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Notion et régulation de l'abus de puissance économique

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par Azeddine LAMNINI
Université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès - DESA 2008
  

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Université Sidi Mohammed Ben Abdellah

Fès

Faculté des sciences économiques, juridiques et sociales

UFR : Droit de la concurrence et de la consommation

Notion et régulation de l'abus de puissance économique.

MEMOIRE

POUR L'OBTENTION DU DIPLOME DES ETUDES SUPERIEURES APPROFFONDIES

SOUS LA DIRECTION DU

Professeur : Abdelhamid AKHRIF

PRESENTE ET SOUTENU PUBLIQUEMENT

Le : 25/12/2008

PAR : LAMNINI Azeddine

MEMBRES DU JURY

- Professeur Abdelhamid AKHRIF

- Professeur Noureddine TOUJGANI

- Professeur Mohamed CHELH

Je remercie

Monsieur Abdelhamid AKHRIF, Professeur à l'université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès, d'avoir accepté de diriger ce mémoire, ainsi que pour ses conseils et sa confiance ;

Monsieur Noureddine TOUJGANI, Professeur à l'université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès, pour le temps qu'il m'a accordé, pour sa patience, sa présence, son soutien, ainsi que pour ses nombreux conseils techniques, méthodologiques et bibliographiques ;

Monsieur Mohammed CHELH, professeur à l'université Sidi Mohammed Ben Abdellah Fès, d'avoir accepté de faire partie des membres du jury de ce mêmoire ;

Je remercie également l'ensemble des membres du centre de droit des obligations et des contrats pour les suggestions qu'ils m'ont apportées.

A mes parents et à ma petite famille

« Si donc je me suis chargé d'une tâche si lourde pour mes épaules, ce n'était pas faute de connaître notre faiblesse, mais parce que je savais que ce genre de combat - le combat intellectuel, veux-je dire - a ceci de particulier que la défaite même est profitable.

De là résultent à bon droit, même pour les plus faibles, la possibilité et le devoir non seulement de ne pas refuser de se battre, mais bien de le souhaiter. Car celui qui succombe reçoit du vainqueur un bienfait, loin de subir un dommage, puisque grâce à lui il s'en retourne plus riche, c'est-à-dire plus savant, et mieux préparé aux futurs combats.

J. Pic de la Mirandole

De la dignité de l'homme.

« Le droit positif doit rester chose vivante. Or, vivre, c'est se mouvoir et se transformer. Pour le droit, c'est plus encore : c'est lutter, en vue d'une parfaite et constante adaptation aux exigences de la vie sociale.

Cette vie, cette lutte, supposent et impliquent un organisme, incessamment productif, qui reçoive tous les éléments du dehors, et les élabore, en lui-même, pour les projeter ensuite dans son champ d'activité propre. De cette façon, seulement, le droit peut rester maître du mouvement, qu'il doit sans cesse diriger. A l'heure actuelle, le besoin se fait sentir d'introduire, en notre organisation positive, plus de fraternité profonde, [...] de solidarité sociale, c'est-à-dire ; tout simplement, [...] de mieux égaliser les conditions de lutte entre les activités rivales. [...] On peut différer d'avis, sur l'importance, qu'il convient d'attribuer à ces aspirations, et, surtout, sur les moyens d'y satisfaire. Mais leur existence n'est pas contestable et il serait téméraire de passer outre, en semblant les ignorer. Or, comme la plupart des idées qu'elles renferment, ne se peuvent réaliser efficacement, qu'en passant dans la vie juridique. »

GÉNY (F.)

Méthode d'interprétation

et sources du droit positif

LISTE DES ABREVIATIONS

A. Colin.

Armand Colin

A.R.T.

Agence de la régulation des télécommunications

act.

Actualité

al.

Alinéa

B.O.

Bulletin officiel

BOCC

Bulletin officiel du conseil de la concurrence

BOCCRF

Bulletin officiel de la concurrence, la consommation et la répression des fraudes

Bull. civ.

Bulletin officiel civil

Bull. crim.

Bulletin officiel criminel

C. consom

Code de la consommation

C.O.B.

Commission de l'opération de bourse

C.P.T

Code Poste et télécommunications

C.S.A

Conseil du supérieur de l'audiovisuel

CA

Cour d'appel

Cah. dr. entr.

Cahier du droit de l'entreprise

Cass. civ.

Cour de cassation, chambre civile

Cass. Com

Cour de cassation, chambre commerciale

Cass. crim.

Cour de cassation, chambre criminelle

Cass. soc.

Cour de cassation, chambre sociale

CE

Commission Européenne

Cf.

Confer (comparer avec = voir)

chap.

Chapitre

Chron.

Chronique

CJCE

Cour de la justice de la communauté européenne

Coll.

Collection

comm.

Commentaire

Cons. conc.

Conseil de la concurrence

Contrats conc. consom.

Revue contrats concurrence consommation

CREDA

Centre de recherches sur le droit des affaires

CS

Cour suprême

CTTJ

Centre de traduction et de terminologie juridique

D

Dossier

D. affaires

Recueil Dalloz affaires

D.O.C.

Dahir des obligations et des contrats

déc.

Décision

Defr.

Defrénois

dir.

Direction, sous la direction

doc.

Doctrine

doctr.

Doctrine

Dr. et patr.

Revue droit et patrimoine

éd.

Edition

EDF

Electricité de France

et al.

Et d'autres

Ex.

Exemple

fasc.

Fascicule

Gaz. Pal.

La gazette des palais

GDF

Gaz de France

Ibid.

Ibidem (au même endroit)

Id.

Idem (le même)

In

Dans

infra.

Ci dessous (plus bas)

J.Cl. Civil

Jurisclasseur civil

J.Cl. Conc. Consom

Jurisclasseur concurrence consommation

J.Cl. Eur.

Jurisclasseur Europe

J.Cl. Resp. civ. et assur

Jurisclasseur responsabilité civile et assurance

JCP éd E

Jurisclasseur périodique (semaine juridique) édition entreprise

JCP éd G

Jurisclasseur périodique (semaine juridique) édition générale

JCP éd. N

Jurisclasseur périodique (semaine juridique) édition notariale

jur.

Juridique

Jurispr.

