A - Consécration jurisprudentielle du principe
d'estoppel comme garantie de loyauté
235. Le terme anglo-saxon d'estoppel correspond à un
principe procédural en vertu duquel nul ne peut se contredire au
détriment d'autrui. Une partie ne peut donc pas se prévaloir de
prétentions contradictoires qui porteraient préjudice à
ses adversaires. Ce concept de la common law a fait progressivement son
entrée en droit français. Aujourd'hui, le juge judiciaire
n'hésite plus à recourir, dans des hypothèses de plus en
plus variées à la règle de l'estoppel.
236. Dans un arrêt du 6 mai 20091, la Cour
de Cassation fait une nouvelle application du principe d'estoppel2
dans le cas oü une procédure d'arbitrage et une procédure
collective coexistent. Elle considère que lorsque l'absence du
liquidateur à la procédure arbitrale résulte de sa seule
volonté, la règle de l'estoppel lui interdit de contester par
ailleurs la régularité de l'arbitrage. De ce fait, la
renonciation à un droit et le principe d'estoppel peuvent avoir le
même champ d'application.
En l'espèce, le liquidateur était
informé du déroulement de la procédure arbitrale mais il
s'était volontairement abstenu d'y participer afin de se constituer un
motif de refus d'exequatur de la sentence. Mais la Cour de Cassation refuse de
donner gain de cause à ce comportement de mauvaise foi. Elle
considère que le liquidateur, en n'invoquant pas dans les meilleurs
délais son grief, renonce de ce fait à l'invoquer
ultérieurement3. Puisqu'il renonce volontairement à
agir, il ne pourra pas se contredire par la suite. Et il importe peu que la
règle de l'estoppel n'est pas été débattue
contradictoirement par les parties dès lors que le principe même
du contradictoire n'est pas remis en cause4.
Ainsi, la Haute juridiction déclare : Ç
dès lors que les domaines d'application respectifs de la règle de
l'estoppel et du principe de contradiction peuvent, dans certains cas,
être identiques et qu'il appartient au juge de l'annulation de faire
respecter la loyauté procédurale des parties à
l'arbitrage, c'est sans violer le principe de contradiction que la Cour d'appel
a qualifié d'estoppel l'attitude procédurale du liquidateur
È.
237. Ce principe procédural selon lequel nul ne peut
se contredire au détriment d'autrui est ici consacré comme un
gage de loyauté de la procédure arbitrale5. Il
s'impose à toutes les parties à l'arbitrage, y compris aux
organes de la procédure collective ouverte concomitamment. Il en
1 Cass. Civ. 1re, 6 mai 2009 - Mandataires judiciaires
associés c/ Sté International Company for Commercial Exchanges
Income - n°08-10.281.
2 En ce sens, D. Mouralis, LPA, 21 juillet 2009 n° 144,
IV,in Chronique de droit de l'arbitrage n° 5, T. Clay.
3 En ce sens, E. Loquin, RTD Com. 2009, p. 547.
4 cf supra, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, Sous-section
2, §1.
5 En ce sens, X. Delpech, D. 2009, AJ, p.1422.
résulte une affirmation de l'efficacité de
l'arbitrage, qui ne peut être remise en cause par Ç les finesses
procédurales de certains mandataires de justice1 È.
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