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La justiciabilité du droit à l'eau, une perspective indienne

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par Morgane Garon
Université de Rouen - Master 2 Pratique européenne du droit  2016
  

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B. Le développement jurisprudentiel du droit à l'approvisionnement en eau

Ainsi le juge indien va finalement évoquer l'un des points centraux de la question du droit à l'eau : son accès. Il est vrai que des controverses sont nées autour de la notion même d'accès à l'eau potable, terme utilisé par les instances internationales (telles que le CoDESC) tandis qu'il est vrai que le juge indien ne l'emploie pas. C'est le terme de «provision »124 qui est employé à de nombreuses reprises en dépit de « access »125. B. Drobenko insiste sur la grande ambiguïté qu'il y autour du terme « accès »126. Selon lui, cette notion recouvre deux aspects. Le premier serait relatif à la possibilité d'atteindre les quantités d'eau nécessaires au groupe pour ses divers besoins sans distinction entre les usages concernés pour un État ou une population127. Les barrages ou les prélèvements dans les nappes phréatiques par exemple constituent alors les modalités opérationnelles d'intervention permettant de disposer de l'eau. Le second aspect réside dans la possibilité d'accéder à l'eau nécessaire à la satisfaction des divers besoins pour les membres d'une société donnée et de créer les équipements appropriés pour se faire.128 C'est autour de cette

1231bid.Notre traduction de « Under Article 47 of the Constitution of India, it is the responibility of the state to raise the level of nutrition and the standard of living of its people and the improvement of public health. It is incumbent on State to improve the health of public providing unpolluted dringkin water. [...] It is also covered by article 21 of the constitution of India, and it is the right of the citizens of India to have protection of life, to have pollution free air and pure water. »

'Notre traduction d'« approvisionnement»

125Notre traduction d'« accès »

126DROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 65

1Z'DROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 65-66

128DROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 66

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notion que naissent des droits et des obligations en matière d'approvisionnement en eau. Ainsi « ce service est matérialisé par un ensemble d'éléments techniques nécessaires à la délivrance d'eau potable. Ces considérations techniques contribuent à la réalisation du droit à l'eau »129. De même P. Cullet critique la notion d'« accès à l'eau » qu'il met en opposition avec « approvisionnement en eau »130. En effet, si la communauté internationale a réitéré le principe selon lequel tous les êtres humains devaient avoir accès à l'eau potable en quantité et en qualité suffisante pour satisfaire leur besoin essentiels cela en dehors de leur situation socio-économique par la mise en place d'infrastructures et de services urbains de base, il est particulièrement réducteur voire préoccupant que le droit à l'eau soit réduit à cet aspect seul.131 Selon P.Cullet, le terme « accès » implique un degré de réalisation moindre de l'Etat ; il ne s'agirait que de « faciliter » l'accès à l'eau potable (comme le suggère dorénavant les politiques publiques indiennes)132. En raison des coûts importants qu'impliquent la fourniture en eau, il est probable que l'utilisation du terme « accès » soit le synonyme de l'objectif minimal. En effet, l'OG n°15 évoque par elle même cette dissociation entre le droit à l'eau et l'accès à l'eau

le droit à l'eau consiste en des libertés et des droits. Parmi les premières figure le droit d'accès ininterrompu à l'approvisionnement nécessaire pour exercer le droit à l'eau et le droit de ne pas subir d'entraves, notamment par une interruption arbitraire de l'approvisionnement et d'avoir accès à une eau non contaminée. Par contre les seconds correspondent au droit d'avoir accès à un système d'approvisionnement et de gestion qui donne à chacun la possibilité d'exercer dans des conditions d'égalité le droit à l'eau.133

Ainsi le droit à l'eau repose sur « un contexte opérationnel c'est à dire des considérations techniques majeures voire des exigences économiques et financières » 134 Pour P.Cullet et B. Drobenko cela contribue à enfermer la conception du droit à l'eau dans une logique de marchandisation135. L'exigence technique appelle en effet à la mobilisation de certains acteurs privés ce que nous aborderons dans le chapitre 1 de la partie II.

C'est sous cet éclairage que nous proposons de présenter la jurisprudence développée par les Hautes Cours de justice indiennes qui surgit autour de la question de

12vDROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 68

130CULLET, (P.). Right to water in India plugging conceptual and practical gaps. op. cit., p 67

131DROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 71

132CULLET, (P.). Right to water in India plugging conceptual and practical gaps. op. cit., p 67

133II, point 10, Observation générale n°15

134 DROBENKO, (B.). Le droit à l'eau: une urgence humanitaire, op. cit., p. 69

135CULLET, (P.). Right to water in India plugging conceptual and practical gaps. op. cit., p 60

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l'approvisionnement inadéquat en eau pour satisfaire le droit à l'eau des personnes dans plusieurs villes indiennes'. Les différentes Cours se sont montrées alors très réactives et ont consacré un véritable droit à l'approvisionnement en eau. Dans l'affaire Gautam Uzir vs Gauhati Municipality137 à propos du manque d'eau et de son insalubrité, la Haute Cour de Gauhati a mis clairement en évidence que « L'eau et particulièrement l'eau pure, est essentielle à la vie. Il est donc inutile de faire observer qu'elle dépend de la disposition de l'article 21 de la Constitution »138. Ainsi elle ordonne à la municipalité de mettre en place les infrastructures et d'effectuer les contrôles permettant l'approvisionnement d'une eau potable suffisante. Dans l'affaire S. K. Garg vs State of Uttar Pradesh139, toujours en liée à l'insuffisance d'approvisionnement en eau dans la ville d'Allahabad, la Haute Cour a réitéré le droit fondamental à l'eau potable citant alors le principe étayé par la Cour suprême dans Chameli Singh v. State of Uttar Pradesh,14°. De même la Haute Cour de l'Andhra Pradesh reconnu que le droit à l'eau potable est un droit fondamental dans l'arrêt Wassim Ahmed Khan vs State of Uttar Pradesh'. En relation avec ces arrêts en 2006, une requête142 avait été examinée devant la Haute Cour du Kerala à son instigation afin de répondre aux griefs de la population vivant dans la partie Ouest de Kochi. La population réclamait à la municipalité un approvisionnement en eau potable depuis plus de 30 ans. Notant que les requérants avaient approché la Court comme dernier ressort, la Cour jugea

Nous n'avons pas l'ombre d'une hésitation à soutenir que la défaillance de l'État à fournir à ces citoyens une eau potable et saine en quantité suffisante conduit à la violation du droit fondamental à la vie tel que prévu par l'article 21 de la Constitution. 143

Les Haute Cours ont montré leur détermination à s'emparer de ce sujet ; faisant de l'approvisionnement en eau (ainsi que sa potabilité) des aspects essentiels du droit à l'eau, elles ont participé à étayer son contenu et sa protection érigeant une obligation positive vis-à-vis de l'État. Cependant, il reste difficile de soutenir que le juge érige

136UPADHYAY, (V.) Water Rights and the 'New 'Water Laws in India, India infrastructure report, 2011, p. 56.

1371999(3)GLT 110

138 Ibid. Notre traduction de « Water and clean water, is so essential for life . Needless to observe that it attracts the

provision of article 21 of the Constitution. »

139(1998) 2 UPLBEC 1211

14°Chameli Singh vs State Of U.P, 15 décembre 1995

1412002(2)ALD264

1422006 (1) KLT 919

143Ibid. Notre traduction de « We have no hesitation to hold that failure of State to provide safe drinking water to the

citizens in adequate quantities would amount to violation of the fundmental right to life enshrined in article 21 of the

Constitution of India and would be a violation of human rights »

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l'approvisionnement en eau comme une obligation absolue pour laquelle les contingences ne seraient que secondaires comme le sous-entend P.Cullet. En effet, dans un arrêt récent Pani Haq Samiti vs Brihan Mumbai Municipal Corporation144, la Haute Cour de Bombay annule la disposition de l'acte administratif litigieux qui interdisait la desserte en eaux pour les constructions illégales, ce qui avait pour effet de priver les bidonvilles d'accès à l'eau. Si elle consacre le droit à l'eau et l'obligation pour la municipalité d'approvisionner les bidonvilles en eau (notamment aux moyens de cartes prépayées) dans un deuxième temps, elle reconnaît la possibilité d'augmenter la tarification pour la fourniture en eau des constructions illégales, au motif qu'elles sont illégales. Cet arrêt soulève des doutes quant à une réelle distinction entre le terme « approvisionnement » et « accès » dans le discours jurisprudentiel indien, voire interroge sur la réelle portée de l'approvisionnement en eau. S'arrêterait-elle à la question de son paiement ?

De plus, la Cour Suprême n'a pas été très éloquente sur la question. Si elle établit que l'approvisionnement en eau est doit être prioritaire par rapport aux autres besoins, notamment économiques

Boire est l'usage de l'eau le plus important et ce besoin est si primordial qu'il ne peut être subordonné à aucun autre de ses usages, telle que l'irrigation. Ainsi le droit d'utiliser l'eau pour satisfaire à ses besoins domestiques doit prévaloir sur tout autre besoin.145

dans l'arrêt Delhi Water Supply & Sewage vs State Of Haryana & Ors146, elle a très peu

développé sa jurisprudence sur la question de l'approvisionnement en eau. Cependant dans l'arrêt M. C Metha vs Union of India, elle développe l'idée selon laquelle l'eau (souterraine) est un «bien social»147 . Malheureusement, elle ne le développe pas, pas plus qu'elle n'y fera appel dans sa jurisprudence ultérieure.

On s'interroge sur la cohérence du droit à un approvisionnement en eau dans la pratique jurisprudentielle indienne. S'il est bien reconnu par le juge indien, le risque d'effritement de la notion est à mesurer avec attention. En effet, un droit mal défini par le juge est susceptible d'être mal protégé.

144Pani Haq Samiti & Ors. Vs. Brihan Mumbai Municipal Corporation & Ors., 2014

'Notre traduction de «Drinking is the most beneficial use of water and this need is so paramount that it cannot be made subservient to any other use of water, like irrigation so that right to use of water for domestic purpose would prevail over other needs » in JT 1996 (6) 107

146Ibid.

147Notre traduction de «social asset » in M.C. Mehta vs Union Of India & Ors, 18 mars 2004

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