Jurisprudence

L.

Loi

Lamy Dr. et Pat.

Lamy droit et patrimoine

LGDJ

Librairie Générale du Droit et de la Jurisprudence

loc. cit.

loco citato (dans la même oeuvre sur la même page)

LPA

Les petites affiches

M.

Monsieur

Mél

Mélange

Numéro

not.

Notamment

obs.

Observation

op. cit.

opere citato Dans l'ouvrage cité

p.

Page

P.D.G.

Président Directeur Général

Part.

Partie

PUAM

Presse universitaire d'Aix-Marseille

R.F.S.P.

Revue française des sciences politiques

R.T.D.civ.

Revue trimestrielle de droit civil

R.T.D.com.

Revue trimestrielle de droit commerciale

rapp.

Rapport

Rec. CE

Recueil de la Commission Européenne

Rec. D.

Recueil Dalloz

REMALD

Revue marocaine d'administration locale et de développement

REMDED

Revue marocaine de droit de l'entreprise et du développement

Rép. civ.

Dalloz répertoire du droit civil

Rép. com.

Dalloz répertoire du droit commercial

Reprint

Réediter

Rev. Lamy dr. aff.

Revue Lamy droit des affaires

RJ com.

Revue de la jurisprudence commerciale

RJCS

Revue de la jurisprudence de la Cour suprême

RJDA

Revue de la jurisprudence de droit des affaires

RMDE

Revue marocaine du droit économique

RSMP

Revue des sciences morales et politiques

RSMP

Revue des sciences morales et politiques

RTD eur.

Revue trimestrielle du droit

s.

Suivant

somm.

Sommaire

Spec.

Spécialement

Sté

Société

Supra

Ci-dessus

t.

Tome

T. confl

Tribunal des conflits

th.

Thèse

Trad.

Traduction, traduit par

v.

Voir

vol.

Volume

SOMMAIRE

Première partie - IDENTIFICATION DE L'ABUS DE PUISSANCE ECONOMIQUE

Chapitre I - L'EXISTENCE DU POUVOIR ECONOMIQUE SUSCEPTIBLE D'ABUS

Section I - La nature du pouvoir à l'origine de l'abus

Section II - La mesure du pouvoir économique susceptible d'abus

Chapitre II - L'EXISTENCE DE L'ABUS DANS L'EXERCICE DU POUVOIR ECONOMIQUE

Section I - Les manifestations de l'exercice abusif du pouvoir économique

Section II - Les conséquences juridiques de l'exercice abusif du pouvoir économique

Deuxième partie - REGULATION DE L'ABUS DE PUISSANCE ECONOMIQUE

Chapitre I - LE DIRE JURIDIQUE REGULATEUR DE L'ABUS DE PUISSANCE ECONOMIQUE

Section I - La revivification de certains instruments juridiques pour la protection de la partie faible

Section II - L'adaptation de la fonction judiciaire pour la protection du marché

Chapitre II - LE FAIRE JURIDIQUE REGULATEUR DE L'ABUS DE PUISSANCE ECONOMIQUE

Section I - La lutte contre les abus de puissance économique par le renforcement du cadre contraignant

Section II - La lutte contre les abus de puissance économique par la restauration des conditions d'un débat équilibré

INTRODUCTION

1. La réalité de la nature humaine. Le combat pour la vie et pour le mieux être est une réalité première, archaïque des mondes végétal, animal et humain1(*). S'agissant du monde humain, le progrès de la civilisation a consisté à transcender, à sublimer cette réalité de sorte qu'elle est combattue par beaucoup de doctrines2(*). Dans une société avancée, la lutte individuelle n'a plus pour enjeu la survie de l'individu, mais il reste que certains enjeux de la compétition ne peuvent être partagés. L'inquiétude de l'étudiant et de l'amoureux en atteste. A la solitude du coureur de fond, répond celle du navigateur solitaire. Il n'y aura qu'un seul vainqueur3(*). Et il n'est pas neutre que ceux-là mêmes qui aspirent à une égalité de traitement se repaissent du spectacle d'une compétition parfois poussée au-delà des limites de l'humain4(*).

Cela dresse de l'homme un sombre tableau ce qui rejoint une des thèses que soutient Freud dans « Malaise dans la civilisation » : « L'homme n'est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit compter au nombre de ces données instinctives une bonne somme d'agressivité »5(*).

2. Réalité omniprésente dans les sociétés contemporaines. Même vécue par procuration, cette réalité de la compétition reste présente dans la société humaine, car elle en est une composante essentielle dans tous les rapports humains, sociaux, familiaux, politiques et économiques. Cette réalité inhérente à la nature humaine se manifeste, le plus, aujourd'hui dans le domaine économique.

En effet, cette compétition est le fondement de l'économie libérale. Elle est considérée par la théorie économique comme le moteur du progrès économique en raison de l'optimisation qu'elle permet de l'allocation des ressources6(*). Cette idée de compétition7(*) est au coeur du modèle libéral. Elle vise à atteindre un but économique. Elle expose le marché comme le meilleur régulateur de l'économie8(*). Les fonctions de l'offre et de la demande, sont les seules qui déterminent les qualités et les prix des produits, aucune planification n'est donc nécessaire9(*).

3. L'abandon du libéralisme économique sous sa forme classique. Le postulat libérale classique a fait l'objet de critiques ardues par une doctrine économique10(*) au cours de la première moitié du siècle dernier, notamment, lors de la crise économique de 1929 et sa propagation en Europe, marquée par le triomphe des théories keynésiennes, ainsi que les crises conséquentes à la deuxième guerre mondiale11(*). Cette situation a provoqué un renforcement du rôle économique et social de l'Etat12(*) concrétisé par sa présence massive dans les marchés ainsi que la suppression de certaines libertés individuelles.

4. Le retour au libéralisme économique sous une nouvelle forme : le néolibéralisme. Ce déclin des théories économique libérales ne va pas perdurer. En effet, suite à l'échec des remèdes keynésiens, l'Etat providence va être réfuté par les économistes de l'école de Chicago, notamment Milton Friedman ainsi que par l'école autrichienne13(*). Selon cette doctrine, l'économie dirigée est mourante parce qu'elle entendait se substituer aux marchés, aux opérateurs et à leurs choix. Parce que tendant à diriger, elle était par essence en conflit avec la liberté individuelle. Dans cette direction l'échec était programmé, selon des auteurs dont la voix fait autorité en la matière14(*). Ainsi, la fin des années soixante-dix a vu le retour du libéralisme sur la scène par le biais d'une nouvelle attention au marché et à l'Etat de droit15(*). Cette nouvelle conception économique partait du postulat que le libre fonctionnement des mécanismes naturels des marchés parvenait à lui seul à assurer, tôt ou tard, la meilleure allocation des ressources.

A cet effet, toutes les législations maintiennent ou instaurent un modèle économique néolibéral basé sur une économie de marché mais soumise à une régulation juridique et administrative16(*). Cela signifie la mise en cause du constructivisme étroit sans réduire le rôle de l'Etat à la simple constatation d'un ordre préétabli, option à mi-chemin entre une économie dirigiste et une économie libérale17(*). Dans ce contexte et étant au coeur de l'économie libérale comme un moyen avéré de parvenir à un but économique, les vertus de la concurrence ont fini par être reconnues par toutes les législations contemporaines18(*).

5. L'emprise du modèle néolibéral sur les choix politiques et économiques marocaines. Notre pays n'a pas échappé à cette emprise du libéralisme économique dans sa conception nouvelle, le néolibéralisme. Ainsi, après avoir été proclamé depuis le début du siècle dernier lors du protectorat français, le modèle libéral est, aujourd'hui, consacré expressément par l'article 15 de la constitution de 1996 qui dispose que le droit de propriété et la liberté d'entreprendre sont garantis19(*).

Cette philosophie économique libérale va se répercuter directement sur l'ensemble de notre droit positif. Ainsi, plusieurs réformes majeures ont été entreprises, récemment, pour préparer le terrain à l'évolution de la société marocaine et son champ politique vers un pluralisme crédible et réel, et l'économie vers un système pluriel, compétitif et concurrentiel20(*).

6. Les méfaits du fonctionnement naturel des mécanismes concurrentiels. Le recours à un système économique pluriel, compétitif et concurrentiel suppose la confiance dans l'efficacité naturelle du marché libre. Mais, antérieurement sous d'autres cieux, cette confiance s'est détériorée. L'expérience a montré que la structure et l'équilibre des marchés ne sont pas immuables21(*). Tout indique que la loi du marché ne parvient pas au but qui lui est assigné par la théorie économique : la meilleure allocation des ressources et avec elle l'amélioration du bien être économique.

Ainsi, la réalité confirme que le rapport économique est par nature un rapport de forces. L'ordre économique, le marché, n'est ni juste ni injuste22(*). Marqué par l'affrontement et l'agressivité23(*), la compétition économique conduit inéluctablement à la disparition des opérateurs les moins performants24(*). Il en résulte une tendance naturelle à la concentration de l'offre qui, à son tour, est de nature à faire disparaître toute concurrence, puisque seul survivra l'opérateur le plus performant qui se trouvera affranchi de toute concurrence25(*). De plus qu'il n'est pas rare que l'existence de la concurrence sur un marché n'aboutisse pas au succès de l'entreprise la plus performante mais seulement à la victoire de la plus forte. C'est alors le mécanisme de sanction de la compétition qui se trouve mis en cause et, par là, l'intérêt même de la compétition parce que le meilleur n'a pas obtenu le résultat auquel son effort lui donnait vocation.

7. Ces méfaits résultent de l'exercice abusif de la liberté de la concurrence comme de la liberté contractuelle. Par ailleurs, le marché est le lieu, abstrait de rencontre de l'offre et de la demande26(*). Il est aussi, le contrat, l'accord, celui, dont la force obligatoire est exprimée par l'article 230 du Dahir des Obligations et des Contrats27(*). La liberté des marchés ne se conçoit pas sans la liberté des contrats28(*). La liberté des contrats, pour prospérer, a elle-même besoin du mécanisme de la concurrence29(*). Cette identité terminologique, reflète la corrélation qui existe en droit entre la liberté de la concurrence et la liberté contractuelle. Cette corrélation implique que l'abus dans la lutte concurrentielle se manifeste le plus souvent dans l'exercice de la liberté de la concurrence comme dans l'exercice de celle de la liberté contractuelle. Dans le premier cas l'entreprise économiquement puissante utilise sa puissance comme une arme pour éliminer ses concurrents. Dans le deuxième, elle l'utilise comme rente à travers la substitution de sa volonté à celles de ses contractants, concurrents30(*) ou partenaires. Ces derniers peuvent être des professionnels ou des consommateurs finaux.

Ainsi, une entreprise économiquement puissante peut tenter de se soustraire aux contraintes du marché et par conséquent, imposer sa loi ; un professionnel peut profiter de sa puissance économique pour imposer une clause abusive dans un contrat. Dans cette perspective, la puissance économique peut devenir l'instrument de pratiques abusives qui doivent être alors sanctionnées. C'est cette dernière qui fonde le pouvoir économique. Accorder l'onction juridique à une telle réalité, revient à admettre que dans une relation volontaire, une personne puisse en frapper une autre qui a déjà un genou au sol, ce qui n'est pas tolérable31(*).

8. Cet exercice abusif à des conséquences néfastes sur les principes directeurs du système juridique. En effet, si l'exercice abusif de la liberté de la concurrence se manifeste, le plus, lorsque l'entreprise dispose d'un pouvoir de marché facilité par la détention d'une puissance économique. La détention de cette puissance économique ne présente, en tant que tel, rien d'illégitime. Il est, ce à quoi, aspire toute entreprise. Mais l'exercice abusif du pouvoir économique aboutit naturellement à l'anéantissement de la concurrence suite à la concentration de la puissance économique. Il permet ainsi à l'entreprise de renforcer son pouvoir sur le marché et de substituer sa loi à celle du marché et sa volonté à celles de ses concurrents et ses partenaires, consommateurs et professionnels.

