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Les compétences du juge étatique dans l'arbitrage OHADA

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par Francis NGUEGUIM LEKEDJI
Université Catholique d'Afrique Centrale - Master en Contentieux et Arbitrage des Affaires 2007
  

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§ II- LA VIOLATION D'UNE REGLE D'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL DES ETATS SIGNATAIRES DU TRAITE COMME MOTIF D'ANNULATION DE LA SENTENCE

On sait que la notion d'ordre public a une conception différente selon qu'on est en présence d'un rapport de droit interne ou de droit international privé. En droit interne, la notion d'ordre public renvoie à un ensemble de principes régissant la vie en commun sur les plans politique, administratif, social, etc. Ces lois obligent tous ceux qui habitent sur le territoire de l'Etat. En droit international, notamment privé, la jurisprudence189(*) et la doctrine s'accordent à définir l'ordre public comme « un correctif exceptionnel permettant d'écarter la loi étrangère normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l'application est jugée inadmissible par le tribunal saisi »190(*). Il est vrai qu'en matière arbitrale, cette définition devra subir quelques adaptations dues au fait qu'il s'agit avant tout d'une justice conventionnelle.

L'AU.A parle de l'ordre public international des Etats signataires. La compréhension a contrario écarte l'ordre public interne qui est propre à chaque État. Certains auteurs en ont déduit qu'il s'agira191(*) d'un ordre public commun, par addition des ordres publics internes des pays membres de l'OHADA192(*).

L'essentiel, nous semble-t-il, est que les méthodes d'appréciation de l'ordre public international soient respectées (A). Dans cette occurrence, on pourra spéculer sur le contenu que peut revêtir cet ordre public international des Etats signataires (B).

A- L'APPRECIATION DU CARACTERE INTERNATIONAL DE L'ORDRE PUBLIC

Généralement, l'ordre public international s'apprécie in concreto, au cas par cas. Il doit surtout être actuel.

L'appréciation concrète de l'ordre public signifie que celui-ci dépend moins de la teneur ou du contenu même de la loi étrangère sous l'empire de laquelle la situation s'est formée que de l'importance de la perturbation que son application est susceptible d'engendrer dans la zone OHADA. Il ne s'agit pas de comparer abstraitement la loi étrangère et la loi du for, OHADA notamment. Il s'agit en réalité d'apprécier l'impact que l'application de la loi étrangère est susceptible d'avoir dans un cas concret. L'ordre public doit s'apprécier en fonction du résultat qu'entraîne l'application de la loi étrangère et non du but, légitime ou non, poursuivi par le législateur étranger.

La jurisprudence décide en France que : « le contrôle de la cour (...) doit porter non sur l'appréciation que les arbitres ont faite des droits des parties au regard des dispositions d'ordre public invoquées, mais sur la solution donnée au litige, l'annulation n'étant encourue que si son exécution heurte la conception française de l'ordre public international193(*)».

Par ailleurs, l'ordre public doit être actuel. En effet, c'est une notion fluctuante, qui évolue d'une époque à l'autre. Ainsi se pose la question du moment auquel le juge doit se placer pour apprécier l'ordre public : à l'époque où la situation a été constituée ou au jour de la décision à prendre ?

Cette question a été discutée en doctrine, mais la jurisprudence décide que l'actualité de l'ordre public signifie que celui-ci doit être apprécié à la date du jugement194(*). Il en est de même quand il s'agira d'apprécier une sentence arbitrale. A cet effet, les faits postérieurs au prononcé de la sentence ne devraient pas être pris en compte au moment d'apprécier la conformité de la sentence à l'ordre public international des Etats signataires. Le juge de l'espace OHADA devrait pouvoir tirer profit de la pratique française compte tenu des similitudes qui existent entre ces deux droits. Il reste maintenant à essayer une systématisation du contenu de cet ordre public communautaire.

B- ESSAI DE DELIMITATION DU CONTENU DE L'ORDRE PUBLIC INTERNATIONAL DES ETATS SIGNATAIRES

La notion étant essentiellement jurisprudentielle, mais pas encore appliquée par la CCJA, on ne peut y aller que par hypothèses. Une chose est certaine, la notion comprend généralement la procédure et le fond du litige.

L'ordre public procédural renvoie au respect des exigences élémentaires de justice. L'A.U.A pose un certain nombre de principes qui doivent être respectés. Il s'agit des droits de la défense, du principe du contradictoire, de l'égalité des parties195(*), de la primauté de la volonté des parties196(*). Si l'une de ces exigences n'est pas respectée, et surtout si les parties n'y ont pas volontairement renoncé en s'abstenant d'invoquer leur violation, la sentence arbitrale étrangère encourt annulation dans l'espace OHADA. Le juge a déjà appliqué ce principe en refusant l'exequatur à une sentence rendue en application de l'article 5 de la convention de New York de 1958. Cette sentence avait violé les droits de la défense197(*).

Quant à l'ordre public international lié au fond, il ne peut être apprécie que de façon fonctionnelle. On peut néanmoins dire qu'il s'agira sans doute d'assurer le respect des différents actes uniformes adoptés par l'OHADA. La jurisprudence française décide par exemple qu'il existe un « principe général d'ordre public international d'exécution de bonne foi des conventions »198(*). Le même principe s'appliquerait dans la zone OHADA avec la même vigueur199(*). Il s'agira aussi de protéger les valeurs essentielles auxquelles la communauté internationale attache du prix. Nous pouvons citer à titre indicatif la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent.

Comme on le voit, la notion d'ordre public international des Etats signataires peut prêter à confusion. Aussi était-il important de s'y arrêter. Il demeure néanmoins le problème de la détermination du juge compétent dans l'Etat-partie pour connaître du recours en annulation contre la sentence.

* 189Cass. civ., 1ère, 30 mai 1967, Clunet, 1967.728, note P. Bourel. La Cour déclare à l'occasion que l'ordre public consiste en la « substitution de la loi française à la loi normalement compétente ».

* 190Y. Loussouarn, P. Bourel, Droit international privé, Paris, Dalloz, 4ème éd., 1993, no 252.

* 191Dans l'attente d'une éventuelle intervention de la CCJA qui nous fixera sur le contenu exact de l'ordre public international des Etats-parties.

* 192P. Meyer, op. cit. p.258.

* 193Paris, 27 octobre 1994, aff. Reynolds, Rev. arb., obs. P. Mayer ; cité par Ph. Fouchard et alliés, op. cit., no 1649.

* 194Cass. civ., 23 novembre 1976, Clunet, 1977.746, obs. Foyer.

* 195Article 9 AU.A.

* 196V. article 14 qui permet aux parties de régler la procédure arbitrale ; ou l'article 15 relatif aux règles de droit choisies par les parties.

* 197TPI de Cotonou, ordonnance no 19/94 du 25 janvier 1994, Rev. cam. arb., no 02, pp. 15-16.

* 198Paris, 12 janvier 1993, aff. Beyrard, Rev. arb., 1994.685, obs. p. Mayer ; cité par Ph. Fouchard et alliés, op. cit. p. 976.

* 199Dans l'espace OHADA par exemple, le code civil français resté applicable dans certains pays exige aussi la bonne foi dans l'exécution des contrats ; V. art. 2268 C. civ.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus