B - Objectifs et délai de l'interruption de
l'instance arbitrale
89. L'objectif de l'interruption de l'instance arbitrale en
cours, en cas d'ouverture d'une procédure collective, est donc double.
D'une part, l'interruption permet à l'organe compétent
chargé de surveiller, d'assister ou de représenter le
débiteur, d'être présent à l'instance
arbitrale5. D'autre part, elle impose aux créanciers de
déclarer leurs créances << ce qui permet de conna»tre
le passif du débiteur et de traiter tous les créanciers à
égalité6 >> mais aussi de défendre les
intérêts du débiteur de façon appropriée.
90. En outre, dès lors que l'instance arbitrale est en
cours lors de l'ouverture de la procédure collective, et si les
conditions précitées sont remplies, l'instance arbitrale doit
être suspendue mais
1 Art L 631-14 al1
C. Com: << Les articles L. 622-3
à L. 622-9, à l'exception de l'article L. 622-6-1, et L. 622-13
à L. 622-33 sont applicables à la procédure de
redressement judiciaire, sous réserve des dispositions qui suivent
>>.
2 Art L 641-3 al1
C. Com : << Le jugement qui ouvre la
liquidation judiciaire a les mêmes effets que ceux qui sont prévus
en cas de sauvegarde par les premier et troisième alinéas du I et
par le III de l'article L. 622-7, par les articles L. 622-21 et L. 622-22, par
la première phrase de l'article L. 622-28 et par l'article L. 622-30
>>.
3 P. Ancel, <<Arbitrage et procédures collectives
après la loi du 25 janvier 1985 >>, Rev. arb. 1987, p. 131.
4 D. Mouralis, L'arbitrage face aux procédures conduites
en parallèle, thèse Aix, 2008, p. 399.
5 On peut y voir, outre la prédominance des
procédure collectives qui interrompt l'instance arbitrale et permet
à certains organes de la procédure collective d'être
présent, un prémisse de coordination entre procédures
collectives et arbitrales.
6 D. Mouralis, op. cit.
seulement jusqu'à ce que le créancier ait
déclaré sa créance et qu'il en soit justifié aux
arbitres1. L'instance pourra reprendre immédiatement
après cette déclaration mais le tribunal arbitral ne pourra
statuer que sur le principe et le montant de la créance, sans pouvoir
condamner le débiteur. Cette interdiction consacrée par la
jurisprudence2, garantie le respect des objectifs de la
procédure collective, à savoir : tenter de sauvegarder
l'entreprise et traiter égalitairement les créanciers. Or si le
débiteur était condamné par l'arbitre à payer sa
dette, on méconna»trait le principe d'égalité des
créanciers.
91. On peut conclure que la paralysie de l'instance arbitrale
du fait de l'ouverture d'une procédure collective, même si elle
est limitée dans le temps, met en avant la primauté des
procédures collectives sur l'arbitrage en cours.
Mais il y a des cas oü la prédominance des
procédures collectives va encore plus loin. Elles ne se contentent pas
d'interrompre l'instance arbitrale, elles rendent le prononcé d'une
sentence impossible. Ainsi, une sentence3 a considéré
que l'ouverture d'une procédure collective réduisait à
néant l'objet de l'arbitrage contre une partie. En l'espèce, une
partie à un pacte d'actionnaires comportant une clause d'arbitrage est
contrainte, du fait de l'ouverture d'une procédure collective, de
céder ses actions et de mettre fin à sa participation au pacte.
Elle n'est donc plus partie au pacte et de ce fait, elle n'est plus partie non
plus à la convention d'arbitrage. Par conséquent, elle ne peut en
aucun cas faire l'objet d'une condamnation arbitrale.
Sous-section 2 : Les possibilités d'ouvrir une
instance arbitrale en cours de procédures collectives
encadrées
92. Lorsqu'une procédure collective est ouverte,
l'ouverture d'une instance arbitrale pose des difficultés. En effet, il
est en principe légalement impossible d'ouvrir une instance arbitrale en
cours de procédure collective, mais cette interdiction conna»t
néanmoins des dérogations. Aussi, convient-il d'examiner deux
hypothèses oü, au cours d'une procédure collective, est
manifestée la volonté d'ouvrir une instance arbitrale. Ainsi, les
organes de la procédure collective peuvent revendiquer leur
faculté de compromettre (1). Mais il se peut également qu'une
convention d'arbitrage conclue entre les parties existe préalablement
à l'ouverture d'une procédure collective. Dans ce cas, les
parties peuvent faire valoir, postérieurement à l'ouverture d'une
procédure collective, leur accord contractuel antérieur afin
d'obtenir l'ouverture d'une instance arbitrale (2). Il convient donc d'examiner
successivement les effets de la procédure collective dans ces deux
situations.
1 En ce sens, Ph. Fouchard, ÇArbitrage et faillite
È, Rev. arb. 1998, p. 488 et s.
2 Sentence CCI n° 7205, 1993, JDI 1993, p. 1054.
3 Sentence CCI, n°12452.
§ 1 La volonté des organes de la
procédure collective de compromettre en cours de procédure
collective
93. En principe, le Code de commerce interdit l'ouverture
d'une instance arbitrale en cours de procédure collective. Il en
résulte, pour les organes de la procédure collective, une
interdiction légale de compromettre en cours de procédure. Mais
cette interdiction est affaiblie (A). En effet, lorsqu'une procédure
collective est ouverte, les acteurs de cette procédure peuvent
manifester leur volonté de compromettre sur un litige qui ne serait pas
inarbitrable1. Mais cela ne signifie pas pour autant qu'ils aient
systématiquement la possibilité de compromettre.
Néanmoins, il existe une mesure d'habilitation du juge commissaire (B)
qui élargit considérablement la possibilité des organes de
la procédure collective de compromettre.
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