Ainsi, le postulat qui avance que la liberté des individus conduit à établir les rapports individuellement les plus justes et socialement les plus utiles - c'est-à-dire que c'est le libre jeu des volontés individuelles qui doit réaliser la justice - est devenus en parfaite contradiction avec les instruments juridiques qui le mettent en oeuvre32(*). A cet effet, la puissance économique consacre une supériorité de fait capable de mettre en cause les principes directeurs qui fondaient et fondent encore tout système juridique à tendance libérale, à savoir : le principe du bon fonctionnement de la concurrence et celui de l'égalité contractuelle33(*).

9. La liberté de la concurrence c'est la liberté plus le droit. Comme indiqué plus haut, des expériences étrangères enseignent que livrer l'économie aux seules règles du marché ou tout le moins réduire le rôle de l'Etat, provoquent un dysfonctionnement grave des mécanismes concurrentiels. En effet, pour que le meilleur dans la compétition ne soit pas battu par le plus fort34(*), le pouvoir économique ne doit plus rester en marge du droit et doit au contraire faire l'objet de toute l'attention du législateur contemporain35(*). Si la liberté des opérateurs est essentielle car, c'est d'elle que, procède l'initiative, l'innovation, le progrès et le succès final de l'entreprise qui récompense l'entrepreneur, et profite aussi à la collectivité, la liberté de la concurrence n'est point considérée comme aussi absolue que d'autres libertés consacrées par le droit36(*). Elle n'est reconnue aux opérateurs que pour autant qu'elle contribue au bon fonctionnement du marché37(*). Certes, le droit doit poser les limites à l'usage par les entreprises de leur pouvoir économique. Il doit fournir au marché une sorte de seconde nature, qui l'empêche de se dévorer lui-même38(*).

Certes, si la liberté des marchés demeure prônée, dans les analyses contemporaines de la concurrence, elle apparaît néanmoins, comme un bienfait fragile, que le législateur doit à la fois favoriser et encadrer39(*). Tels sont, par exemple, les objectifs de la loi 06-99 sur la liberté des prix et la concurrence40(*). Ainsi, à côté des règles juridiques ayant pour but le maintien de la concurrence dans de justes limites, de veiller à ce qu'elle s'exerce de manière loyale, raisonnable et tempérée41(*), la loi 06-99, influencée par des conceptions néolibérales du droit, a inauguré une deuxième branche du droit de la concurrence. Les règles composant cette seconde branche ont pour fonction de protéger la concurrence et d'en favoriser le développement42(*). Ces règles condamnent non pas l'excès mais les limitations de concurrence qui résultent de certains comportements d'entreprises, notamment celles facilitées par la détention d'un pouvoir de marché issu d'une puissance économique. Ainsi, la concurrence a été libérée est conquise par le droit afin de la conduire vers ce que serait son but ultime, le bien être des individus43(*).

10. De même la liberté contractuelle c'est d'abords l'égalité des armes. Dans la même logique, les mutations profondes qu'ont connues les sociétés contemporaines, notamment la notre, ont provoqué un déséquilibre flagrant des rapports de force entre consommateurs et professionnels44(*). Ces derniers exploitent leurs supériorités économique, technique et informationnelle pour abuser dans leurs rapports avec les consommateurs. C'est vrai que chaque individu étant le meilleur juge de ses intérêts, mais, la liberté contractuelle ne droit non plus être l'instrument juridique à travers lequel le fort exploite le faible. Il doit être maintenu une certaine égalité des armes pour que l'égalité contractuelle puisse présumer la justice contractuelle.

La réponse apportée par la théorie des vices de consentement apparaît peu adaptée45(*). Aussi bien, sous d'autres cieux, a tant entrepris de doubler la théorie des vices de consentement au rendement social trop médiocre, de mesures préventives qui ont pour but de favoriser l'information et la réflexion des contractants. Plutôt que de sanctionner à posteriori les vices de consentement, on met en place un ensemble de dispositions qui tend à restaurer des conditions d'un débat équilibré. D'inspiration néolibérale, cette approche ne rompt pas avec les postulats de l'autonomie de la volonté. En effet, plutôt que de réglementer impérativement les contenus du contrat, elle traite le consommateur comme un individu intelligent et libre, à défendre lui-même ses propres intérêts, si on lui donne les moyens de s'informer et de réfléchir.

11. L'économie du marché c'est le libéralisme plus le droit. L'efficience économique, poursuivie par le droit, exige, d'un côté, la soumission de tous les concurrents à la loi du marché, de l'autre, l'égalité des instruments juridiques mis à la disposition de tous les opérateurs économiques. Ainsi, Dans cette logique de l'économie de marché, entreprises et consommateurs participent au bon fonctionnement du marché dont ils sont les opérateurs, certes inégaux mais également indispensables. L'économie de marché prend en compte cette interdépendance. La concurrence ne peut exister sans l'atomicité du marché, sans la transparence des transactions, sans la loyauté des pratiques commerciales et concurrentielles.

De la même, l'existence du consommateur est une condition, sans laquelle l'entreprise n'existe pas. Il est l'enjeu de la concurrence, le bénéficiaire de ses bienfaits et la victime de ses méfaits. La prise en considération de ses intérêts est une condition sine qua non du bon fonctionnement du marché. Cependant, l'exercice abusif du pouvoir économique est une réalité certaine qui compromet directement le bon fonctionnement du marché.

Dans cette approche globalisée du marché, nous essayerons de mettre en lumière ce phénomène d'abus de puissance économique, sa réalité et son éventuelle prise en charge par le droit. Ainsi, notre démarche consiste, d'abord, à identifier l'abus de puissance économique, sa nature, sa mesure, ses manifestations et ses conséquences, ensuite nous essayerons d'apprécier dans quelle mesure le droit positif marocain a pu prendre en considération ce phénomène d'abus, et ce à la lumière de l'expérience française en la matière.

* 1 « Le combat des lichens et des algues pour assurer leur survie n'est connu que de quelques naturalistes. En revanche, chacun sait que la lutte a été et est toujours la règle dans le monde animal. Walt Disney n'est pas encore parvenu à faire oublier que beaucoup d'espèces ne survivent qu'en s'attaquant aux plus faible qui leur servent de proie, et que même parmi les herbivores, la concurrence peut faire rage pour défendre un territoire ou une position de dominance. Dans le monde animal, seuls survivent ou prospèrent le plus forts. L'oeuvre de sélection ainsi opérée et même considérée par la théorie darwinienne comme une condition de la survie de l'espèce. ». C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, PUF, coll. « Thémis », 2002, p. 10..

* 2 La plupart des doctrines et toutes les religions mettent l'accent sur les valeurs qui sont à l'opposé de la concurrence : l'amour du prochain, les valeurs d'entraide et de solidarité. Elles condamnent l'orgueil, l'envie et la concupiscence qui sont à l'origine de la concurrence entre les Hommes Pour plus de détail v. : C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Ibid. p. 13.

Dans le même sens, Ripert dans ses ouvrages théoriques sur les rapports entre le droit et la morale écrivait : « Dans les sciences économiques nul ne pouvait conserver la froide impartialité du savant. Les rapports entre les Hommes ne sont pas des rapports nécessairement dérivant de la nature des choses. Ils sont crées par les Hommes. Ils peuvent être modifiés par eux, l'humanité rêve sans cesse de les modifier ». G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, 2° éd., LGDJ, 1951, P.4-5, cité par M. A. Frison-Roche et S. Bonfils, « Articulation entre les systèmes juridique et le système économique », in Les grandes questions du droit économiques, PUF, 2005, P.9 spéc. P. 12.

* 3 Si les hommes se battent pour détruire, faire mal, tuer, pour accaparer des ressources naturelles, des richesses ou des honneurs, c'est non seulement pour vivre ou en tirer avantage mais aussi pour priver les autres de ce qui leur est pris. Ce qui rejoint la thèse développée par Hobbes : si dans la vie sociale, "L'homme est un loup pour l'homme.", c'est parce que chaque homme est en conflit avec tous les autres d'une part par nécessité, afin d'assurer sa conservation, mais d'autre part aussi du fait de passions naturelles qui l'incitent à les violenter et à jouir de certains avantages à leurs dépends. En somme donc, si l'homme est violent, c'est par nature qu'il l'est.

* 4 Un grand poète peut se permettre d'exprimer, du moins sur le ton de la plaisanterie, des vérités psychologiques rigoureusement réprouvées. C'est ainsi que H. Heine nous l'avoue : « je suis l'être le plus pacifique qui soit. Mes désirs sont : une modeste cabane avec un toit de chaume, mais dotée d'un bon lit, d'une bonne table, de lait et de beurre bien frais avec des fleurs aux fenêtres ; devant la porte quelques beaux arbres ; et si le bon Dieu veut me rendre tout à fait heureux, qu'il m'accorde de voir à peu près six ou sept de mes ennemis pendus à ces arbres. D'un coeur attendri, je leur pardonnerai avant leur mort, toutes les offenses qu'ils m'ont faites durant leur vie - certes on doit pardonner à ses ennemis, mais pas avant qu'ils soient pendus »

* 5 S. Freud, Malaise dans la civilisation, coll. « Les classiques des sciences sociales », 2002, trad. de l'allemand par J. Odier, P. 37.

* 6 C'est sur ce postulat que le droit reconnaît une exception au principe du droit commun exprimé par l'expression latine neminem laedere. « S'il est en principe interdit de nuire à autrui, la concurrence qui est une compétition, une lutte, suppose la reconnaissance d'un droit de nuire. L'opérateur qui met sur le marché un produit nouveau ou qui le propose à un prix plus inférieur, nuit indéniablement à ces concurrents. A tel point que son attitude peut avoir pour conséquence la mort économique des entreprises concurrentes. Pourtant cette agression économique ne sera pas fautive si elle respecte les règles qui gouvernent les comportements des entreprises sur le marché. L'ordre public concurrentiel suppose la reconnaissance du droit de nuire car il est inhérent à l'exercice du droit de faire concurrence » C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 21.

* 7 Il n'est pas douteux que le droit de la concurrence est le droit de la compétition, au sens que les économistes donnent à ce terme. En témoigne la traduction anglaise du droit de la concurrence : competition law.

* 8 Le raisonnement économique qui sous-tend la confiance faite au jeu de la concurrence est connu : D'abord, la compétition entre les opérateurs doit les conduire à utiliser les facteurs de production de la façon la plus efficace et la moins onéreuse pour la collectivité. Ensuite, la concurrence tend à abaisser les prix jusqu'au coût minimal de production. Elle tend à ajuster l'offre de produits et de services à la demande. Elle pousse à l'innovation. J. B. Blaise, Droit des affaires, Commerçant, concurrence, distribution, LGDJ, 1998, n° 701, p. 373.

* 9 Tel est le postulat du fondateur de l'économie libéral Adam Smith, qui présente ce système spontané dans les termes suivants : « Chaque individu s'efforce d'utiliser son capital de telle manière que la valeur de son rendement soit la plus grande possible. Généralement, il n'a pas du tout, l'intention de promouvoir l'intérêt public, pas plus qu'il n'a l'idée de la mesure dans laquelle il est en train d'y contribuer. Ses seuls objectifs sont sa propre sécurité et son gain personnel. Et, dans cette affaire, il est conduit par une main invisible à poursuivre une fin, ce dont il n'avait absolument pas l'intention. Il arrive fréquemment, qu'en recherchant son intérêt propre, il favorise beaucoup plus celui de la société que lorsqu'il a réellement l'intention de la promouvoir. » v. : A. Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, coll. « Les classiques des sciences sociales », traduit par G. Garnier, 1881, Format PDF. Disponible sur : < http://classiques.uqac.ca>

* 10 A l'inverse de certains économistes libéraux comme l'autrichien F. V. Hayek.

* 11 « La ligne de conduite libérale adoptée officiellement par le Maroc dès les conférences de Madrid en 1880 et d'Algésiras en 1906 a connu des bouleversements profonds à l'occasion de la crise économique de 1929 et plus encore avec la guerre mondiale de 1939-1945. Un véritable dirigisme économique a été instauré à travers la réglementation de la quasi-totalité des prix et le contrôle sévères des opérations de change. Au lendemain de l'indépendance et malgré les conformations multiples de l'option libérale du pays. Cette situation est maintenue. En effet, les besoins énormes de construction économique et de préparation prudente du pays ont justifié la poursuite de l'interventionnisme étatique. Il faudra attendre le milieu des années 1980 pour voir engager des réformes qui vont aboutir à l'adoption de la loi sur la liberté des prix et la concurrence d'une part et la conclusion des traités avec l'Union Européenne ainsi que la participation à l'acte de Conférence Mondiale sur le commerce à Marrakech d'autre part ».  M. D. A. Machichi, Droit commercial fondamental au Maroc, FEDALA, 2006, p. 50.

* 12 Ce changement du rôle de l'Etat a été critiqué par F. V. Hayek, qui soutenait que, la socialisation de l'économie et l'intervention massive de l' État sur le marché débouchent sur la suppression des libertés individuelles. Le pouvoir coercitif de l'État transforme toute question économique ou sociale en question politique. Il considère qu'il n'existe pas de différence de nature mais seulement de degré entre le communisme et son imitateur le nazisme, entre socialisme et totalitarisme.

* 13 « Ces libéraux voient précisément dans l'Etat-providence, le mariage contre nature du libéralisme politique et de l'antilibéralisme économique, moral et social, bien quez développé dans le cadre d'une démocratie libérale, il en est pour eux, une perversion ». V. Valentin, Les conceptions néolibérales du droit, Th. Economica, 2002, p. 6. « Cette critique de l'interventionnisme est-elle l'expression d'un néo-libéralisme ? L'expression n'est pas neutre ; on ne peut l'employer qu'aux prix de certaines réserves. Aujourd'hui rarement revendiqué par les libéraux eux-mêmes, elle a la plupart du temps une connotation critique : synonyme d' « ultra », elle est utilisée par ses détracteurs pour marquer une rupture entre le libéralisme des débuts, fondateur de la démocratie et de l'Etat de droit, et le libéralisme contemporain, donné comme perdu dans un délire pro-capitaliste. Dans ce cadre polémique, son emploi est réducteur : il cache d'une part le lien profond entre les dimensions politique et économique du libéralisme, d'autre part la continuité entre le libéralisme classiques et ses représentants contemporains. Ibid, p. 10

* 14 C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 5. A noter que les mêmes auteurs modèrent cette opinion. Ainsi, selon eux : « on ne peut donc accepter de consacrer ce que certains appellent la « dictature du marché » car, dans cette direction aussi, l'échec serait programmé. [...] faut-il alors choisir entre la peste et le choléra ? » Loc. cit..

* 15 « C'était reconnaître, plus de deux siècle plus tard, combien Adam Smith était raison lorsqu'il remarquait que ce n'est pas de la vertu du boucher ou de boulanger que nous attentons la satisfaction de nos besoins, mais de l'avantage qu'il trouve à les satisfaire. Et la concurrence qui se livreront deux bouchers permettra, en principe, une meilleure allocation de ressources, c'est à, dire en l'espèce, une baisse des prix et ou une augmentation de la qualité ou du service ». Pour plus de précisions sur le retour au libéralisme et la diffusion des idées néolibérales, v. : V. Valentin, Les conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 233 et s.

Ce mouvement n'a gagné le Maroc qu'à partir de la fin des années quatre-vingts, notamment par la politique de privatisation et de libéralisation des secteurs considérés auparavant comme stratégiques. La déclaration gouvernementale devant le Parlement présentée le 21 novembre 2002, par le Premier ministre M. Driss Jetou, illustre parfaitement ce nouveau rôle de l'Etat. REMALD n°47-2002 p 141. Pour plus de détails v. aussi : M. Rousset, « Politique administrative et développement au Maroc 1956-2004 », Communication présentée au séminaire organisé par l'Union International des Avocats. L'Association des Barreaux du Maroc et le Bureau de Marrakech à Marrakech les 7 et 8 mai 2004, format PDF, disponible sur : < http://doc.abhatoo.net.ma >

* 16 . Ainsi, comme le présenter un auteur dans sa thèse : « Le rayonnement de la démocratie et du capitalisme semble conférer au libéralisme un caractère hégémonique. [...]. Si les antilibéraux radicaux qui contestent tous les visages du libéralisme - politique, économique et moral - ont disparu, le libéralisme intégral, qui plaide pour une régulation intégralement assurée par le marché, demeure marginal » V. Valentin, Les conceptions néolibérales du droit, op. cit., p. 5, spéc. P. 233 et s.

* 17 Les règles qui permettaient le fonctionnement du marché étaient la consécration d'un droit naturel qui aurait été d'ailleurs par le temps et dans la création duquel l'Etat airait eu peu ou pas de part, sinon dans sa codification et dans sa sanction. F. V. Hayek, a systématisé cette doctrine en opposant les règles du marché où de l'ordre spontané, faites de normes abstraites sans objectifs concret spécifique, en ce sens qu'elles se bornaient à fixer un cadre pour la prise en considération des objectifs individuels et des règles concrètes poursuivant des objectifs d'intérêt général et transformant l'ordre social en organisation, et en considérant que les règles de droit abstraites, générant un ordre de droit spontané, étaient elles même le résultat d'un ordre spontané que l'Etat ne faisait tout au plus que constater, alors que les règles concrètes qui régissent une organisation, sont les résultats d'un constructivisme Etatique.

* 18 Même les économistes socialistes avant leur renonciation à l'illusion communistes, avaient cherché à installer une dose variable de concurrence dans des schémas qui pourtant étaient en contradiction radicale avec la logique libérale. Pour plus de détail v. : J. Schumpeter, Capitalisme, socialisme et démocratie, coll. « Les classiques des sciences sociales », 2000. Format PDF. Disponible sur : < http://classiques.uqac.ca>

* 19 M. I. A. Machichi. Droit commercial fondamental au Maroc, op. cit.,, p. 36.

En France, le principe de la liberté d'entreprendre n'a pas reçu une consécration constitutionnelle, mais le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982, relative aux nationalisations, a cependant désigné la liberté d'entreprendre comme une règle de valeur constitutionnelle. v.. J.-Y, Chérot, op. cit., p. 29 et s.

* 20« On peut affirmer que l'Etat providence a disparu laissant la place à l'Etat régulateur ou l'Etat arbitre » A. Bekkali, « Libéralisation et mutation du service public au Maroc », Mélange M. J. ESSAID, T.3, NAJAH ELJADIDA, 2007, P 148.

