WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Le conseil constitutionnel et la continuité des services publics au Maroc

( Télécharger le fichier original )
par Anass KIHLI
Université Med premier Oujda - Master en Droit public 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Section 2 : Le principe de la continuité des services et la régulation

des pouvoirs publics

Le terme régulation signifie toute action ou activité qui vise à maintenir dans un état constant le milieu intérieur d'un système ou d'un organisme. Dans le cas de figure qui nous concerne : la régulation de l'activité normative des pouvoirs publics et les institutions politiques par le Conseil constitutionnel, ce dernier joue le rôle d'arbitre usant du juridique pour contrôler l'activité des protagonistes politiques. A force d'exercer de tel contrôle le juge constitutionnel devient de sa part un joueur dans l'échiquier de la rivalité, et la concurrence pour atteindre une position de domination procurant un pouvoir sur les autres : individus et institutions, mais les instruments et les outils dont il fait usage différent de ceux des autres acteurs.

Parler de la régulation des pouvoirs par un organe juridictionnel ou quasi-juridictionnel nous fait inéluctablement revenir au débat traditionnel entre le juridique et le politique, et la question de savoir qui détermine l'autre ? Surtout on est sur un terrain marécageux, le droit constitutionnel en l'occurrence. C'est la branche du droit qui demeure l'objet de revendication de la science politique. Pour l'illustration de l'idée nous citons l'exemple des tentatives de théoriser et de conceptualiser la régulation des pouvoirs publics par le Conseil constitutionnel qui étaient des tentatives plus au moins réussies.63(*) Pour ne pas verser dans la polémique de savoir qui prime sur l'autre pour l'étude de tel paradigme le juridique ou le politique, nous dressons la citation suivante : « Le juridique tient le politique en état, (en ce que) le fonctionnement du système politique dépend désormais de la manière dont fonctionnent un certain nombre de mécanismes juridiques et que l'on ne peut donc expliquer telle ou telle particularité constatée à tel moment sans faire référence à la combinaison et au jeu des règles juridique mais réciproquement, le politique tient le juridique en l'état, car les mécanismes juridiques ne peuvent produire leur effets régulateur qu'autant que subsistent le jeu politique et l'intérêt qu'il confère aux décision du Conseil »64(*).

La régulation en tant que phénomène de la vie politique n'à aucune existence juridique, mais affirmer sa négation pure et simple passe facilement pour de l'obsession pour les textes, personne ne peut nier l'existence des considérants ou des attendus du Conseil constitutionnel visant l'incitation, l'orientation ou la persuasion...etc. De telles pratiques ont pour objectif de sauvegarder le fonctionnement habituel du système ou modeler l'activité des pouvoirs publics pour les rendre conformes à un modèle, qui n'est autre que la constitution, bien sûr en incluant le bloc de constitutionnalité.

Parler de régulation suppose que le modèle est remis en cause par des manifestations nouvelles qui ne s'inscrivent pas dans a logique du système, ces manifestations peuvent être des dépassements de compétence, manquements aux obligations...etc. Donc le Conseil constitutionnel est un élément très important dans l'édifice juridique et institutionnel du pays, il joue le rôle de stabilisateur de l'ordre juridique et politique65(*).

Au Maroc, la fonction régulatrice est reconnue au Conseil constitutionnel, elle est exercée en vertu des articles 48 et 53 de la constitution. En effet, ces deux articles lui octroient la compétence de trancher les différends survenus entre le législatif et l'exécutif, en tranchant la question de tracer les frontières entre le domaine de la loi et celui du règlement, d'ailleurs cette mission est héritée de la chambre constitutionnelle de la cour suprême, devancière du Conseil constitutionnel, ce qui fait du Conseil une instance qui encadre et recadre le politique66(*).

Seulement il est à noter que dans le système politique marocain le Roi jouit d'un statut constitutionnel qui lui permet d'être au dessus des autres institutions, de ce fait il a exercé la mission de régulation des pouvoirs publics durant de longues années, c'est la mission dites arbitrage royal.68(*)

Une partie de la doctrine considère que le Roi, et de part l'article 19 de la constitution et le gardien effectif de la constitution, et que les missions dont il est investi le Conseil constitutionnel ne sont que des délégations du Roi, c'est l'avis notamment du professeur Abderahim ELMANAR ESSLIMI 68(*). Mais en ce qui nous intéresse dans ce cadre c'est que le Conseil constitutionnel est un régulateur des pouvoirs publics, et sa première décision dans ce cadre est celle relative au décret-loi instaurant une taxe sur l'installation des récepteurs des chaînes télévisées par satellites portant numéro 37-9469(*) d'emblée c'est une décision très connue qui a fait l'objet de plusieurs commentaires de doctrine, par laquelle le Conseil constitutionnel a rendu son verdict en donnant gain de cause aux députés qui l'ont saisi. Ce qui est regrettable dans cette décision c'est que la haute instance a raté l'occasion de se prononcer sur le fond, ce constat nous ramène à poser une question qui cible notre sujet et le touche dans son fin fond : le fait que le Conseil ne s'est pas prononcé sur le fond ne s'inscrit pas dans une logique de négociation et de résolution des différends politiques de manière diplomatique ? C'est-à-dire trancher le litige sans désigner ni un gagnant ni un perdant. S'interroger sur la légitimité d'une telle pratique ne relève pas de l'objet du présent mémoire, néanmoins cela nous ait utile dans la mesure où cela se présente comme la preuve tangible que la mission régulatrice fait partie intégrante des attributions du Conseil constitutionnel marocain.

Pour faire le lien entre le principe de la continuité des services publics, en tant que principe à valeur constitutionnelle qui fait l'objet d'étude de ce mémoire et la mission régulatrice du Conseil constitutionnel, nous répartissons la présente section en deux, la première poursuivra l'étude du déclassement législatif et la continuité des services publics, la deuxième sera consacrée à la technique usée par le Conseil constitutionnel lorsqu'il contrôle la constitutionnalité de la loi, dite l'incompétence négative.

Sous section 1 : Le déclassement législatif et la continuité des services publics

Le Conseil constitutionnel joue le rôle de régulateur des pouvoirs publics, notamment entre l'exécutif et le législatif, ainsi entre la majorité et l'opposition. Les alternances au sein du parlement font également l'objet de l'activité régulatrice du Conseil constitutionnel, par laquelle il soumit les ambitions partisanes à la logique de l'ordre juridique et constitutionnel. Ces ambitions nuisibles peuvent être des révisions ou des abrogations à la production normative de la formation parlementaire précédente, bien sûr à but politiste.70(*)

Au Maroc, la relation entre le parlement et le gouvernement n'est pas tout à fait claire et le fait de définir avec précision sa nature n'est pas une chose simple. Nous prenons à titre d'exemple le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs tellement chanté par les politiciens, il se trouve battu en brèches en matière de détermination des ressources financières nécessaires au fonctionnement de l'institution parlementaire. En effet, c'est une compétence de l'appareil gouvernemental, et ce par consécration du Conseil constitutionnel : « Considérant que la chambre des représentants, et celles des conseillers, et vu leur indépendance, elles jouissent de l'attribution de gérer leurs budgets. Par contre elles ne détiennent pas la compétence d'établir les dites indemnités (indemnités de leurs fonctionnaires) en dépit du fait qu'elles sont des services de l'Etat, car l'établissement de ces indemnités est soumis à l'opération d'évaluation et d'intégration dans le cadre de la loi des finances »71(*) .

A partir de ce considérant nous pouvons déduire qu'au Maroc la notion de la séparation des pouvoirs est un concept qui ne renferme pas la plénitude de son sens. D'ailleurs, le Roi incarne un quasi-monopole en ce qui concerne l'exercice des trois pouvoirs, à savoir : le législatif, l'exécutif et le judiciaire ; et les prérogatives dont jouissent les autorités qui ont la charge ne sont que des délégations royales72(*) .

Bien sûr c'est un propos à nuancer, l'admettre tel qu'il est dans un contexte d'écrit universitaire n'est pas admissible, ça serait signe et indice de naïveté. Néanmoins, un discours du Feu Hassan II justifie son inclusion : «  Je l'ai dit et je le répète toujours, en ce qui me concerne en tant que premier serviteur du Maroc, il n'existe pas de séparation des pouvoirs au Maroc, je suis le père de tous, du législateur comme de l'exécutif, je suis père du puissant et père du faible »73(*) c'est un propos du défunt Roi justifié peut être par les conditions politiques de l'époque et qui doit être lu dans son contexte, le juxtaposer en matière de déchiffrement des conditions politiques et sociales d'une époque qui est la notre, ne permet pas de rendre compte de la réalité des choses.

Dans le cadre qui nous intéresse, c'est-à-dire traiter le principe de la continuité des services publics en sa relation avec le déclassement législatif nous commenterons deux décisions du Conseil constitutionnel qui ont opéré dans le sens de changer un texte juridique pris sous forme législative par décret. La particularité de ces deux décisions c'est qu'elles interviennent à l'encontre de textes adoptés dans une période où le Maroc était sous l'emprise de l'article 35 de la constitution qui stipule de l'état d'exception. Le rapport au principe de la continuité des services publics se traduit par le fait que ces deux textes (décrets royaux) étaient pris par le Roi pour assurer la continuité du service public législatif.

La première décision porte le numéro 425-200074(*), sa procédure été déclenchée par une lettre du premier ministre par laquelle il demande au Conseil constitutionnel de changer le décret royal n°65.799 datant du 18 mars 1966 en vertu duquel il est créée une agence centrale de comptabilité des services diplomatiques et consulaires dépendant du ministère des affaires étrangères.

La haute instance a répondu favorablement à la demande du premier ministre en considérant que cette compétence ne fait pas partie de celles reconnues au domaine législatif, et ce en vertu de l'article 46 de la constitution qui dresse une liste limitative des compétences du domaine de la loi. De ce fait le Conseil affirme dans l'un des considérants de la décision : « Considérant qu'en prenant en considération ce qui a précédé, et conformément à l'article 47 de la constitution, les dispositions du décret royal n°65.799 précitées relève de la compétence du règlement... » En dépit de la réponse favorable du Conseil constitutionnel à la demande du premier ministre il a exclu du domaine du règlement les dispositions de l'article 7 dudit décret qui traite du régime des responsabilités des comptables de l'agence centrale de la comptabilité des services diplomatiques et consulaires, car l'établissement d'un tel régime est de la compétence de la loi (le domaine législatif) et cela en vertu de l'alinéa 2 de l'article 46 de la constitution. Pour l'illustration nous insérons le considérant qui traite de la question : « Considérant que les dispositions du premier alinéa de l'article 7 du décret royal en question stipulent de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics, de ce fait ces dispositions sont du domaine de la loi, conformément à la substance de l'article 46 de la constitution » remarquer l'habilité dont a fait preuve le Conseil constitutionnel n'est pas du tout difficile , la haute instance a opéré avec une grande maîtrise, cela est louable pour deux raisons : la première c'est la déclaration que la création de l'agence objet du décret royal est de la compétence du domaine réglementaire, la deuxième c'est l'isolation de l'article 7 dudit décret et son exclusion, car en droit cela relève du domaine de la loi.

La deuxième décision à commenter est celle portant numéro 677-0875(*) , elle intervient dans le même sens de la première, c'est-à-dire changer un décret royal qui revêt la forme législative par un décret du premier ministre relavant du domaine réglementaire. Cette fois aussi c'est le premier ministre qui amorce la procédure par lettre adressée au Conseil constitutionnel à l'encontre du décret royal partant n°65.429 qui institue l'école du complètement de la formation des administrateurs du ministère de l'intérieur. Là aussi le Conseil constitutionnel donne une suite favorable à la demande du premier ministre, le juge de la haute instance applique strictement les dispositions constitutionnelles notamment ; les articles 46, 47, 48, et 61.

Un considérant de la décision précise clairement les motifs du verdict : « Considérant que le décret royal n°65.429 datant du 27 septembre 1965 créant l'école du complètement de la formation des administrateurs du ministère de l'intérieur objet de consultation, il comporte en plus du premier et deuxième article relatifs à la création de l'école et la détermination des objectifs, attendus d'elle contient trois titres, le premier détermine le secteur gouvernemental de tutelle et la précision des rangs des fonctionnaires qui ont la charge de la gérer ainsi la duré de la formation et les conditions de nomination de ses lauréats, le deuxième précise ses programmes pédagogiques et les conditions d'admission, et le règlement déterminant les obligations de ses stagiaires et les membres formant son Conseil, pour le titre trois, il dresse un ensemble de dispositions transitoires ...considérant que les dispositions précitées ne sont que des mesures d'application rentrant dans les compétence de l'autorité gouvernementale conformément à l'article 61 de la constitution ».

