Pour ce qui est de la procédure applicable, la
proposition de LO, prévoit expressément l'applicabilité
des règles du droit commun. Il s'agit des règles ordinaires de la
procédure applicable devant la cour constitutionnelle pour tout ce qui
concerne l'instruction, l'audience et l'exécution de l'arrêt comme
le dispose l'article 84 de la proposition de LO. Nous n'évoquerons donc
pas ces règles de procédures ordinaires devant la cour
constitutionnelle que nous avons déjà évoquées
partiellement et nous aurons l'occasion de les aborder de nouveau lors du
dernier chapitre.
Le préalable à la procédure est bien
entendu, la saisine de la cour dans les conditions exceptionnelles
précédemment évoqué.
Nous allons dans ce paragraphe d'une part voir le rôle
essentiel du procureur de la république
près la cour
constitutionnelle qui est le principal acteur de la procédure(A)
, ensuite nous
parlerons du rôle des officiers de police judiciaire et
des effets de la poursuite pénale (B) contre
90
le président de la république et le premier
ministre .
A) Une procédure concentrée entre les
mains du procureur général
Si la constitution de 2006 a elle même définie
les actes susceptibles d'entraîner des poursuites pénales contre
les deux têtes de l'exécutif, elle a laissée le choix au
législateur organique d'en définir la procédure. C'est
l'objet des articles 78 à 86 de la proposition de LO.
L'acteur essentiel dans cette procédure, c'est le
procureur près la cour constitutionnelle. C'est lui en vertu de
l'article 78 LO, qui assure l'exercice de l'action publique dans les actes
d'instruction et de procédure pour les infractions commises par le
président de la république ou le premier ministre dans l'exercice
de leurs fonctions ou à l'occasion de celle-ci, ainsi que les coauteurs
ou complices. Il ressort de cet article que ce magistrat du parquet est le
dépositaire de la procédure pénale devant la cour
constitutionnelle.
En effet, il a pour mission de recevoir les plaintes, les
dénonciations et de réunir tous les éléments
probatoires. En outre, il doit entendre toute personne susceptible de
contribuer à la manifestation de la vérité âpres les
investigations qu'il aura lui même menée. Si il estime que les
faits reprochés au président de la république ou au
premier ministre sont établis ; il adresse un réquisitoire aux
présidents de l'assemblée nationale et du sénat, aux fins
d'obtenir la décision de poursuite en vertu de l'article 81 LO.
Si les parlementaires sont convaincus par le
réquisitoire du procureur général, ils adoptent la
poursuite aux termes prévus par l'article 77 LO. A la suite de cet
accord, le procureur général près la cour
constitutionnelle peut prendre des mesures coercitives notamment l'audition de
l'intéressé ou son arrestation éventuelle.
Dans un second temps , la fin de l'instruction
préparatoire , si le procureur estime devoir traduire le prévenu
devant la cour constitutionnelle , il adresse un nouveau réquisitoire
aux présidents des deux chambres aux fins de solliciter la mise en
accusation du président ou du premier ministre , conformément
à l'article 83 LO .
91 Au début du mémoire, la question de la
nécessité d'instituer un parquet près la cour
constitutionnelle s'est posée. Mais, au regard du rôle
assigné au parquet dans le cadre de la procédure pénale
des deux têtes de l'exécutif, cette présence est au moins
partiellement justifiée .Mais quelques interrogations demeurent :
D'abord, l'indépendance du parquet vis-à-vis du
pouvoir exécutif n'est pas clairement garantie. Comment expliquer qu'en
vertu de l'article 11 LO, l'ensemble des collaborateurs du parquet soient
nommés par ordonnance présidentielle et de manière
discrétionnaire ?
Ensuite, le procureur général et les deux
avocats généraux sont nommés conformément au statut
des magistrats, pour un mandat de six ans par ordonnance du président de
la république mais cette fois-ci sur proposition du CSM, c'est ce qui
ressort de l'article 13 LO.
Deux points nous paraissent discutables :
D'une part, le mandat des magistrats du parquet
n'était-il pas mieux de faire coïncider leurs mandats à ceux
des autres magistrats c.-à-d. neuf ans ? , un mandat long est toujours
un gage d'indépendance.
D'autre part, c'est en réalité le CSM qui
décide pour la carrière des magistrats ordinaires, vu la
composition du CSM clairement à l'avantage du pouvoir exécutif,
se poser la question de l'indépendance du parquet n'est pas anodine.
Seule la pratique nous prouvera si nos inquiétudes
furent fondées ou non. Mais d'ores et déjà, il nous
paraît difficile pour le procureur général près la
cour constitutionnelle de mettre en ouvre les nombreuses prérogatives
que lui confère la proposition de LO en matière de la
responsabilité pénale du président de la république
et du premier ministre.
