CHAP.I. LES PRINCIPAUX INTERVENANTS DANS LA PROTECTION
DES TEMOINS DEVANT LA CPI
Section 1ère : LA DIVISION D'AIDE AUX TEMOINS ET
AUX VICTIMES (DATV)
La CPI n'a pas de juridiction pour ordonner aux témoins de
comparaître. Cette disposition résulte d'un des compromis faits
à Rome lorsque le statut a été
finalisé.6
Le statut tente toutefois d'équilibrer cette situation en
procurant une protection rigoureuse aux témoins qui acceptent de
déposer devant la Cour, et en particulier aux victimes.
Ainsi, la Cour prendra, au sein du greffe, une décision
spéciale d'aide aux témoins et aux victimes7 dont nous
aurons à analyser l'organisation (§1) et le mandat (§2).
§1. Organisation de la DATV
Dans le souci de saisir l'apport de la division dans
l'efficacité de la protection des témoins, il est question, sous
ce paragraphe, d'étudier le personnel de la DATV (A) avant de faire une
vue sur sa localisation (B).
A. Le personnel de la DATV
D'après l'art.43 (6) du statut de Rome, le greffier
crée, au sein du greffe, une DATV. Cette division est composée
d'un personnel dont les conditions de nomination, de rémunération
et de cessation des fonctions, en accord avec la Présidence et le
Procureur, sont fixées par le greffier (art.44 (1 et 2) sur base de
certaines compétences particulières, selon le besoin, dans des
domaines tels que, la protection et la sécurité des
témoins,
les aspects psychologiques des procédures pénales,
la spécificité et la diversité culturelle, l'assistance
sociale, etc. (art.19, R.p.p)8
Bref, l'art.19 du règlement de procédure et de
preuve de la CPI exige que la DATV soit composée d'un personnel
qualifié.
6 << La cour pénale internationale, Manuel de
ratification et de mise en oeuvre du statut de Rome », in Droits et
Démocratie et CIRDC, Vancouver, mai 2000, p.72 et 73.
7 Art. 43-6), statut de Rome de la CPI.
8 << Règlement de procédure et de preuve de
la CPI », Newyork, 3/10 septembre 2002 in Documents officiels
ICC-ASP/1/3 ART.19, P.85.
L'interprétation de cette disposition dans la pratique est
problématique.
Dans plusieurs rapports de la Fédération
Internationale des ligues des Droits de l'Homme (FIDH), notamment celui de la
CPI à l'Assemblée des Etats parties du 6 au 10 septembre 2004
(3ème session)9 ; il a été
démontré que la protection des témoins est apparue comme
un problème logistique majeur de la cour. Mais, poursuivent les
rapports, le problème le plus critique affectant ses activités
reste le manque du personnel ayant une expérience dans le domaine de la
protection des témoins dans le cadre des procès pénaux.
Le rapporteur précise par ailleurs, qu'il faut
distinguer ce qui relève de la gestion (management) des témoins
qui présente ;
1°) L'organisation du transport,
2°) L'organisation du logement et autres soutiens
logistiques,
3°) La mise en place des mécanismes de soutien
psychologique, social et médical, que, de l'avis du rapporteur, <<
la division effectue très bien à tout point de vue » et
c'est ce qui est d'ailleurs du ressort de la protection proprement dite des
témoins, c'est-à-dire, veiller à la sécurité
du témoin avant, pendant et après le procès, ce que la
division ne peut faire actuellement sans personnel
expérimenté.10
Les différents rapports convergent dans leurs
recommandations à la CPI, de recruter des personnes jouissant au niveau
national, d'une expérience en matière de protection des
témoins. Mais ils précisent néanmoins que, certes, la
procédure pour protéger les témoins de la CPI est
différente de la protection des témoins au plan national, ce qui
est évident. Cependant, souligne l'Action Contre l'Impunité pour
les Droits Humains (ACIDH), beaucoup de leçons peuvent en être
tirées11.
Par ailleurs, soulignons-le, le greffier, tout en
précisant que la Division compte des personnes qui ont une formation de
police judiciaire ou une formation militaire pour l'efficacité dans les
services qu'elle rend pour les témoins à la Cour, a engagé
une coopération étroite avec les Etats qui ont promis d'organiser
un système de protection efficace en leur recommandant de s'inspirer de
certains programmes nationaux de protection des témoins ayant connu du
succès, tels ceux de l'Australie, de l'Italie ou encore des
Etats-Unis.12
9 << Garantir l'effectivité des droits des victimes
», rapport de position n° 9 CPI, F.I.D.H, 6/10 septembre 2004
P.12 disponible sur
www.fidh.org.
10 Ibidem, p.13.
11 ACIDH, << Rapport général du
séminaire sur les droits des victimes devant la CPI »,
ACIDH, Lubumbashi, Juillet 2005, p.3 disponible également sur
www.acidhcol.com.
12 www.icc-cpi.int. <<CPI, Les
témoins et les victimes» 5/7/2012.
Enfin, le Greffier a posé les critères qui, de
son avis, devront désormais présider dans le recrutement du
personnel de la Division ; << l'expertise et l'expérience
exigées pour un travail efficace d'assistance aux témoins est le
produit de la combinaison d'une qualification juridique, d'une
expérience de terrain en matière opérationnelle,
couplée à une expérience dans le domaine de la
sécurité policière ou militaire, à un entrainement
sociopsychologique et à un grand sens de la discrétion, du tact
(...) >>13
Cette définition de la << qualification >>
, bien que suffisamment large nous semble cependant incomplète en ce
sens qu'elle met une autre condition essentielle de côté pourtant
érigée par le Règlement de procédure et de preuve,
en faveur d'une catégorie particulièrement vulnérable des
témoins ; il s'agit des victimes de viols et violences sexuelles, les
victimes ou témoins traumatisés, les enfants ou les personnes
âgées.14
De plus, les singularités socioculturelles liées
à chaque Etat et l'absence d'une culture de protection des
témoins dans certains pays comme la RDC, limitent
considérablement l'apport éventuel de ces spécialistes de
la protection des témoins.
S'il est vrai, en effet, que la cour aurait beaucoup
d'enseignements à tirer de ces programmes nationaux ainsi que de ces
différents rapports, l'impossibilité de les importer dans le
contexte général de la CPI suivant les spécificités
des affaires et selon les pays, montre les limites d'une telle
argumentation.
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