Concernant ces deux décisions qui ont fait l'objet de notre commentaire, il est à remarquer que les demandes du premier ministre ayant pour objet de changer des décrets royaux qui sont des textes juridiques qui renferment le caractère législatif, par décrets du premier ministre qui incarnent le règlement est intervenu très tardivement, environ 40 ans après leur promulgation.

En tout état de cause, les décrets royaux ont pour tâche de légiférer pour pallier les insuffisances de la production normative des institutions qui ont la charge. Les décisions du Conseil constitutionnel viennent pour remettre les choses dans l'ordre, c'est le gouvernement qui est compétent de part la constitution pour légiférer dans un tel domaine, de ce fait il est le plus habile à assurer la continuité des services quel gère, car il dispose de l'administration.

Revenant pour le moment, aux dispositions du texte constitutionnel pour débattre de la question du déclassement législatif sous un angle normatif, autrement dit, nous allons nous focaliser sur l'examen de la question de savoir qui domine l'autre, la loi ou le règlement.

Le fait que la liste des compétences de la loi faisant l'objet de l'article 46 de la constitution soit limitée, et celle relative aux compétences du règlement soit ouverte, couvrant ainsi tous les domaines qui ne font pas l'objet du domaine de la loi (article 47) ; ne doit en aucune manière être compris dans un sens, qui, en s'appuyant sur une lecture superficielle des dispositions constitutionnelles, prôner que le domaine de la loi est limité et celui du règlement est large. D'ailleurs cette idée est avancée par un certain nombre d'observateurs, néanmoins sa portée en tant que certitude devrait être nuancée.

Tout d'abord par ce que le domaine de la loi selon ladite liste est de légiférer dans des secteurs qui couvres presque la quasi-totalité de la vie publique, qui selon l'article 46 de la constitution concerne notamment ; la détermination des crimes et délits et leurs sanctions, les procédures civile et pénale, l'aménagement et l'organisation de la jouissance des droits et les libertés publiques...etc. Deuxièmement, les compétences du domaine de règlement autonome, c'est-à-dire le règlement qui crée des effets normatifs indépendamment de la loi, autrement dit, celui qui n'a pas comme objet d'émettre des dispositions relatives à l'application des lois, est très limité, l'expérience le montre clairement. Troisièmement, la loi pourrait s'enfoncer dans le domaine réglementaire pour légiférer sans même aviser le gouvernement, ce dernier ne peut que s'opposer à l'adoption de la loi, qui à ses yeux relèverait du domaine réglementaire (article 53 de la constitution), ou saisir le Conseil constitutionnel afin de changer le texte réglementaire pris sous forme législative par un règlement (article 48 de la constitution)76(*).

La décision portant n° 280-9977(*) confirme cette nuance. En effet, il en résulte que le parlement n'est pas obligé d'appuyer les lois qu'il émit sur des visas. Lorsque le gouvernement aspire à légiférer dans un domaine qui relève en vertu de la constitution de la compétence de la loi, il doit solliciter l'accord du parlement ou l'un de ses organes (les commissions parlementaires permanentes) ; par contre il y'a aucune disposition dans la constitution qui dispose que lorsque le parlement veut légiférer dans un domaine qui relève normalement du règlement doit avoir l'accord du gouvernement ou même de l'aviser. Les dispositions règlementaires prises en forme législative, ne peuvent être changées en en règlement qu'après avis conforme du Conseil constitutionnel. A défaut, elles continuent à être en vigueur jusqu'à que le gouvernement déclenche la procédure devant le Conseil constitutionnel.

La lecture avertie des articles 53 et 48 de la constitution relève que même dans les cas où la loi s'enfonce dans le domaine règlementaire, cela ne constitue guère un vice de compétence78(*)

Sous-section 2 : L'incompétence négative et la continuité des services

L'incompétence négative est une technique usée par le Conseil constitutionnel dans son travail de contrôle de la constitutionnalité des lois, par laquelle il censure l'acte législatif (la loi) n'ayant pas rempli des conditions requises ; c'est-à-dire légiférer en laissant un vide manifeste qui pourrait présenter un dysfonctionnement d'application de la loi en question. On abordera donc cette notion (l'incompétence négative) en faisant le lien entre elle et le principe de la continuité des services publics, pour se faire nous discuterons un ensemble de décisions du Conseil constitutionnel dont il en fait usage pour invalider des lois susceptibles de porter atteinte au principe de la continuité des services publics.

Nous commençons par la décision n° 583-0479(*) relative à la loi organique de la haute cour de justice. Le titre VIII de la constitution dispose en substance que les membres du gouvernement sont responsables des crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, et qu'ils peuvent être mis en accusation par les deux chambres du parlement. La constitution renvoie à une loi organique qui aurait comme objet de déterminer les modalités, les conditions de formation de la dite cour et son fonctionnement. Cette loi fut votée en 2004 mais il comporte un article (art. 11) que le Conseil constitutionnel n'a pas digéré. Cet article soustrait de la procédure de récusation le président de la cours et le président de la commission d'instruction.

L'inconstitutionnalité est prononcée par le Conseil pour motif que cette loi est incomplète pour la raison qu'elle ne comporte pas de dispositions relatives à la procédure de récusation du président de la cours et du président de la commission d'instruction. Même dans les cas où l'on pourrait croire que la procédure applicable aux autres juges de la cours serait applicable à ces deux derniers, la loi resterait incomplète dans la mesure où l'autorité compétente pour recevoir de telles demandes serait le président de la cours, alors c'est une chose qui est contraire aux principes les plus élémentaires relatifs au déroulement des procès, car le président serait juge et partie !

Observant le considérant de la décision qui a fait l'objet de motif de la déclaration d'inconstitutionnalité : « Considérant que l'exception à l'égard des deux présidents, respectivement le président de la cours et celui de la commission d'instruction de la procédure de récusation, bien qu'en comparaison avec les autres juges de la cours qui leurs sont soumis, ils exercent des compétences plus larges dans le travail judiciaire et ils ont des responsabilités déterminantes dans la décision, en plus du fait que cette exception ne se fonde sur aucune justification juridique, elle est donc contraire au principe à valeur constitutionnelle de l'indépendance de la justice. Considérant que l'abondant de cette exception requiert qu'il soit accompagné de la révision des dispositions de la loi organique soumise l'appréciation du Conseil constitutionnel, surtout les dispositions du troisième paragraphe de l'article 12 et de l'article 14 et ce dans le but de créer une complémentarité et une harmonisation entre toutes les dispositions de cette loi, et en ajoutant d'autres dispositions de nature à garantir la continuité de la haute cours dans l'accomplissement de ses missions dans le cas de l'acceptation de la récusation des deux présidents précités ... »

Par ce considérant le Conseil évoque un principe à valeur constitutionnelle pour déclarer l'inconstitutionnalité, c'est le principe de l'indépendance de la justice, mais aussi de manière implicite il évoque le principe de la continuité en considérant que cette loi est incomplète, chose qui porterait atteinte à la continuité de la cours pour ce qui est de la mise en place de procédure pour la récusation du président de la cours et du président de la commission d'instruction80(*).

L'application de cette loi serait en quelque sorte considérée comme une omission du législateur pour prévenir d'un tel cas, c'est ce que la doctrine et la justice constitutionnelles appellent l'incompétence négative. Le principe de la continuité des services publics été l'un des motifs pour prononcer l'inconstitutionnalité.

La deuxième décision que nous commenterons dans ce cadre (n°382-2000)81(*) concerne également la technique de l'incompétence négative, elle est mariée au principe objet du présent mémoire, en l'occurrence le principe de la continuité des services publics. La décision déclare l'inconstitutionnalité à l'encontre d'une loi qui aurait fait l'objet d'un code de recouvrement des créances publiques.

Le législateur ayant pour mobile la bonne foi et la volonté de moraliser la vie publique a inséré en son sein un article (art.142) stipulant : « est réputée en état d'incompatibilité pour l'exercice d'une fonction officielle ou élective, toute personne qui ne s'acquitte pas de créances publiques à sa charge devenues exigibles en vertu d'un titre exécutoire et qui ne font pas l'objet d'un contentieux. L'incompatibilité est levée après acquittement des sommes dues ».

C'est la notion d'incompatibilité qui pose problème, et davantage en ce qui concerne les fonctions électives parlementaires, car conformément à la constitution le régime des incompatibilités est fixé par une loi organique. Deuxièmement, le régime et les modalités de cette «  incompatibilité » ne sont ni déterminés ni précisés, chose qui revoie à dire que le législateur n'a pas exercé la plénitude de sa compétence. Le Conseil constitutionnel, et via son verdict intervient pour protéger le législateur contre lui même82(*) .

