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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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B/ Le dépassement de la limite affectant le fondement

L'article 13 « ne s'applique qu'en présence d'allégations de violations de la Convention constituant des griefs défendables au sens de sa jurisprudence >> 119 . Cette règle limite considérablement l'application de l'article 13 qui consacre pourtant un droit important pour les demandeurs d'asile, celui d'un recours effectif. La Cour EDH a donc permis une extension de cette dépendance obligatoire à un autre grief. La nécessité d'être combiné avec un grief défendable ne facilite pas la pleine effectivité de l'article 13 de la Convention.

117 Cour EDH, 5e Sect., 30 juin 2011, De Souza Ribeiro c. France, Req. n° 22689/07, § 43.

118 Ibid. § 42

119 V. par exemple Cour EDH, 1e Sect. 5 avril 2011, Rahimi c. Grèce, Req. n° 8687/08.

Quel est le degré de dépendance du grief tiré de l'article 13 par rapport à celui tiré de l'autre article ? Telle est la difficulté car il n'est pas impossible que le grief tiré de l'article invoqué en combinaison de l'article 13 ne soit pas recevable ou n'emporte pas violation. Si la règle était strictement appliquée, il s'ensuivrait un déni automatique du grief tiré de l'article 13 en ces cas là. Mais la Cour européenne a dégagé des solutions qui permettent de conserver une certaine effectivité dans l'application de l'article 13 de la Convention.

Elle a rappelé maintes fois que l'article 13 de la Convention garantit l'existence en droit interne d'un recours permettant de se prévaloir des droits et libertés de la Convention tels qu'ils y sont consacrés. Cette disposition a donc pour conséquence d'exiger un recours interne habilitant à examiner le contenu d'un « grief défendable » fondé sur la Convention et à offrir le redressement approprié. Ainsi, l'article 13 ne peut être invoqué seul. Il doit impérativement être combiné avec un autre article.

Or, il semble que l'exigence d'un recours effectif contre une mesure d'éloignement ou d'expulsion qui en découle n'est consacrée que pour les cas où il est concomitamment allégué que l'exécution de cette mesure exposerait le requérant à des traitements contraires à l'art 2 ou 3120. Les principes généraux relatifs à l'effectivité des recours et des garanties fournies par les Etats contractants en cas d'expulsion d'un demandeur d'asile en vertu des articles 13 et 3 combinés de la Convention sont résumés dans l'arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce121. En effet, comme l'article 3 est le fondement principal de la protection du droit d'asile, c'est lui qui est naturellement combiné avec l'article 13 de la Convention.

Cependant d'autres combinaisons sont également retenues. Il est particulièrement intéressant de souligner la jurisprudence récente qui a admis la combinaison de l'article 13 avec l'article 8 qui consacre le droit à une vie privée et familiale normale.

Cette jurisprudence unique est celle de l'arrêt De Souza Ribeiro contre France de 2011122. Une des originalités de cet arrêt se trouvait dans le seul examen de la recevabilité, concernant justement l'obligation pour l'article 13 d'être invoqué en combinaison d'un grief défendable. La question était de savoir si l'article 13 peut être invoqué en combinaison d'un grief jugé irrecevable. La Cour a fait le choix d'accepter la recevabilité du grief tenant à l'article 13 combiné avec l'article 8 alors même que le grief tenant à l'article 8 pris isolément n'était plus recevable du fait de la réparation anticipée de la violation par les autorités. Le requérant ne pouvait plus être considéré comme victime au sens de l'article 34 de la Convention à partir du

120 Arrêt Gebremedhin [Gaberamadhien] précité ; Cour EDH, 18 Novembre 2010, Boutagni c. France, Req. no 42360/08 ; Cour EDH, 1ère Sect. 7 juin 2011, R.U. c. Grèce, Req. n° 2237/08.

121 Arrêt M.S.S. c. Belgique et Grèce, précité.

122 Cour EDH, 5e Sect. 30 juin 2011, De Souza Ribeiro c. France, Req. n° 22689/07.

moment où son expulsion avait été empêchée par la délivrance d'une carte de séjour portant la mention << vie privée et familiale123 ». Il s'ensuit que son grief tiré de l'article 13 aurait du, selon la jurisprudence de la Cour à propos de cet article, être rejeté sur le même fondement, à savoir la perte de la qualité de victime. Toutefois, la Cour en a décidé autrement. Pour cela, elle s'est appuyée sur des considérations temporelles. Selon la Cour strasbourgeoise, il fallait se placer << au moment où le requérant a été reconduit à destination du Brésil124 », c'est-à-dire au moment de l'expulsion. Or, il y avait bien un problème qui se posait à ce stade sur le terrain de l'article 8. Le grief de violation de l'article 8 était toujours invocable. La Cour en conclut qu'il est tout à fait possible de << poursuivre l'examen au fond du grief tiré de l'article 13 de la Convention combiné avec l'article 8 125 ». Ainsi, la Cour ouvre la voie à des condamnations sur le terrain de l'article 13 lorsqu'il a été violé à un moment où la violation d'un autre article était bien démontrée, peu importe le fait que le grief tiré du seul article en question n'ai pas été jugé recevable par ailleurs126.

Une autre solution qui permet d'améliorer l'effectivité de l'article 13 a été envisagée par la Cour européenne.

En effet, dans l'arrêt I.M. contre France, la Cour a permis au requérant d'invoquer l'article 13 qui consacre le droit à un recours effectif, alors même que la procédure en question avait été dépassée et que la violation avait été consommée. Il s'agissait de la question des recours en cas de placement en procédure prioritaire. Cette procédure française particulièrement désavantageuse permet un examen accélérée des demandes d'asile. Le requérant avait obtenu le statut de réfugié bien après la dernière décision rendue par les autorités internes à la suite du recours qu'il a exercé et dont il dénonce l'ineffectivité devant la Cour. La violation alléguée de l'article 3 de la Convention avait donc déjà été réparée puisque l'éloignement ne pouvait plus avoir lieu. Cependant, la Cour souligne que seule l'application de l'article 39 de son règlement a pu suspendre l'éloignement du requérant, pour lequel un laissez-passer avait déjà été émis par les autorités soudanaises après la présentation du requérant devant celles-ci. Cet article 39 permet à la Cour de prendre des mesures provisoires. Or c'est uniquement grâce au maintien du requérant sur le territoire français, en vertu d'une telle mesure, que la CNDA a pu poursuivre l'examen de la demande du requérant127. En effet

123 Ibid. § 24

124 Ibid § 32

125 Ibid § 33

126 Voir Nicolas Hervieu, << Conventionalité de l'absence de recours suspensif contre une mesure d'expulsion

<< seulement » susceptible d'affecter la vie privée et familiale » in Lettre « Actualités Droits-Libertés » du CREDOF, 1er juillet 2011.

127Arrêt I.M. c. France, précité, § 33.

le recours devant cette CNDA n'avait pas de caractère suspensif dés lors que le requérant avait été placé en procédure prioritaire. De ce fait, le requérant ne pouvait plus se prétendre victime d'une violation au regard de l'article 3 de la Convention mais la question de la violation au regard de l'article 13 restait actuelle.

En effet, le risque de traitement contraire à l'article 3 présentait << un degré suffisant de crédibilité >> au moment où la procédure interne litigieuse s'est déroulée128. Dès lors, la Cour a effectivement jugé que l'intéressé n'avait pas perdu sa qualité de << victime >> de la violation alléguée de l'article 13 combiné avec l'article 3. Selon la jurisprudence de la Cour, pour qu'une décision ou une mesure favorable au requérant suffise à lui retirer la qualité de victime, il faut en principe que les autorités nationales aient reconnu, explicitement ou en substance, puis réparé la violation alléguée de la Convention. Or ces conditions n'étaient pas remplies s'agissant du grief tiré des articles 13 et 3 combinés.

Du point de vue de l'article 13, la violation avait eu lieue sans qu'il soit possible de revenir dessus, alors qu'une violation alléguée de l'article 3 peut évoluer, le risque de traitements inhumains ou dégradants pouvant apparaitre puis disparaitre. Lorsque le risque de renvoi vers le Soudan a été levé, et qu'ainsi le requérant a perdu la qualité de victime, le défaut d'effectivité des voies de recours disponibles en cas de placement en procédure prioritaire existait. La Cour a ainsi déjoué une fois de plus le fait que le grief tiré de l'article 3 isolé n'était plus défendable en raison de la disparition de la violation grâce à une appréciation du grief tiré de l'article 3 au moment où le recours aurait du être effectif en vertu de l'article 13.

Le fait que la violation ait disparue en raison du seul fait de la mesure provisoire prononcée par la Cour a en outre encouragé celle-ci à dégager une solution pour que la violation alléguée de l'article 13 soit examinée. Les mesures provisoires apparaissent trop souvent comme un substitut à la mise en place de recours suspensifs par les Etats. Il fallait donc trancher la question de la violation du droit à un recours effectif afin que la France prenne ses responsabilités.

Ce même raisonnement concernant l'indissociabilité de l'article 13 aux autres articles de la Convention avait été retenu par la Cour EDH dans l'arrêt Gebremedhin. La Cour a jugé qu'elle n'était pas d'accord avec la thèse selon laquelle << l'article 13 étant indissociable des articles de la Convention auxquels il se combine, le requérant ne peut plus se dire victime d'une violation de l'article 13 combiné avec l'article 3 dès lors qu'il n'est plus victime de la violation alléguée de cette dernière disposition 129>>.

128 Ibid. §100.

129 Arrêt Gebremedhin, précité, § 56.

Elle avait aussi considéré que la violation alléguée sur le terrain de l'article 13 était « consommée » c'est-à-dire qu'elle avait eu lieue et qu'elle était irréversible au moment où le risque de renvoi vers l'Erythrée avait disparu.

Ainsi le requérant n'avait pas perdu la qualité de victime en vertu de l'article 13 même s'il l'avait perdu en ce qui concernait le grief tiré de l'article 3 pris isolément.

Cette jurisprudence qui atténue la dépendance de l'article 13 aux autres articles de la Convention renforce considérablement son efficacité, tout comme la définition que la Cour a donné de l'effectivité du recours, se rapprochant sensiblement de la protection offerte sur le terrain de l'article 6 et offrant même l'assurance d'un caractère suspensif.

Ces droits procéduraux ainsi découverts en faveur des demandeurs d'asile grâce à l'article 13 de la Convention sont d'une importance capitale pour que le droit d'asile existe lui-même, c'est également ce constat qu'il est possible de dresser concernant les droits issus de l'article 5 de la Convention.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault