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Le droit d'asile et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

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par Clémentine PLAGNOL
Université Montesquieu Bordeaux IV - Master II droit communautaire et européen 2012
  

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Paragraphe 2. La protection du droit au respect de la liberté

La Cour fait une utilisation récurrente de l'article 5 § 1 de la CEDH pour venir encadrer les conditions de détention des demandeurs d'asile. Selon cet article : « Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté [...] ». L'article 5 § 1 de la CEDH pose comme principe la liberté physique de la personne, de sorte que nul n'en soit privé de manière arbitraire. Mais cette règle générale peut souffrir d'exceptions qui sont prévues aux alinéas a) à f) de l'article 5 § 1. L'exception posée à l'alinéa f) permet aux Etats de restreindre la liberté des étrangers dans le cadre du contrôle de l'immigration130. Ainsi, les Etats ont la faculté de placer en détention des candidats à l'immigration ayant sollicité - par le biais d'une demande d'asile ou non - l'autorisation d'entrer dans le pays. Cependant, des conditions entourent cette dérogation au principe du droit à la liberté et à la sûreté. L'enfermement doit effectivement être à la fois approprié (A) et proportionné (B).

130 Arrêt Saadi , § 64.

A/ Un enfermement régulier

La privation de liberté doit être « régulière » selon la Cour européenne. Cela implique nécessairement qu'il existe une base légale à la détention (1), mais la Cour va plus loin en exigeant que cette base légale soit de qualité (2).

1) L'existence d'une base légale

L'enfermement des étrangers est autorisé par les juges européens. En effet les Etats jouissent du « droit indéniable de contrôler souverainement l'entrée et le séjour des étrangers sur leur territoire 131 » et ont la faculté de placer en détention des étrangers, notamment demandeurs d'asile. Toutefois, la Cour pose comme évidence que ce droit doit s'exercer en conformité avec les dispositions de la Convention132. Cette règle a été rappelée dans l'affaire Baranowski contre Pologne du 28 mars 2000. Ainsi la Cour s'en tient à son rôle qui est de contrôler le respect de la Convention EDH. Mais en ce qui concerne l'article 5§1 de celle-ci, le contrôle de la régularité de la mesure ne se fait pas seulement au regard de la Convention mais également du droit interne.

En effet, toute arrestation ou détention doit avoir une base légale en droit interne133, c'està-dire qu'elle doit se faire « selon les voies légales134 ». A l'alinéa f) de l'article 5§1, il est précisé que l'arrestation ou la détention doit être « régulière », comme le rappelle la Cour européenne dans sa jurisprudence. La question qui se pose est de savoir quelles sont les voies légales auxquelles la détention doit être conforme. La Cour exige d'abord que l'enfermement ait une base légale dans le droit national, c'est-à-dire le droit de l'Etat où la mesure d'enfermement a été prise.

Ce principe a été réaffirmé dans l'arrêt du 6 mars 2001, Peers et Dougoz contre Grèce. Le requérant se plaignait de l'illégalité et de la durée de sa détention. La Cour rappelle qu'en exigeant que toute privation de liberté soit effectuée « selon les voies légales », l'article 5 § 1 impose, en premier lieu, que toute arrestation ou détention ait une base légale en droit interne. La Cour pose effectivement l'obligation d'observer les normes de fond comme de procédure du droit national. Mais cette obligation varie selon l'existence ou non d'un lien direct avec la Convention EDH. En effet, les autorités nationales doivent interpréter et appliquer le droit

131 Cour EDH, 25 juin 1996, Amuur c. France, Req. n° 19776/92, § 41.

132 Ibid.

133 Ibid, § 50.

134 Article 5§1 de la Convention EDH.

interne, mais dans les matières où la Convention renvoie directement à ce droit c'est la Cour EDH qui contrôle le respect du droit interne. C'est l'existence d'une correspondance entre le droit interne et la Convention qui justifie ce contrôle. En ce cas là, << la méconnaissance du droit interne entraine [directement] celle de la Convention de sorte que la Cour peut et doit exercer un certain contrôle >>135. Le contrôle du droit interne se juxtapose ainsi en quelque sorte au contrôle classique de la Convention.

Cette exigence de régularité de l'enfermement au regard de la loi nationale est consolidée par la Cour qui insiste également sur la qualité de la base légale.

2) La qualité de la base légale

La cour a affirmé que pour rechercher si une privation de liberté a respecté le principe de légalité interne, il lui incombe d'apprécier non seulement la législation en vigueur dans le domaine considéré, mais aussi la qualité des normes juridiques applicables aux intéressés. Cette exigence de qualité renvoie à un principe classique en matière de droit international. Il s'agit du principe de sécurité juridique. La Cour parle de << prééminence du droit, notion inhérente à l'ensemble des articles de la Convention136 >> pour expliquer cette exigence particulière.

En effet, la qualité à laquelle fait référence la Cour européenne implique qu'une loi nationale autorisant une privation de liberté soit suffisamment accessible et précise afin d'éviter tout danger d'arbitraire137. Ceci s'applique aux mesures d'enfermement des étrangers mais tout particulièrement à celles qui s'adressent aux demandeurs d'asile. En effet, dans l'arrêt Amuur contre France la Cour a relevé l'importance du respect de la sécurité juridique en ce qui concerne des demandeurs d'asile << compte tenu notamment de la nécessité de concilier la protection des droits fondamentaux et les impératifs de la politique de l'immigration des Etats138 >>.

A l'occasion de cette affaire, la Cour a conclu que le système juridique français en vigueur à l'époque et tel qu'il a été appliqué dans cette affaire n'avait pas garanti de manière suffisante le droit des requérants à leur liberté. En l'espèce, des somaliens étaient maintenus dans la zone internationale de l'aéroport de Paris-Orly. La cour a estimé qu'au moment des faits, aucun texte ne permettait au juge judiciaire de contrôler les conditions de séjour des étrangers ni, au

135 Parmi d'autres, Cour EDH, 24 octobre 1979, Winterwerp c. Pays-Bas, Req. n° 6301/73, § 46, § 68.

136 Arrêt Amuur c. France, précité, § 50 ; Cour EDH, Dougoz c. Grèce, Req. n° 40907/98, § 55.

137 Ibid.

138 Ibid.

besoin, d'imposer à l'administration une limite à la durée du maintien litigieux et ne prévoyait un accompagnement juridique, humanitaire et social ni ne fixait les modalités et les délais d'accès à une telle assistance afin que soient assurées les démarches des demandeurs d'asile, tels que les requérants. Il y avait donc une détention arbitraire.

Dans l'arrêt Baranowski contre Pologne du 28 mars 2000139 la Cour confirme que lorsqu'il s'agit d'une privation de liberté, il est particulièrement important de satisfaire au principe général de la sécurité juridique. Il est essentiel que les conditions de la privation de liberté en vertu du droit interne soient clairement définies et que la loi elle-même soit prévisible dans son application, de façon à remplir le critère de << légalité » fixé par la Convention. Toute loi doit donc être suffisamment précise pour permettre au citoyen de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d'un acte déterminé.

L'importance de la qualité de la base légale exigée a encore été soulignée à l'occasion de l'arrêt Riad et Idiab contre Belgique de 2008 140. Dans cette affaire, deux libanais, demandeurs d'asile politique au Royaume-Uni furent placés au << Centre 127 ». Ils formèrent une demande d'asile qui fut rejetée. Les requérants dénonçaient les conditions de leur détention dans la zone de transit de l'aéroport de Bruxelles-National, à la suite de leur entrée irrégulière sur le territoire belge. Le fait de << détenir » un individu dans cette zone durant une période indéterminée et imprévisible, sans que cette détention se fonde sur une disposition légale concrète ou sur une décision judiciaire valable et avec des possibilités de contrôle judiciaire limitées vu les difficultés de contact permettant un accompagnement juridique concret, a été jugé contraire au principe de sécurité juridique.

Les juges vérifient ainsi si une base légale à la détention existe en droit interne et si celle-ci est de qualité afin de déterminer si l'enfermement est régulier. Mais en plus d'être régulier, l'enfermement doit aussi être proportionné.

139 Cour EDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, Req. n° 28358/95.

140 Cour EDH, 24 janvier 2008, Riad et Idiab c. Belgique, Req. n° 29787/03 et 29810/03.

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