CONCLUSION
275. L'ordre public est la clef de voute de la rencontre
entre arbitrage et procédure collective. Non seulement il intervient
pour définir la notion d'arbitrabilité d'un litige, mais il
s'immisce aussi dans la procédure d'arbitrage pour définir les
règles applicables au fond du litige. Enfin, il a un impact quant aux
critères déterminant l'étendu du contrôle de la
sentence arbitrale. Néanmoins, l'appréciation des règles
d'ordre public imposées par la présence d'une procédure
collective a évolué.
276. Tout d'abord, l'ordre public des procédures
collectives a été considéré comme insuffisant pour
exclure de ce seul fait l'arbitrage. Ainsi, l'arbitre peut conna»tre des
litiges sur lesquels les procédures collectives n'exercent pas
d'influence juridique. Cette solution est un premier pas qui tend à
rapprocher deux justices indépendantes et antagonistes. Il en
résulte une reconnaissance mutuelle des procédures collectives et
arbitrales.
277. Néanmoins, leur coexistence ne se fait pas sans
heurts. Car l'ordre public des procédures collectives s'impose à
l'institution d'arbitrage, donnant le sentiment que cette dernière est
écrasée sous son poids et privée de son
indépendance. Mais, s'il est vrai que les règles d'ordre public,
dont sont fortement empreintes les procédures collectives, s'imposent
à l'arbitrage, il n'en résulte pas pour autant une
prédominance totale de ces dernières. Certes, l'arbitrage doit
respecter les règles d'arrêt des poursuites, de déclaration
et de vérification de créances mais il ne s'en trouve pas pour
autant anéanti. Car si l'instance arbitrale est subordonnée aux
règles d'ordre public et perturbée par l'ouverture d'une
procédure collective, il n'en reste pas moins qu'elle survit.
278. De plus, au cours de ces dix dernières
années, la jurisprudence a renforcé le maintient des
procédures arbitrales face à l'ouverture d'une procédure
collective, en prévoyant notamment des cas d'incompétence du juge
commissaire au profit de la compétence arbitrale. L'arbitrage
résiste donc face à l'impérialisme des procédures
collectives.
279. Enfin, ces procédures ne se contentent pas de
coexister dans un rapport de force qui varie au profit de l'une ou de l'autre
selon le cas d'espèce. Dans certains cas, elles ne se confrontent plus
mais collaborent. Ainsi, l'échange d'informations entre les
procédures ainsi que le respect de règles supérieures
témoignent d'une coordination des procédures collectives et
arbitrales. En outre, c'est le juge judiciaire qui assure la pleine
efficacité de la sentence arbitrale en lui donnant force
exécutoire. Il en résulte, plus qu'une coordination, une
véritable complémentarité des procédures.
Cependant, leur conjugaison n'est pas totale car les contentieux
post-arbitraux reflètent encore la réticence à admettre
pleinement l'efficacité des sentences arbitrales dans le cadre
international.
280. On peut néanmoins conclure que l'arbitrage et les
procédures collectives ont su dépasser leurs divergences et leurs
défiances. Et l'évolution de leurs relations démontre que
le conflit qui semblait inévitablement en résulter tend à
se résorber. Il semble alors que leur opposition ne soit en
réalité qu'une Ç formalité préliminaire
à la réconciliation de deux ennemis1 È.
1 Définition du duel, Ambroise Bierce, Le dictionnaire du
Diable, éd. Rivages, 1989.
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