Ce qui est appelé communément incompatibilité ne s'agit en fait que d'un gèle des fonctions car l'alinéa 2 de l'article 142 de la loi censurée dispose : «  l'incompatibilité est levée après acquittement des sommes dues » ce qui porterait inéluctablement atteinte en cas d'application de ladite loi au principe de la continuité des services publics, et le Conseil constitutionnel le dit clairement dans sa décision, pour l'illustration nous insérons le considérant traitant de la question : « considérant... que le deuxième alinéa de l'article 142 précité stipulant que « l'incompatibilité est levée après acquittement des sommes dues », peut signifier qu'il résulte de ladite déclaration est une simple suspension de la fonction officielle ou élective jusqu'à l'acquittement des créances publiques, ce qui est contraire au principe de la continuité des services publics » le principe de la continuité des services publics comme étant un principe à valeur constitutionnelle est un instrument au main du juge constitutionnel qui lui sert à censurer les lois à ses yeux inconstitutionnelles, mais il est aussi une finalité dont la consécration est la traduction concrète d'une volonté de l'ancrer de plus en plus dans la pratique des pouvoirs publics.

* 63 A ce propos voir :

MEUNIE (J), Le pouvoir du conseil constitutionnel, essai d'analyse stratégique, Bruyant-L.G.D.J, 1994.

* 64 MEUNIER (J), « Les décisions du conseil constitutionnel et le jeu politique », Revue Pouvoirs n°105, 2003, pp.29-40.

* 65TIMSIT (G), « Normativité et régulation », Cahier du conseil constitutionnel n°21 (Dossier : La normativité), janvier 2007.

* 66 OURIEMCHI (H),  « Le conseil constitutionnel, acteur de l'encadrement du politique et de la construction juridique », REMALD n° 92, 2010, p.p. 69-77.

67 L'expression arbitrage royal recouvre plusieurs aspects de la résolution des différends politiques, notamment entre les partis politique, l'opposition et la majorité, mais dans ce cadre l'arbitrage royal désigne la résolution des conflits entre le législatif et l'exécutif.

* 68 ELMANAR ESLIMI (A), op.cit .pp. 393-435.

* 69 C.C ma, 37-94 datant du 16/08/94, (B.O n° 4271 du 07/09/1994, p.p.21-22).

* 70 ROUSSEAU (D), Droit du contentieux constitutionnel, Montchrestien 1990, Paris, p.72.

* 71 CC ma, 480-2002, datant du 15/08/2002, (B.O n°5037 du 09/09/2002).

* 72 ELMABKHOUTE (H), La responsabilité politique du gouvernement dans le système politique marocain (en arabe), mémoire de DESA, fsjes Oujda, 2002, p.91.

* 73 Texte du discours : Roi Hassan II, résurrection d'une nation (titre en arabe : ÇäÈÚÇË ÇãÉ)), Imprimerie Royale, 1987, p.379.

* 74C.C ma, 425-00 datant du 20/12/2000,(B.O n° 4866 du 18/01/2001, p.15).

* 75C.C ma, 677-08 datant du 04/03/2008, (B.O n° 5617 du 31/03/2008, p.p.10-11).

* 76 ACHERGHI (M), « Le domaine réglementaire autonome : un peu de la réalité et un peu de l'illusion » (en arabe), REMALD, n° 28, 1998, p.p 17-27.

* 77 C.C ma, 280-99, datant du 24/02/1999, (B.O n° 4674 du 18/03/1999, p.26).

* 78 HALOUI (Y), Commentaire de la décision 280-99 contenu dans le cours : Justice constitutionnelle, Filière science politique, Semestre 6, Fsjes Oujda, L'année universitaire : 2008/2009.

* 79C.C ma, 583-04 datant du 11/08/2004,(B.O n° 3298 du 09/09/2004, p.p. 16-17).

* 80 BENABDELLAH (M. A), « Sur un fondement constitutionnel contestable : Récusation et indépendance de la justice », REMALD n°57-58, 2004, p.151 et suiv.

* 81 C.C ma, 382-00 datant du 15/03/2000, (B.O n° 4792 du 04/05/2000, p.p. 13-14).

* 82 BENABDELLAH (M.A), « La constitutionnalité des cas d'incompatibilité », REMALD n°33, 2000, p.143 et suiv.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry