B/ Le droit au respect de la vie familiale lors de la
détention
Ce droit au respect de la vie familiale lors de la
détention est très particulier en raison des circonstances qui
amènent les personnes à l'invoquer. En effet, il s'agit du cas de
parents qui seraient détenus en présence de leurs enfants. Il y a
donc d'autant plus d'originalité dans ces circonstances que la
détention d'enfants n'est permise que dans trois pays parties à
la Convention. Au départ, ce n'était qu'en faveur des mineurs
isolés que la rétention avait été condamnée
sur le terrain de l'article 8170 mais l'arrêt Popov
de 2012 a étendu l'applicabilité de l'article 8 de la CEDH aux
mineurs enfermés avec leurs parents.
Il n'est donc pas question de réunification puisqu'ils
sont déjà réunis. Mais au regard de l'intérêt
supérieur de l'enfant, le fait d'être aux côtés de
ses parents ne suffit pas à préserver le droit à une vie
familiale. En effet, c'est une véritable obligation positive que la Cour
fait peser sur les pouvoirs publics de l'Etat en question en sorte que le
respect de la vie familiale doit être effectif. Il s'agit pour les Etats
« d'agir de manière à permettre aux intéressés
de mener une vie familiale normale171 >>. Or le seul fait que
les membres de la famille soient réunis ne suffit pas à garantir
le respect du droit à une vie familiale normale, «
particulièrement lorsque la famille est détenue
>>172. Au contraire, la Cour a considéré que le
seul fait de maintenir la famille dans un lieu de privation de liberté
pendant quinze jours pouvait s'analyser comme une ingérence dans
l'exercice effectif de leur vie familiale173. Le juge a alors
opéré un contrôle de proportionnalité et de
nécessité afin de savoir si l'ingérence pouvait « se
justifier sous l'angle du paragraphe 2 de l'article 8, c'est-à-dire si,
« prévue par la loi >>, elle poursuit
169 Cour EDH, 2 août 2001, Boultif c. Suisse, req.
n° 54273/00 ; Cour EDH, 30 oct. 2006, Üner c. Pays-Bas, Req.
n° 46410/99
170 Arrêt Mubilanzila Mayeke et Kaniki Mitunga
précité.
171Arrêt Popov précité,
§ 133.
172 Ibid, § 134.
173 Ibid.
un ou des buts légitimes énumérés
dans cette disposition et est << nécessaire dans une
société démocratique >>, pour le ou les atteindre
>>174.
Ce contrôle par les juges européens a
été sans appel puisque selon eux d'autres moyens auraient du
être envisagés pour parvenir au but poursuivi par les
autorités, à savoir l'éloignement.
Cette condamnation de la France par la Cour européenne
est primordiale car sous l'angle de l'article 8 de la CEDH, la Cour
réussit à dénoncer l'enfermement abusif des familles de
migrants. Certes elle ne l'interdit pas mais elle souligne que la France compte
parmi les trois seuls pays européens qui recourent
systématiquement à l'enfermement des mineurs
migrants175, et elle met en exergue l'obligation pour les
autorités de << limiter autant que faire se peut la
détention de familles accompagnées d'enfants et préserver
le droit à une vie familiale176 >>. Le durcissement des
exigences conventionnelles est ici perceptible comme le souligne
elle-même la Cour au paragraphe 147 de cet arrêt177.
L'article 8 de la Convention devient immanquablement, mais non
sans difficultés, un instrument de protection efficace pour les
demandeurs d'asile. Toutefois la protection des droits sociaux ne fait pas
écho à cette avancée.
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