* 21 « L'ouverture internationale ainsi que la mondialisation ont accentué l'instabilité des marchés nationaux. Le niveau général de concurrence a eu tendance à s'élever. Ce vaste mouvement de cloisonnement des marchés a bouleversé la donne économique, en même temps qu'il a induit de nouveaux comportements de la part des entreprises qui ont vu s'ouvrir à elles de nouvelles perspectives. Les politiques de concurrence ont pris peu à peu le relais de politiques nationales dirigistes. Progressivement les marchés ont été considérés en tant que tels et la protection de la concurrence est devenue essentielle. Des règles de protection du marché, inspirées de celles existant depuis longtemps dans l'autre côté de l'atlantique, ont été édictées dans la majorité des Etats de l'Union Européenne ainsi que dans plusieurs pays en voie de développement. Ces règles ont été ajoutées à la simple protection des droits subjectifs des concurrents que permettait la traditionnelle action en concurrence déloyale. Dans le même temps, la manière de considérer les stratégies des entreprises a évolué. La volonté de nuire, ou à tout le moins la faute, fondement de l'action en concurrence déloyale, ne pouvait demeurer le critère d'intervention du droit. Protéger la concurrence sur un marché implique de rechercher les effets de comportements des concurrents quelle que soit la volonté de l'opérateur ». C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 693.

* 22 M.-S. Payet, Droit de la concurrence et de la consommation, Th. Dalloz 2001, n°63, p. 117.

* 23 Dans de nombreuses études récentes, centrées sur les grandes entreprises, il est considéré que les entreprises les plus performantes sont celles qui se comportent de façon agressive avec ses concurrents. Voir par exemple : F. le Roy, « Agressivité concurrentielle, taille de l'entreprise et performance », Xème conférence de l'association internationale de management stratégique, 2001, P.10.

* 24 « La compétition engendre des prix si ajustés à la demande que les bénéfices pour les offreurs des biens et services finissent par disparaître, les conduisant à la faillite. En outre la compétition récompense l'entreprise la plus performante, la plus innovante, et dont les produits offerts sont le plus en adéquation avec la demande. A l'inverse, les entreprises non adaptées disparaissent ». M. A. Frison-Roche, S. Bonfils, Les grandes questions du droit économique, op. cit., P.358

* 25 A noter qu'à ce mouvement naturel de marché s'ajoutent les concentrations voulues par les opérateurs pour leurs avantages économiques, le droit dit « antitrust » s'efforce s'appréhender ces phénomènes.

* 26 « Si le marché permet la confrontation de l'offre et de la demande, cette confrontation n'a de sens que pour aboutir à la réalisation d'une « transaction » entre l'offreur et le demandeur (le juriste préférera parler d'une « opération » puisque la transaction est un contrat nommé par le code civil qui ne présente aucun rapport avec une vente ou une prestation de services). Le but du marché est de permettre les échanges (là encore au sens économique et non pas au sens économique et non pas au sens du code civil ». C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 678.

* 27 L'article 230 dudit Dahir dispose : « Les obligations contractuelles valablement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, et ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou dans les cas prévus par la loi ».

* 28 « Ainsi, les plus rudimentaires des échanges économiques ne se réalisent pas sans contrat. Le fait économique se repose sur une construction juridique qui, pour rester le plus souvent, sous-jacente au rapport de marché, lui donne la sécurité que tous les opérateurs attendent de l'organisation juridique des rapports économiques. Il n'en va pas de même pour les transactions plus sophistiquées qui caractérisent les économies dites avancées. Car, alors le facteur juridique devient l'un les déterminants de l'opération sans le droit beaucoup d'opérations seraient économiquement impossible, faute de détermination suffisante de leurs termes essentiels. Alors le facteur juridique devient un élément constitutif de l'opération, on craint que le consommateur ne soit pas capable de le saisir ou d'en apprécier les conséquences ». C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, loc. cit..

* 29 « C'est de cette corrélation que résulte le droit de la concurrence » M. A. Frison-Roche et M. S. Payet, Droit de la concurrence, Dalloz, 2006, n° 21. p. 23.

Pour une réflexion sur la place du contrat dans les marchés concurrentiels et les marchés régulés, v. M. A. Frison-Roche, « Contrat, concurrence, régulation », R.T.D.civ, 2004, p. 451 ; F. Dreifuss-Netter, « Le droit de la concurrence et droit des obligations » R.T.D.civ. 1990. 369-393 ; Droit du marché et droit commun des obligations, R.T.D.com. 1998.1-10 et spéc. B. Fages et J. Mestre, « L'emprise du droit de la concurrence sur le contrat », p. 71-81 ; R. Poesy, « Le conseil de la concurrence, juge du contrat », L.P.A, 20 oct. 2002. p. 4 et s. ; J. Rochefeld, « Nouvelles régulations économiques et droit commun des contrats », R.T.D.civ. 2001, p. 671 et s. ; N. Brunetti, Droit de la concurrence et droit des contrats, DEA, Monpelier, 1995, p. 40

* 30 Notamment des clauses de partage du marché ou des clauses de con concurrence.

* 31 A. Karimi, Les clauses abusives et la théorie de l'abus de droit, Th. LGDJ, t.306, n°38, p. 15, cité par L. Bruneau, Contribution à l'étude des fondements de la protection du contractant, th. Toulouse, 2005, n° 528, p. 446.

* 32 De fait, le passage d'une société rurale, mesurée et lente, à une société ayant pour moteur la sollicitation pressante des consommateurs a profondément transformé le contexte dans lequel évolue le droit des contrats. Face à une pratique contractuelle de masse marqué par l'essor d'une publicité tapageuse et omniprésente, l'apparition de méthodes de vente dites agressives, le développement d'un crédit qui dilue la perception du caractère onéreux de l'opération, la réalité socioéconomique démontre qu'à la formule de Fouillée « Qui dit contractuel dit juste » doit répondre celle de Lacordaire « Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui asservit, la loi qui affranchi ».

* 33 Le principe de la liberté contractuelle, fondé sur l'égalité des parties au contrat, était compatible avec le contexte dans lequel il a été adopté. Ce contexte est résumé par des auteurs comme suit : « A l'époque du code civil, la production comme le commerce conservait un caractère artisanal et familial, de telle sorte que, les relations contractuelles étaient généralement personnalisées. Certes, ces relations pouvaient revêtir un caractère inégalitaire. Mais cette inégalité n'était pas institutionnalisée, structurelle. Les contrats étaient le plus souvent conclus à la suite d`une négociation qui permettait aux parties d'en fixer les éléments essentiels. Or, à ce double point de vue, la société a connu une évolution maintes fois retracée ». F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit, civil, Les obligations, Dalloz, 2006, n° 34, p. 38.

* 34 C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 128.

* 35 M.-S. Payet, Droit de la concurrence et de la consommation, op. cit., n° 63, p. 117.

* 36 Car « la liberté de commerce n'est une faculté accordée aux négociants de faire ce qu'ils veulent ; ce serait plutôt sa servitude. Ce qui gène le commerçant, ne gène pas pour cela le commerce ». Cet avertissement de Montesquieu (De l'esprit des lois, livre XX, chap. 12) recèle toute l'ambigüité qui caractérise encore aujourd'hui la liberté des opérateurs sur le marché.

* 37 C. Lucas de Leyssac, G. Parleani, Le droit du marché, op. cit., p. 481.

Cf. infra n° 37 et s.

* 38 M. A. F. Roche, S. Bonfils, Les grandes questions du droit économiques, op. cit., 2005, P.358.

* 39 « La règle de droit est inséparable du processus concurrentiel. Les marchés ne se passent pas de règles ». M. A. Frison-Roche et M. S. Payet, Droit de la concurrence et droit de la consommation, op. cit., n° 7, p. 9.

* 40Dahir n° 1-00-225 du 2 rabii I 1421 (B.O. du 6 juillet 2000)

La loi 06-99 sur la liberté des prix et de la concurrence vient combler un vide juridique et institutionnel et ainsi remédier aux insuffisances de celle du 12 Octobre 1971 portant sur le contrôle des prix et les conditions de détention et de vente des produits et marchandises. Ladite loi, à côté de plusieurs textes législatifs et règlementaires éparpillés, dont il serait fastidieux de présenter la liste exhaustive dénotent de l'option adoptée par le Maroc. Libéralisation progressive, privatisation, déréglementation, implication du privé dans la gestion des affaires publiques ; « Cette loi a pour but la redéfinition du rôle de l'Etat dans l'économie et l'instauration d'un environnement économique compétitif. Ainsi, Depuis la publication de cette loi, l'action dirigiste de l'Etat ne peut plus avoir lieu que dans des conditions et des situations exceptionnelles ». Pour plus de détail v. : M. D. A. Machichi, Droit commercial fondamental au Maroc, op.cit., p. 207 et s ;

* 41 « Sous cet angle, le droit de la concurrence considère la concurrence comme une donnée acquise et il se préoccupe surtout d'en limiter les excès [...] et il sanctionne la concurrence excessive, celle qui utilise des moyens contraires à une certaine éthique commerciale. ». J. B. Blaise, Droit des affaires, commerçants, concurrence, distribution, op. cit., n° 620 p. 323 ; Il s'agit de la théorie de la concurrence déloyale, oeuvre du juge à travers l'application des règles de la responsabilité civile, spécialement l'article 84 du D.O.C. ; En France, les premières règles du droit de la concurrence sont l'oeuvre de la jurisprudence. Dès la fin du XIX siècle. En se fondant sur les articles 1382 et 1383 du code civil, les juges ont élaboré la théorie de la concurrence déloyale. L'enjeu n'est pas de défendre la libre concurrence. L'on considère que la concurrence et naturelle, vive et qu'en quelque sorte elle se défend toute seule. Il s'agit plutôt de sanctionner les actes considérés comme abusifs dans l'activité concurrentielle. Pour plus de détail v. Y. Serra, « Concurrence déloyale », Rép. com. Dalloz 2005.

* 42 Le préambule de la loi 06-99 dispose « La présente loi a pour objet de définir les dispositions régissant la liberté des prix et d'organiser la libre concurrence. Elle définit les règles de protection de la concurrence afin de stimuler l'efficience économique et d'améliorer le bien-être des consommateurs. Elle vise également à assurer la transparence et la loyauté dans les relations commerciales ».

* 43 Dans cette approche, la règle juridique est posée pour répondre à un besoin, elle a un but. Dans le droit de la concurrence ce but est externe à la règle et même à la discipline. Dans cette mesure, le droit de la concurrence peut être conçu comme un instrument pour assurer le bon fonctionnement du marché afin d'atteindre une finalité plus profonde qui est le bien être des individus. Cette nouvelle forme d'instrumentalisation de la règle du droit a inauguré une nouvelle forme de classification du droit. Ainsi, selon le professeur J. Calais-Auloy : « La classification traditionnelle, fondée sur la nature des règles (droit civil, droit pénal, procédure, etc.) doit être combinée avec une classification transversale plus récente, dictée par la fonction des règles juridiques ; [...] le droit de la consommation et le droit de la concurrence appartiennent à cette seconde classification. J. Calis-Auloy, « L'influence du droit de la consommation sur le droit civil des contrats », RTD.civ 1994, p. 239.

* 44 Le début de la société de consommation de masse remonte en effet, dans les pays européens, aux années d'après guerre. C'est à cette époque que la société de consommation est devenue ce qu'elle est à l'heure actuelle : « une société d'abondance ». « Parallèlement l'on a assisté, notamment, au développement de crédit comme instrument de consommation. Les contrecoups de cette évolution relativement rapide sur la liberté du consommateur ne vont pas être négligeables. L'état d'abondance relative comporte des implications considérables et perceptibles à chacun d'entre nous pour l'exercice de la liberté de choix de consommateurs ». N. Chardin, Le contrat de consommation de crédit et l'autonomie de la volonté, Th. LGDJ, 1988. n° 18, p. 23.

* 45 Diffuse, les séductions et les pressions procèdent de cet environnement ne sauraient le plus souvent s'analyser en un dol ou une violence, ne pourraient-elle qu'il faudrait encore agir en justice et démontrer l'existence du vice, des marches lentes et onéreuses, si l'on considère l'enjeu souvent assez limité du contrat.

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