui donne une force, une légitimité, permettant à celui-ci de primer un droit étatique contraire. Quelques d'autres raisons en sont que cet ordre a pour objectif de faire prévaloir dans le commerce international une éthique ou une morale qui ne saurait tolérer une quelconque contrariété. Et pour la dernière raison, le juge arbitral est le juge du droit commun des affaires internationales qui doit faire prévaloir les intérêts du commerce international en écartant les lois nationales qui ne correspondraient pas à ceux-ci176(*).

Par rapport à la volonté des parties, l'ordre public transnational y est également supérieur quand bien même que leur volonté joue un rôle majeur dans la détermination de la loi applicable. Deux aspects sont à noter. Tout d'abord, l'arbitre a le pouvoir d'appliquer l'ordre public transnational de sorte qu'il peut évincer la volonté des parties par l'annulation du contrat ou de l'une de ses clauses. Ensuite, il a le pouvoir de soulever d'office quant à la détermination de l'arbitrabilité du litige177(*).

En raison de l'évolution de l'arbitrage international, il faut reconnaître aux tribunaux étatiques la faculté de se forger une conception « universelle » des principes fondamentaux de procédure arbitrale internationale et si nécessaire, une compétence aussi « universelle leur permettant de les faire respecter178(*).

Finalement, il se dit que la suppression de toute révision au fond par les juridictions étatiques, solution adoptée par les instruments internationaux et la plupart des législations étatiques, renforce le statut particulier de l'arbitre international, sous réserve du respect de l'ordre public179(*). On démontra ci-après que l'absence de limite a priori au principe d'autonomie du droit applicable trouve pour contrepartie le contrôle judiciaire exercé sur la sentence.

* 154 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999, p. 234.

* 155 Francis MEGERLIN, Ordre public transnational et arbitrage international de droit privé, essai critique sur la méthode, 2002. p. 8.

* 156 Nicolas NORD, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p. 146.

* 157 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 65.

* 158 P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. 323. p. 361.

* 159 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p. 355.

* 160 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p. 365.

* 161 Nicolas NORD, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p. 148.

* 162 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international », Fasc. 534-2, J-CL éditions techniques 1992. p. 20.

* 163 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999 p. 363.

* 164 P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. 323. p. 349.

* 165 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p. 376.

* 166P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. 323. p. 334.

* 167 Nicolas NORD, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p. 149.

* 168 Sentence CCI n° 1110 (1963), rapportée par Lew Applicable Law in International Commercial Arbitration : A study in Commercial Arbitration Awards, Dobbs Ferry, N. - Y., Oceana Publications, Inc./ Sitjthoff & Noordhoff International Publishers BV, 1978, p ; 553 - 555.

* 169 Nicolas NORD, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p. 150.

* 170 Nicolas NORD, Ordre public et lois de police en droit international privé, thèse pour le doctorat en droit, 2003. p. 151.

* 171 P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. 323. p. 365 et s.

* 172 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international », Fasc. 534-2, J-CL éditions techniques 1992. p. 20.

* 173 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. p. 420 et s.

* 174 P. Lalive, « Ordre public transnational (ou réellement international) et arbitrage international », Rev. Arb. 1986. 323. p. 366.

* 175 Marie-Noëlle JOBARD-BACHELLIER, « Ordre public international », Fasc. 534-2, J-CL éditions techniques 1992. p. 22.

* 176 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. pp. 426 et 427.

* 177 Jean-Baptiste Racine, L'arbitrage commercial international et l'ordre public, LGDJ, 1999. pp. 429 et 430.

* 178 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 66.

* 179 Homayoon Arfazadeh, Ordre public et arbitrage international à l'épreuve de mondialisation, LGDJ, 2005. p. 50.

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