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La responsabilité des dirigeants en cas de procédure collective contre la société

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par Michel Justancia ILOKI
Université de Poitiers, faculté de droit et des sciences sociales - DEA master recherche en droit privé fondamental 2005
  

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CHAPITRE I

_______________________________________________________________________________________________________________________________Chapitre I LES SANCTIONS PATRIMONIALES ENCOURUES PAR LES DIRIGEANTS EN CAS DE PROCEDURE COLLECTIVE CONTRE LA SOCIETE DEPUIS LA LOI DU 26 JUILLET 2005.

Auparavant, le dirigeant d'une société faisant l'objet d'une procédure collective encourait deux sortes de sanctions patrimoniales : la mise en redressement ou en liquidation judiciaire personnel et l'obligation de supporter tout ou partie des dettes sociales, sanction connue sous le nom de comblement du passif social. Cette dernière a été conservée par la loi de 2005 moyennant quelques modifications. La loi nouvelle n'évoque pas l'idée des sanctions pécuniaires mais celle de responsabilité. Ces mesures constituent en effet un mode particulier de mise en jeu de la responsabilité civile délictuelle15(*). Elle reprend, sous quelques adaptations, l'action en comblement de passif de la législation antérieure, en évoquant désormais « la responsabilité pour insuffisance d'actif », mais supprime le redressement et la liquidation judiciaires personnels, du fait de la suppression systématique de la procédure collective sanction. Une des innovations principales de la loi de sauvegarde des entreprises est donc celle là. Désormais, une telle procédure est nécessairement liée à l'existence d'une cessation des paiements.

En substitution de cette sanction, la loi crée une nouvelle « obligation aux dettes sociales » que nous appellerons dans les développements qui suivent, « obligation aux dettes de l'article L 652-1 nouveau du Code de Commerce ».

Dans le projet initial, cette nouvelle sanction apparaissait comme une sanction aggravée de l'action en comblement de passif car le dirigeant condamné devait supporter la totalité des dettes sociales, sans que le tribunal ait le pouvoir de moduler la sanction. Mais au fil des travaux parlementaires, la distinction entre les deux sanctions s'est atténuée-le tribunal s'étant vu reconnaître le pouvoir de moduler le montant de la dette mise à la charge du dirigeant-, de sorte que ces deux sanctions pécuniaires sont devenues très proches l'une de l'autre. Les sections (I) et (II) de notre Chapitre leur seront respectivement consacrées.

Section I La responsabilité des dirigeants pour insuffisance d'actif social.

L'action en comblement de passif devenue l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est une action en responsabilité civile délictuelle16(*), à caractère non répressif, solution déjà posée sous l'empire de la loi du 13 juillet 196717(*), mais exclusivement indemnitaire18(*), ayant pour objet la réparation du préjudice subi par la collectivité des créanciers. La solution permet d'écarter le jeu de l'article 4 du protocole n° 7 de la Convention Européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui interdit de punir deux fois pour des mêmes faits19(*).

Sous l'empire de la loi du 13 juillet 1967, l'action en comblement de passif présentait par rapport à l'action en responsabilité civile, une particularité évidente : le demandeur à l'action était disposé de prouver la faute et le lien de causalité entre la faute et le préjudice. Deux des trois éléments classiques de la trilogie constitutive d'une action en responsabilité étaient présumés. Cette absence d'assimilation entre l'action en responsabilité civile contre les dirigeants de sociétés, telle celle visée aux articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 (devenus C. com., art. L. 223-22 et L. 225-251), et l'action en comblement de passif emportait des conséquences. Le syndic en tant que représentant de la masse des créanciers, avait le choix d'engager une action en comblement de passif contre les dirigeants sociaux ou une action en responsabilité de droit commun des sociétés sur le fondement des articles 52 et 244 de la loi du 24 juillet 1966 ou 1382 et 1383 du Code civil20(*). Cette dualité d'actions autorisait les créanciers, invoquant un préjudice personnel, à agir contre les dirigeants sociaux, ut singuli. En outre, pour obtenir réparation de leur fraction individuelle de préjudice collectif, ils pouvaient agir si le syndic n'agissait pas.

La loi du 26 juillet 2005 retraduit la nature juridique de l'action en comblement de passif en la traitant dans un chapitre intitulé « de la responsabilité pour insuffisance d'actif ». La nature d'action en responsabilité est donc affirmée.

L'action en responsabilité pour insuffisance d'actif est aujourd'hui à l'encontre du dirigeant d'une personne morale débitrice, la seule action en responsabilité civile recevable21(*).

Il est interdit d'actionner un dirigeant, fut-il de fait, sur le fondement de l'action en responsabilité civile de l'article 1382 du Code civil et sur le fondement de l'action en comblement de passif ou sur celui du redressement ou de la liquidation judiciaires personnels22(*). L'action en responsabilité de droit commun contre les dirigeants sociaux est cependant recevable, si elle tend à la réparation d'un préjudice postérieur au jugement d'ouverture23(*). En même temps, la cour de cassation énonce pour la première fois, une règle prétorienne déjà souvent affirmée par les juges du fond : celle de la recevabilité d'une action en responsabilité personnelle engagée par un créancier à l'encontre du dirigeant d'une société mise en procédure collective, pour des faits antérieurs au jugement d'ouverture24(*).

Selon l'article 128 de la loi  n° 2005-845, 26 juill. 2005, et le nouvel article L.651-2 al.1 du Code de commerce :

« lorsque la résolution d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que les dettes de la personne morale seront supportées, en tout ou partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. »

L'article L. 624-3 devenu l'article L. 651-2 subit quelques retouches afin de prendre en compte la nouvelle procédure de sauvegarde. Ce n'est plus l'ouverture d'une procédure de redressement qui autorise une action en responsabilité pour insuffisance d'actif mais la résolution du plan de continuation. En principe, l'exécution du plan doit permettre l'apurement du passif, ce qui exclut une action pour insuffisance d'actif. Le législateur a été convaincu par cette analyse25(*). Voilà pourquoi la mise en oeuvre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif supposera la résolution du plan de redressement26(*). La même solution est retenue à propos de la procédure de sauvegarde pour un motif similaire. De surcroît, le maintien de la solution appliquée à l'actuel redressement aurait été de nature à dissuader les dirigeants de recourir à cette procédure. Comme aujourd'hui, la liquidation judiciaire autorisera l'action en insuffisance d'actif.

Avant comme après la réforme, on retrouve la trilogie classique : faute (B), dommage (A) et lien de causalité (C) entre les deux.

La loi nouvelle comme l'ancienne emploie la même formule "faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif". En l'absence de définition de la faute de gestion ou du lien de causalité, les solutions retenues actuellement en jurisprudence ont vocation à être reconduites sous l'empire de la loi nouvelle. Nous constatons le maintien des conditions générales de la responsabilité pour insuffisance d'actif avec à sa suite l'évolution en matière de saisine.

Paragraphe1 Le maintien des conditions générales de la responsabilité pour insuffisance d'actif.

Alors que sous l'empire des textes antérieurs à la réforme de 2005, un dirigeant pouvait être poursuivi en comblement de passif même lorsque la société était mise en redressement judiciaire, il ne peut désormais plus l'être en cas d'ouverture d'une procédure de redressement ou de sauvegarde.

En effet, les dirigeants peuvent être condamnés à supporter tout ou partie des dettes sociales - mesure connue sous le nom d'action en comblement de passif - lorsque la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire de la société fait apparaître une insuffisance d'actif.

La condamnation pour insuffisance d'actif suppose à présent comme toujours, la réunion de trois conditions :

§ Une insuffisance d'actif de la personne morale révélée après la résolution du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire et lors de la liquidation judiciaire (A) ;

§ Une faute de gestion du dirigeant (B);

§ Un lien de causalité entre ces deux éléments (C), dans la mesure où, pour l'article L.651-2 al.1 du Code de commerce, la faute de gestion doit avoir « contribué » à l'insuffisance d'actif 27(*) écartant toute condamnation des dirigeants alors pourtant qu'ils avaient commis des fautes de gestion, au motif que l'insuffisance d'actif social trouvait son origine non dans ces fautes mais dans la mésentente entre les associés.

A. Insuffisance d'actif

Le tribunal saisi doit d'abord constater chez la personne morale une insuffisance d'actif, qui est en quelque sorte le préjudice réparable. D'après la Cour de cassation28(*) l'existence et le montant de l'insuffisance de l'actif social doivent être appréciés au moment où statue la juridiction saisie de l'action tendant à faire supporter tout ou partie de cette insuffisance d'actif par un dirigeant, et non pas au jour de l'ouverture de la procédure collective.

L'évaluation de l'actif et du passif en cours de procédure laisse la place à une certaine marge d'erreur, puisque seul l'achèvement des opérations de la procédure collective permet de l'établir avec certitude.

Toutefois, le seul passif à prendre en compte est celui constitué par les créances nées avant l'ouverture de la procédure collective : donc pas par les frais de justice entraînés par cette dernière29(*).

