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La photographie du territoire, entre donnée personnelle et donnée publique

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par Azéline Boucher
Université Paris Descartes - Master 2 - Droit des Activités Numériques 2017
  

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B/ La contextualisation de la donnée

L'immeuble est localisé, de même que tout individu est lié à une adresse (1). Ainsi, l'association des caractéristiques du logement et de l'adresse permet d'identifier cet individu (2).

1. Le cadastre et la base adresse nationale (BAN)

Deux documents sont relatifs au cadastre. Le plan cadastral permet de reporter les numéros et limites des parcelles tandis que la matrice cadastrale a une vocation plus identifiante puisqu'y sont notamment inscrits le nom du propriétaire, son adresse, sa date et lieu de naissance, voire parfois la description du bâtiment. Ils représentent également la forme du terrain ainsi que les éléments immobiliers et naturels qui y sont présents. « A ce plan, sont liés l'identité du (des) propriétaire(s), les éléments d'évaluation fiscale et d'autres données foncières permettant de calculer l'imposition de la propriété»56(*).

Quant à l'adresse, la directive INSPIRE la définit, dans son Annexe I, comme la «localisation des propriétés fondée sur les identifiants des adresses, habituellement le nom de la rue, le numéro de la maison et le code postal ».

L'article L127-10 du Code de l'environnement prévoit la diffusion des informations contenues dans les bases de données géographiques nationales ou locales de référence. Il précise encore que « ces bases de données géographiques nationales ou locales de référence ne peuvent inclure aucune information à caractère personnel autre que le découpage parcellaire et les adresses des parcelles ».

Le décret n° 2011-223 du 1er mars 2011 pris pour l'application de l'article L127-10 du Code de l'environnement et après avis de la CNIL, fixe les modalités de constitution des bases de données géographiques de référence et des informations susceptibles d'être diffusées. Ainsi, les informations qui peuvent être publiées en ligne sont « les données de localisation géographique relatives au découpage parcellaire cadastral : référence des parcelles cadastrales, localisation de celles-ci, localisation de leurs contours » et « les données de localisation géographique relatives aux adresses des parcelles : localisation et, le cas échéant, voie de situation, numéro dans la voie et compléments éventuels ».

Dans une délibération de 201257(*), la CNIL a mis en place une dispense de déclaration n°16concernant la communication de données géographiques.La CNIL reconnait qu' « une adresse postale, des coordonnées géographiques comme un numéro de parcelle cadastrale identifient indirectement une personne physique, locataire ou propriétaire ». Ainsi, les découpages cadastraux et les adresses des parcelles, bien que considérés comme des données à caractère personnel, doivent être publiés en ligne.

Le Code des relations entre le public et l'administration (CRPA) a confirmé, en 2016, cette mise à disposition. Le plan cadastral informatisé produit par la direction générale des finances publiques ; le registre parcellaire graphique produit par l'Agence de services et de paiement et la base adresse nationale coproduite par l'IGN, La Poste et l'association OpenStreetMap France sont, en effet, qualifiés de données de référence. Dès lors, l'État, les collectivités territoriales ainsi que les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une mission de service public doivent les publier (Article L321-4 du CRPA).

Tous ces textes précisent donc que les localisations des parcelles cadastrales et de leurs contours, ainsi que les données de localisation géographique des adresses des parcelles sont des données à caractère personnel mais doivent néanmoins être diffusées en ligne. Pour autant, rien n'est précisé concernant l'immeuble bâti, sa localisation, ses caractéristiques, etc... Le plan cadastral et l'adresse sont des données relatives à une parcelle dans son ensemble et non pas spécifiquement à l'immeuble construit sur cette parcelle.

La dispense de déclaration n°16 prévoit58(*)la communication de renseignements aux personnes ayant déposé une demande d'informations concernant une propriété bâtie déterminée pour obtenir des renseignements plus précis sur les immeubles du territoire d'une commune.

Ainsi, le demandeur doit désigner avec précision l'immeuble concerné par la demande de renseignements, par son adresse notamment, mais il n'a pas à justifier d'un motif légitime. Peu importe l'usage qu'il fera des informations auxquelles il a eu accès59(*). La seule condition à l'accès relève du principe de ponctualité, le nombre de demandes de communication et l'étendue des informations requises ne devant pas être excessifs. De même, le propriétaire de la parcelle dont les informations sont communiquées à un tiers ne peut s'opposer à ce processus en raison du principe de libre communication des documents cadastraux (Article L311-1 du CRPA).

Les informations faisant l'objet de la communication sont néanmoins limitées aux références cadastrales, à l'adresse et, le cas échant, aux noms et adresses du propriétaire, à la contenance cadastrale de la parcelle ou encore à la valeur locative des immeubles (Article L107-A du Livre des procédures fiscales).

Quel est alors le lien entre l'image du logement et l'ouverture des adresses et des données cadastrales ?

L'image du logement peut être considérée comme une représentation du plan cadastral dans une dimension réelle. Elle apporte ainsi beaucoup plus d'informations que le dessin en deux dimensions.

