A - L'exequatur, instrument de collaboration des procedures
collectives et arbitrales
218. En principe, la sentence arbitrale a vocation à
s'appliquer spontanément car les parties ont librement choisi de
recourir à l'arbitrage. Et le principe pacta sunt servanda
combiné à l'autorité de la chose jugée de la
sentence, suffit le plus souvent1 à ce que les parties
exécutent sans contrainte la sentence. En effet, les parties se sont
elles-mêmes engagées à exécuter leur convention, il
convient donc qu'elles s'y astreignent, d'autant plus que leur litige ne pourra
pas être rejugé dans un autre procès. Mais parfois, une
partie insatisfaite par la sentence prononcée par l'arbitre refuse de
l'exécuter. Dans ce cas, étant donné que la sentence n'a
pas force exécutoire, l'arbitre, contrairement au juge, est dans
l'impossibilité d'ordonner l'exécution de sa décision ou
de prononcer une astreinte. La partie la plus diligente ou l'arbitre pourra
alors déclencher la procédure d'exequatur.
219. L'exequatur est défini comme la décision
par laquelle l'autorité compétente donne force exécutoire
à la sentence arbitrale2. Elle consiste en l'apposition sur
la sentence de la formule exécutoire. Si le juge accorde l'exequatur, sa
décision n'a pas à être motivée3 mais
s'il le refuse, il doit s'en expliquer4. Selon le Professeur
Dominique Vidal cette distinction n'est pas anodine, << on peut y voir
une présomption favorable à la conformité de la sentence
aux exigences d'exequatur5 È.
Le juge de l'exequatur a aussi la possibilité de
prononcer un exequatur partiel, n'accordant ainsi force exécutoire
qu'à une partie de la sentence. Cette solution mesurée peut
être opportune. Elle a pour effet de ne pas neutraliser totalement
l'efficacité de la sentence arbitrale tout en faisant respecter les
règles qu'elle estime que l'arbitre ne peut pas méconna»tre.
Ainsi, lorsque des règles d'ordre public international des
procédures collectives ont été méconnues,
l'exequatur partiel permet d'atténuer les rigueurs du droit
français6.
1 << L'expérience enseigne que près de 85 %
des sentences sont exécutées spontanément È. D.
Vidal, op. cit, n° 433.
2 En ce sens, D. Vidal, op. cit., p. 263.
3 Selon une interprétation a contrario de l'art 1478
NCPC.
4 Art 1478 al 2 NCPC : << L'ordonnance qui refuse
l'exequatur doit être motivée È.
5 D. Vidal, op. cit., p. 265, n°439.
6 En ce sens, J.-B. Racine, op. cit., p. 504, n° 905.
220. En vertu de l'article 1488 alinéa 1 du nouveau
Code de procédure civile1, la décision accordant
l'exequatur n'est susceptible d'aucun recours mais l'inverse n'est pas vrai, un
recours est possible contre la décision refusant
l'exequatur2. On peut en conclure que la prédominance du juge
étatique est une fois de plus consacrée puisqu'il peut seul
conna»tre d'un recours. Mais comme sa décision n'est incontestable
que si elle donne force exécutoire à la sentence arbitrale,
parallèlement on manifeste la volonté de donner force aux
décisions arbitrales dès lors que le juge de l'exequatur approuve
la solution. Car si la sentence arbitrale ne se voit pas accorder force
exécutoire, il sera toujours possible de contester la décision du
juge de l'exequatur. Sa prédominance n'est donc pas totale et met en
exergue la volonté du législateur de tout mettre en oeuvre pour
finalement faire primer la sentence arbitrale, sauf si le juge de l'exequatur
persiste à l'écarter.
Ce raisonnement est confirmé par le fait qu'il est en
principe facile d'obtenir l'exécution forcée de la sentence
arbitrale, du moins comparé à l'exécution forcée
d'une sentence judiciaire, car << le consentement de la sentence est
moins contraignant3 È.
221. L'exequatur ne change pas la nature juridique de la
sentence arbitrale mais la rend exécutoire et en permet
l'exécution forcée. Néanmoins, au préalable, le
juge de l'exequatur doit effectuer un contrôle de la sentence. Tout
d'abord, il doit vérifier qu'il s'agit bien d'une sentence arbitrale,
puis il devra en contrôler la conformité. Il vérifiera
l'apparente régularité de la sentence, en s'attachant tout
particulièrement à sa conformité à l'ordre public.
Mais, si tel n'est pas le cas, il ne peut pas réviser la sentence au
fond et se contentera de refuser l'exequatur4.
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