B) Le rôle des officiers de police judiciaire
et les effets de la condamnation
92 d'agent public dont le rôle est primordial. Il est
aussi important de voir, quels sont les effets d'une éventuelle
condamnation de l'un ou l'autre tenant du pouvoir exécutif.
a) Les officiers de police judiciaire,
détenteur d'un rôle difficilement réalisable
En vertu de l'article 79 LO, ils peuvent, a l'instar du
procureur général, recevoir une plainte ou une
dénonciation à charge contre le président de la
république ou du premier ministre.
Ils peuvent aussi de leur propre chef, constater des faits
infractionnels à charge contre les autorités politiques
précédemment cités.
Dans les deux cas, ils ont une obligation positive et une
obligation négative :
L'obligation positive consiste à transmettre au
procureur général près la cour constitutionnelle, les
plaintes, accusations ou encore le constat de faits infractionnels à
charge contre le président de la république ou le premier
ministre.
L'obligation négative consiste à s'abstenir de
poser tout acte autre que la transmission des plaintes, accusations ou constat
de faits infractionnels à charge du président de la
république et du premier ministre au procureur général
près la cour constitutionnelle.
Quant à l'article 80 LO, il autorise les officiers de
police judiciaire en cas de flagrant délit, s'ils sont saisis,
d'accomplir tous les devoirs requis par le droit commun. L'article 80 pose
toutefois une limite à cette action : elle ne doit aller jusqu'à
des actes privatifs et restrictifs de liberté. Il doit aussi transmettre
les procès verbaux au procureur général.
Cependant, un officier de police judiciaire a t-il
l'autorité nécessaire pour interroger un président de la
république ou un premier ministre ? Peut-on appliquer des règles
de droit commun au président de la république ou au premier
ministre, même en présence d'un cas de flagrant délit ? Par
ailleurs, l'officier de police judiciaire est un fonctionnaire du
ministère de l'intérieur à ce titre soumis
hiérarchiquement aux deux autorités, il lui sera donc difficile
d'outrepasser ces règles.
Pour ces différentes raisons, il nous paraît
difficile pour un officier de police de judiciaire, même
93
en présence d'un cas exceptionnel, de faire usage de ses
prérogatives.
b) Les effets de la condamnation
L'engagement de la responsabilité pénale du
président de la république ou du premier ministre est d'abord un
acte politique, puisqu'elle est conditionnée par une approbation
parlementaire. La cour constitutionnelle est donc la seule compétente
pour autoriser la détention préventive. Qui peut être
remplacée par l'assignation à résidence surveillée,
en vertu de l'article 82 LO.
Le principal effet de la condamnation, est la
déchéance des charges, prononcée exclusivement par la cour
constitutionnelle.
En présence d'une telle situation, c'est la
procédure de la vacance de pouvoir prévue par la combinaison des
articles 75 et 76 de la constitution et l'article 92 LO qui est suivie.
Le président de la république ou le premier
ministre en cause peut être remis en liberté conditionnelle. Mais
une telle décision ne peut être prise que par le nouveau
président de la république élu, en suivant les
modalités de droit commun.
Toute la difficulté dans ce régime, réside
dans la conciliation à tous les niveaux des règles de
procédure pénale ordinaire aux règles spécifiques
prévues pour les deux têtes de l'exécutif.
Paragraphe 3: Le régime de la
responsabilité pénale de l'éxectuif en RDC
confronté aux autres régimes
Les constitutions modernes, accordent de façon presque
unanime, un statut protecteur aux autorités politiques qui ont la charge
de l'Etat. Il s'agit le plus souvent, de privilège juridictionnel, pour
le gouvernement et parfois des parlementaires. Le régime mise en place
en
RDC ne déroge pas à cette règle.
C'est pourquoi ce paragraphe consistera en une confrontation
entre les différents régimes
existant, d'abord en Afrique : au
Congo Brazzaville et au Bénin (A), ensuite en Europe ou
nous
94 nous baserons sur un rapport du sénat
français (B). L'objectif étant de souligner les
divergences et les convergences entre les différents systèmes.