Une telle insuffisance d'actif existe, même avant la clôture des comptes, dès que la différence entre le passif et l'actif paraît indiscutable, des variations seraient-elles susceptibles d'intervenir30(*).

Plus généralement, l'insuffisance d'actif n'a pas à être définitivement chiffrée pour que les dirigeants sociaux puissent être condamnés31(*) ; il suffit qu'il soit établi de manière certaine au moment où le tribunal ou la cour d'appel statue que la procédure d'apurement du passif atteignant la personne morale ne permettra pas de payer intégralement tous les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture32(*).

Ainsi la clôture pour insuffisance d'actif n'est pas un obstacle à l'action en comblement de passif. Cela étant, il y a lieu d'exclure la responsabilité pécuniaire d'un dirigeant dont l'action a pour effet de réduire globalement l'insuffisance d'actif de la société33(*).

La gestion sociale qui ne peut donner lieu à l'action en comblement du passif est celle qui est postérieure à l'ouverture de la procédure collective et non celle qui est postérieure à la déclaration de la cassation des paiements34(*). Seule la gestion antérieure au jugement d'ouverture peut donc être « incriminée »35(*). Et l'insuffisance d'actif existant à ce moment-là constitue le plafond de la condamnation que peut encourir le dirigeant36(*). L'insuffisance d'actif en tant préjudice ne saurait exister sans la commission par le dirigeant d'une ou des fautes de gestion.

* 15 Rapp. J.-J. Hyest, n° 335, p. 443.

* 16 Répon. min. à QE n° 25638, JO Sénat Q. 6 févr. 1986, p. 223.

* 17 Cass. Com, 15 nov. 1988, Bull. civ. IV, n° 305.

* 18 CA Pau, 2e ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X. Lucas.

* 19 CA Pau, 2e ch., 23 mars 2004, RD Banc. et fin. 2004/5, p. 332, n° 214, obs. F.-X. Lucas.

* 20 Cass. Com., 7 janvier 1981, Bull. civ. IV, n° 11.

* 21 Cass. com., 5 mars 2002, Act. proc. coll. 2002/8 n° 104.

* 22 Cass. com., 8 juillet 2003, Act. proc. coll. 2003/16, n° 215.

* 23 Cass. com., 14 mars 2000, Act. proc. coll. 2000/8, n° 95; D. 2000, AJ p. 188, obs. A. Lienhard.

* 24 Cass. com., 7 mars 2006, Recueil Dalloz, 2006, n° 12, p. 857 à 859, obs. A. Lienhard

* 25 Rapport Sénat, n° 335, Session ordinaire 2004-2005, mai 2005, par le sénateur Jean-Jacques Hyest, t. I, p. 448 citant P.-M. Le Corre, Les sanctions dans l'avant-projet de réforme des entreprises en difficultés : Gaz. pal. 2003, 2e sem, doct, p. 3682 s.

* 26 Rapp. Sénat préc., p. 452.

* 27 C. Henry, note sous Cass. Com., 16 avr.1996, n°94-13.526, Rev. Sociétés 1997, p.611 ; aussi CA Paris, 3e ch. C, 1er fév. 2002, Lejeunec/Moyrand ès qual., BRDA 2002, n°8, p. 5

* 28 Cass. Com., 27 fév. 1978, Bull. civ.IV, n°78, p.63. ; Cass. Com., 30 mars 1999, Bull. Joly 1999, p. 757 et p. 759, note C. Saint Alary-Houin

* 29 CA Paris, 3e ch. A, 19 mars 1991, Rev. Sociétés 1992, p. 787, note Honorat.

* 30Cass.com., 9mars 1976, n°74-12.576, Quot. jur.29 sept. 1976.

* 31J.-P. Legros, Montant de l'insuffisance d'actif, Dr. des soc., n°11, nov. 2005, comm.194 sous Cass. Com., 7 juin 2005  Nébodonc/André : Juris-Data n°2005-028869 : « L'application des dispositions relatives à l'action en comblement de passif ne nécessite pas que le montant de l'insuffisance soit chiffré ».

* 32 Cass. Com., 28 mai 1991, Bull. civ. IV, n°187, p. 133, Rev. sociétés 1992, p.373, note Honorat.

* 33 Cass. Com., 25 juin 2002, RJDA2002, n°12, n°1306, p. 1103.

* 34 Cass. Com., 14 mars 2000, Dr. sociétés 2000, n°75, Obs. Chaput

* 35 Cass. Com, 14 mars 2000 précité

* 36 Cass. Com 20 déc. 1988, Rev. Sociétés, 1989, p. 502, note Honorat

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore