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La photographie du territoire, entre donnée personnelle et donnée publique

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par Azéline Boucher
Université Paris Descartes - Master 2 - Droit des Activités Numériques 2017
  

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II - Le caractère indirectement identifiant de l'image du domicile

L'information géographique a pour mission principale de décrire la surface terrestre. Toutefois, avec le développement de la qualité des appareils photographiques et du numérique, la précision permet d'aller au-delà d'une simple description. C'est désormais un véritable inventaire qu'opèrent les prises de vue aérienne et spatiale. Ainsi, l'image du domicile prise depuis un avion, un satellite ou tout simplement depuis la voie publique peut indirectement identifier son propriétaire ou l'occupant des lieux selon deux aspects.Tout d'abord, l'image en elle-mêmedécrit les attributs particuliers d'un immeuble ou d'une maison individuelle. Ces attributs peuvent être liés à un ou plusieurs individu(s) (A). Si tel n'est pas le cas, il est encore possible de recouper cette image avec d'autres informations. En effet, replacée dans un contexte, tel qu'une plateforme permettant la superposition de diverses couches de données, l'image du domicile permet de connaitre sa localisation, et donc indirectement la personne liée à cette adresse (le propriétaire ou l'occupant des lieux) (B). Peu importe en outre que ces informations soient publiques.

A/ La description des caractéristiques du logement

La photographie fige la réalité d'un instant. Aussi, l'image d'une maison fixe sur un support la représentation des caractéristiques de cette maison telle que nos yeux ont pu les percevoir à un moment précis : la couleur de la toiture, la forme des fenêtres, la surface du bâtiment, le nombre d'étages, etc... Si cela est vrai pour les photographies prises depuis la voie publique (1), les prises de vue aérienne ou spatiale (2) permettent, quant à elles, de dépasser les limites humaines puisque l'individu a alors recours à un drone, un aéronef ou un satellite.

1. L'image de la façade prise depuis la voie publique

Dans l'inconscient collectif, c'est Google qui, en lançant son service Google Street View en 2007, aurait le premier révolutionné l'accès à la « photographie géographique ». Néanmoins, en 2002, France Telecom proposait déjà via le site Pages Jaunes un service permettant d'associer une adresse à l'image de l'immeuble correspondant et de naviguer ensuite dans les rues environnantes49(*).

Ces images, dès lors qu'elles permettent d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire ou l'occupant de l'habitation sont considérées comme des données à caractère personnel au sens de l'article 2 de la loi Informatique et Libertés. Ainsi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (la CNIL) a considéré, de manière extensive selon certains auteurs50(*), que les images d'un immeuble constituent des données nominatives dès lors qu' « elles permettent de rattacher une photo d'immeuble à une personne physique ».

Figure 1 : Google Street View Figure 2 : Mappy

Les photographies ci-dessus représentent la façade d'une grande maison de deux étages, du début du XXème siècle, construite en pierre rouge/rosée, avec une toiture en ardoise, dont les fenêtres sont placées symétriquement et dont la porte d'entrée est particulièrement large puisqu'elle est à deux vantaux. Il est également possible de remarquer que le terrain est entouré d'une grille et que des places de parking sont situées devant la maison.

Ces informations permettent-elles alors d'identifier l'occupant des lieux ou le propriétaire de cette demeure ? Dans le périmètre restreint qui l'entoure, oui. Il serait possible de décrire ses différents attributs à la mairie pour identifier la personne qui y vit ou qui en est propriétaire. Pour autant, ces seules photographies ne permettent pas de localiser la demeure. Elles ne sont, en effet, nullement recontextualisables.

Ainsi, c'est lorsqu'elle est reliée à une adresse que la photographie du domicile peut être considérée comme une donnée indirectement nominative et qu'elle acquiert de la valeur aux yeux des entreprises. Les services proposés par Google Street View ouMappyassocient donc les prises de vue à des adresses.

Dans leurs déclarations à la CNIL, ces responsables de traitement ont ainsi indiqué, pour des finalités relatives à la « gestion d'une base de données de photos des rues de villes et mise en ligne de ces photos sur Internet »51(*) ou à la « mise à disposition du service Internet Google Street View»52(*), traiter des données touchant à l'adresse et aux caractéristiques du logement.

L'opinion publique a pu être émue par cette diffusion massive des adresses et des photographies des logements sur Internet. Aussi, en 2004, le député Jean-Christophe Lagardes'était offusqué de la précision des photographies de Google Street View qui permettraient de rendre accessibles « les intérieurs de propriétés non visibles par les passants»53(*) et de « l'exposition à la vue du monde entier de ces photographies d'espaces privés sans l'accord du propriétaire ou de l'occupant des lieux ». Il considérait alors que les risques d'atteinte à la protection des données personnelles et à la vie privée s'étaient démultipliés. Le député proposait donc de renverser la charge de la protection de la vie privée en exigeant l'accord des personnes concernées par la diffusion de l'image d'un domicile.

Pour cela, il suggérait de qualifier les données relatives au logement de données particulières en introduisant la disposition suivante au sein de l'article 8 de la loi Informatique et Libertés : « Il est interdit de collecter ou de traiter des données faisant apparaître des immeubles d'habitation et leurs dépendances, des chemins privés ou des jardins et des cours privés sauf dans le cas où les propriétaires de ces lieux ont expressément donné leur accord à cette collecte et à son traitement. ».

Le député ne précisait rien sur la localisation de la photographie de l'immeuble d'habitation. Il se bornait à la seule photographie de cet immeuble. Selon nous pourtant, cette image, dès lors qu'elle n'est pas localisable, n'est pas nominative non plus. Ce n'est que dans de rares casque les attributs d'un immeuble, seuls, permettrontd'identifier la personne qui y est liée : dans un périmètre restreint et/ou lorsque la demeure présente des particularités visuelles. Ainsi, la diffusion sur Internet de la seule photographie d'un immeuble entraine moins de risques de porter atteinte à la vie privée de son occupantou de causer un trouble anormal à son propriétaire dès lors que l'internaute n'est pas en mesure de connaitre la localisation de cet immeuble ou le nom de ce propriétaire. Il aurait, selon nous, fallu introduire la dimension relative à la localisation de l'immeuble au sein de cette proposition de loi. En tout état de cause, le texte n'a pas été adopté.

Si l'imagede la façaded'un immeubledélivre nombre d'informations sur son occupant ou son propriétaire, qu'en-est-il d'une prise de vue aérienne ou par satellite ?

2. Les images satellites et aériennes

Les photographies aériennes et satellites permettent d'accéder à des informations qui ne sont pas visibles depuis la voie publique. Ces images sont souvent retouchées pour correspondre à la réalité géométrique du sol. La directive INSPIRE définit ainsi l'ortho-imagerie comme des « images géoréférencées de la surface terrestre, provenant de satellites ou de capteurs aéroportés » (Article 3 de la directive). Aujourd'hui, la technologie permet également d'obtenir une vision en trois dimensions du bâtiment photographié.

L'autorisation unique AU-001, concernant les SIG, considère notamment que les informations sur les propriétés bâties sont des données personnelles54(*).

Aussi, ces images (à résolution de 5m) permettent-elles d'identifier l'occupant des lieux ou le propriétaire de la demeure ?

Figure 3 : Google Earth 3D Figure 4 : Google Earth, 3D

Figure 5 : Google Earth Figure 6 : Géoportail, IGN

La comparaison des photographies permetde remarquer que les attributs visibles du logement sont différents sur ces images que sur celles représentant la façade. Il est possible ici d'observer la superficie de l'habitat, sa forme ainsi que la présence d'un balcon. L'image 3D rassemble plus d'informations sur le logement puisqu'elle conjugue la photographie de la façade avec la photographie aérienne ou spatiale.

Ainsi, les informations issues d'une prise de vue « du dessus » sont des données en lien avec l'urbanisme et le dessin cadastral. Une telle photographie permet, en effet, de représenter ce qui a été déclaré par le propriétaire lors de la construction du logement ou de bâtiments ultérieurs (piscines, dépendances, etc...). Elle informe également sur la valeur du logement puisqu'elle donne accès à la taille de la parcelle et à la superficie du bâtiment. Toutefois, la valeur d'une maison s'apprécie également en fonction de sa localisation.

Les seules caractéristiques du logement ne semblent donc pas pertinentes pour permettre d'identifier son habitant ou son propriétaire.C'est l'association de l'image du logement et de l'adresse qui liel'individu55(*). En outre, le degré de précision d'une photographie n'est pas un critère prépondérant en matière de données à caractère personnel puisqu'il suffit que la personne physique soit identifiée ou identifiable.Aussi, c'est un degré de précision à un certain seuil qui est nécessaire. Ce seuil, c'est la résolution permettant de localiser la maison. Une résolution plus précisepourratoujours être considérée comme un élément majeur pour caractériser l'atteinte à la vie privée ou le trouble anormal du propriétaire.

Dès lors, il convient de recontextualiser la photographie de l'immeuble pour connaitre l'identité de son propriétaire ou de l'occupant des lieux.

* 49 23ème rapport d'activité 2002, Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, La documentation Française, édition 2003, pp.142-143

* 50 DEBET Anne, MASSOT Jean, METALLINOS Nathalie, avec la collaboration de DANIS-FATOME Anne et LESOBRE Olivier, op. cit., pp.240-241

* 51Déclaration à la Commission nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL), Pages Jaunes, 2001 et 2009 (accessible via le site de la CNIL,en consultant le « fichier des fichiers »)

* 52 Déclaration à la CNIL, Google, 2008 (accessible via le site de la CNIL,en consultant le « fichier des fichiers »)

* 53Proposition de loi tendant à restreindre les immixtions des moteurs de recherches dans la vie privée n°2111, enregistrée à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2009 et présentée par Jean-Christophe LAGARDE

* 54Délibération n°2012-087 du 29 mars 2012 portant autorisation unique de traitements automatisés de données à caractère personnel mis en oeuvre dans le cadre d'un système d'information géographique (SIG) et abrogeant la délibération n° 2006-257 du 5 décembre 2006 (décision d'autorisation unique AU-001), JORF n°0088 du 13 avril 2012, texte n° 83

* 55 « Determining what is personal data », Information Commissioner's Office, 2012, p.12

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"Aux âmes bien nées, la valeur n'attend point le nombre des années"   Corneille