A) La responsabilité pénale de
l'exécutif en RDC comparée aux régimes existants au Congo
et au Bénin
Le titre X de la constitution congolaise140
institue un organe spécifique, chargé de juger les hautes
personnalités de l'Etat. Contrairement à la RDC ou c'est la cour
constitutionnelle qui est compétente pour juger le président de
la république et le premier ministre. Le voisin d'en face 141 a choisi
de s'inspirer du titre X de la constitution française de
1958142 en créant un organe spécifique: la haute cour
de justice , pour juger d'une part le président de la république
en cas de haute trahison et d'autre part , elle est juge des parlementaires ,
des membres de la cour suprême , des membres de la cour constitutionnelle
et les membres du gouvernement pour des actes qualifiés de crimes ou de
délits commis dans l'exercice de leurs fonctions en vertu des articles
152,153,154 et 155 de la constitution congolaise de 2002.
Il convient de souligner , qu'au Congo , l'ensemble des
autorités politiques et judiciaires sont justiciables devant la haute
cour de justice alors qu'en RDC , ce contentieux est reparti entre la cour
constitutionnelle(président de la république et premier ministre
) et la cour de cassation (pour les restes des membres du gouvernements et les
parlementaire ).
Toutefois, en RDC comme au Congo, pour engager la
responsabilité pénale des membres de l'exécutif, il faut
la réunion d'une majorité de deux tiers du parlement réuni
en congrès. Alors que dans le système mis en place en RDC , les
textes ne disent rien sur le juge compétent pour juger des membres de la
cour constitutionnelle ou autres hauts magistrats , au Congo , c'est à
la haute cour de justice que revient ce privilège .
140 Constitution de la république du CONGO,
adoptée en janvier 2002.
141 La RDC et le CONGO sont séparés par le fleuve
Congo de sortes que Brazzaville et Kinshasa sont les deux capitales les plus
proches du monde.
142 Ce titre porte sur la responsabilité pénale
des membres du gouvernement.
95 Au Bénin, le système est plus proche du
Congo que de la RDC. Il existe aussi un organe spécifique chargé
d'engager la responsabilité pénale du président de la
république et des membres du gouvernement. Comme dans les deux autres
pays, une majorité de deux tiers est requisse pour engager de telle
poursuite. Cependant, l'innovation au Bénin se situe au niveau de la
définition des infractions et de l'instruction. Pour ce qui est de la
définition des infractions, elle résulte des lois pénales
en vigueur à l'époque des faits. Ensuite, concernant
l'instruction, elle est menée par les magistrats de la chambre
d'accusation de la cour d'appel ayant juridiction sur le lieu du siège
de l'assemblée nationale.
Au regard de la confrontation de ces deux systèmes
avec celui mis en place en RDC, il faut souligner une réelle influence
du système français régis par les titres IX et X de la
constitution de 1958. Même si concernant, la responsabilité
pénale du président de la république, elle avait fait
l'objet d'une modification lors de la révision constitutionnelle de
février 2007. Les points communs restent nombreux :
la compétence d'un organe spécifique (sauf en
RDC); l'immunité juridictionnelle pendant l'exercice des mandats (sauf
au Bénin , ou la constitution distingue les actes détachables de
la fonction );
Enfin l'obligation d'une approbation parlementaire à une
majorité de deux tiers réunis en congrès avant d'engager
des poursuites .
On le voit , une fois de plus , les recettes imaginées
en France 1958 ont été bien reproduit dans l'ancien empire
colonial , mais il faut souligner le souci des constituants africains de
vouloir innover en gardant la structure: c'est le cas au Bénin avec la
compétence des magistrat de la cour d'appel d'accusation et en RDC ou
l'originalité est encore plus vrai, en confiant au juge constitutionnel
, le soin de juger les deux têtes de l'exécutif .
B) Le régime de la responsabilité
pénale de l'éxecutif en RDC confronté aux régimes
Occidentaux
Dans une étude effectuée par les services du
sénat français143portant sur dix pays
européens144 en 2001, il en ressort que dans les monarchies
constitutionnelles, les souverains jouissent d'une immunité absolue et
la responsabilité du premier ministre relève parfois d'une
procédure dérogatoire au droit commun pour les infractions
commises dans l'exercice de ses fonctions. Tandis que, pour les autres
infractions, elle est partout, sauf en Belgique engagé selon la
procédure de droit commun.
Il convient de souligner la différence avec la RDC, ou
comme en France, le président de la république, jouit d'une
immunité juridictionnelle pour les actes commis en dehors de l'exercice
de sa fonction.
Cette immunité a pour conséquence, la suspension
de toute poursuite jusqu'à l'expiration du mandat à souligner
qu'en RDC, le délai de prescription arrête de courir.
A la différence des monarques, les présidents
de la république ne jouissent pas d'une immunité absolue, mais
ils bénéficient d'un régime dérogatoire au droit
commun tant pour les infractions commises dans l'exercice des fonctions
présidentielles que pour les autres.
Deuxième différence avec le régime mis
en place en RDC, car dans ce pays , le constituant ne dit rien d'autre sur les
infractions commises en dehors de l'exercice de la fonction que les poursuites
ne sont pas impossible après l'exercice du mandat , ce qui nous
amène à penser qu'en présence d'une telle situation, c'est
le régime de droit commun qui devra s'appliquer comme en France ou
après le mandat le président redevient un citoyen ordinaire
145.
143 La responsabilité pénale des chefs d'Etats et
de gouvernement, paris, service des affaires européennes du sénat
2001. Disponible sur site : www.senat.FR .
144 Il s'agissait de l'Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark,
Espagne , Grèce , Italie , Pays-Bas, Portugal, et Royaume-Unis .
145 L'ex président CHIRAC a été entendu
comme témoin assisté le 19 juillet 2007, dans le cadre de
l'affaire des emplois fictifs du RPR.
Dans chacune des cinq républiques examinées par
l'étude, la responsabilité pénale du président de
la république pour les infractions commises dans l'exercice de ses
fonctions ne peut être mise en cause seulement après que le
parlement ait adopté une décision de mise en accusation.
L'approbation parlementaire avant toute action existe dans presque tous les
systèmes étudiés, c'est donc assez logiquement que le
constituant congolais l'a adoptée.
Il convient de distinguer l'étendue de la
responsabilité pénale du président de la république
selon les pays. De même, la juridiction compétente est soit une
juridiction ad hoc comme en Grèce 146 ou en Italie 147 , soit
la cour constitutionnelle comme en Allemagne ou en Autriche, à noter que
la RDC s'est inspirée de ces deux pays pionniers du constitutionnalisme
en Europe ; il s'agit parfois de la juridiction suprême de l'ordre
judiciaire comme au Portugal.
Quant aux infractions commises hors de l'exercice des fonctions
présidentielles, le président de la république est dans
ces cinq Etats soumis à un régime dérogatoire.
En définitive , le système mise en place en RDC,
n'innove pas véritablement puisque que l'on retrouve les bribes de ce
système dans les démocraties occidentales.
CHAPITRE III- LA PROTECTION DES DROITS DES CITOYENS
AU COEUR DE L'ACTION DE LA FUTURE COUR
Les conditions d'accès au juge et l'observation des
règles d'organisation des recours sont au coeur da la science du droit
et de l'effectivité de la règle de droit 148 . H.
Kelsen , théoricien du modèle de justice constitutionnelle
concentrée, l'avait compris , qui écrivait en 1928 « la
question du mode d'introduction de la procédure devant le tribunal
constitutionnel a une importance primordiale : c'est de sa solution que
dépend principalement la mesure dans laquelle le tribunal
146 Cette commission ad hoc est composée de hauts
magistrats de l'ordre judiciaire.
147 La commission ad hoc est composée des membres de la
cour constitutionnelle et des citoyens .
constitutionnel pourra remplir sa mission de garant de la
constitution »149 garantir le respect de la constitution,
c'est assurer le respect et la défense des droits fondamentaux des
citoyens .
La protection des droits et des libertés des citoyens
est, à l'évidence une idée neuve en RDC Comme la cour
constitutionnelle elle même d'ailleurs. En effet, dans l'histoire
constitutionnelle de ce pays, le constituant de 2006 est le seul qui donne une
place centrale aux citoyens pour mieux défendre leurs droits devant un
juge suprême constitutionnel.
Dans cette constitution, le contentieux des droits
fondamentaux est tout entier compris dans le recours constitutionnel. Qui vise
à empêcher l'Etat d'empiéter sur la sphère
d'autonomie des particuliers ou sur celle des provinces. Quiconque s'estime
lésé dans ses droits fondamentaux, peut ainsi
déférer à la cour constitutionnelle : l'acte
administratif, le règlement, la loi ou même une décision
juridictionnelle fautive150.
De ce fait, le juge constitutionnel est élevé
au rang de « défenseur des droits fondamentaux veille à
leurs respect à son initiative ou sur saisine de toute personne
»151 cet extrait d'un article proposé par le
comité Balladur n'a pas été adopté, puisque le
conseil constitutionnel Français ne peut toujours pas s'auto saisir. La
cour constitutionnelle congolaise est dans la même situation.
En l'absence d'un mécanisme d'auto saisine, l'on peut
penser que la cour ne pourra assurer sa mission aisément ; toutefois, le
constituant congolais a pris soin de rendre le droit de contestation accessible
à tous (I) par ailleurs , la protection des droits des
citoyens passe aussi
par la mise en place d'un véritable procès
constitutionnel (II) .