En outre, ce logement est construit sur une parcelle, laquelle bénéficie d'une adresse propre, d'une empreinte spatiale. Ce bâtiment est donc localisable sur la surface terrestre : « Cette adresse correspond à telle maison ». Si cette adresse est liée à un individu, alors elle permet de l'identifier et c'est donc une donnée personnelle : « Monsieur X habite à telle adresse. » Indirectement, l'adresse permet alors de relier l'individu à un logement. Ce logement devient donc identifiant en lui-même : « Monsieur X habite dans telle maison. »60(*). Ce syllogisme peut être représentéselon le schéma suivant :

LOGEMENT ADRESSE

ADRESSE INDIVIDU

LOGEMENT INDIVIDU

Aussi, les images aériennes, satellites ou prises depuis la rue peuvent être croisées ou rapprochées de fichiers comportant des données directement ou indirectement nominatives comme les bases de données BD Parcellaire et BD Adresse. Dès lors, cela peut permettre d'identifier l'individu lié au bâtiment.

2. L'individu lié au bâtiment

Le système de zoom in et de zoom out permet de recontextualiser l'image de l'immeuble et de le localiser. Il est alors possible de rattacher une adresse à un bâtiment d'habitation. Aujourd'hui, les plateformes proposent plutôt de recouper les informations à travers une superposition de couches de données : les images du territoire + les adresses des parcelles par exemple.

La CNIL, dans son rapport d'activité de 200261(*), considère que la photographie d'un immeuble ne constitue pas une donnée nominative lorsqu'elle est considérée en tant que telle. Pour autant, dès lors qu'elle est associée à l'adresse correspondante, elle devient une donnée indirectement nominative.

La donnée à caractère personnel est définie par l'article 2 de la loi Informatique et Libertés comme « toute information relative à une personne physique identifiée ou qui peut être identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d'identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres ».

La loi précise encore que « pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l'ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »Le groupe de l'Article 29 propose un test, le test de l'intrus motivé62(*), pour vérifier la force de l'anonymisation de données à caractère personnel, c'est-à-dire pour s'assurer que les données ne permettent plus d'identifier la personne concernée. Selon nous, ce processus peut également être utile à qualifier une donnée comme étant personnelle dès lors que son caractère identifiant est débattu.

Reprenons alors l'exemple vu précédemment. Qu'en-est-t-il désormais lorsque nous essayons de replacer l'image du domicile dans son contexte ? Est-ce une opération difficile à réaliser selon les moyens dont nous disposons ?

Figure 7 : Google Street View, contexte

Figure 8 : Mappy, contexte

Figure 9 : Géoportail, IGN, contexte

Figure 10 : Géoportail, IGN, contexte

Figure 11 : Google Maps, contexte

Figure 12 : Google Maps, contexte

Ces figures permettent de démontrer la facilité d'accès à l'adresse d'un immeuble sur les plateformes géographiques disponibles sur Internet. Si elles ne diffusent pas encore le nom de la personne habitant cet immeuble ou celui de son propriétaire, cela peut apparaitre bien hypocrite puisqu'en deux clics...

Figure 13 : Pages Blanches

Figure 14 : Pages Blanches

... L'identité de l'occupant des lieux63(*) peut être découverte.Il est, en effet, très simple, à partir d'une adresse, de rattacher un individu (le propriétaire ou l'habitant) à la photographie d'un immeuble. L'annuaire inversé des pages blanches en est le parfait exemple.

Aussi, le test de l'intrus motivé, appliqué dans un autre contexte que celui pour lequel il a été pensé, a rencontré un franc succès dans cette démonstration puisqu'il permet, par corrélation, d'identifier une personne physique liée à un immeuble.

Néanmoins, ce testpeut être voué à l'échec dans plusieurs hypothèses ; et plus particulièrement lorsque l'adresse ne permet plus de « remonter à un individu ». Ce sera notamment le cas si celui-ci a demandé à ce que son adresse soit en liste rouge. Ce peut également être le cas lorsque l'adresse n'est pas ou plus liée à la personne concernée, en cas de déménagement par exemple64(*).

Lorsqu'il n'est pas ou plus possible d'établir le lien entre l'adresse et l'individu, l'image du logement n'est donc pas considérée comme une donnée à caractère personnel, sauf bien sûr à ce que les caractéristiques du logement soient uniques et permettent d'identifier la personne concernée. Ainsi, toutes les photographies d'immeubles ne sont pas des données à caractère personnel.

LOGEMENT ADRESSE

ADRESSE INDIVIDU

LOGEMENT INDIVIDU

Serait-il également possible de considérer que l'image d'un immeuble, qui comporte donc plusieurs logements et est associé à un certain nombre de personnes, puisse également être considérée comme une donnée à caractère personnel ? La CNIL rappelle que c'est le rattachement de l'immeuble à l'adresse et de la personne à l'adresse qui est ici au coeur de l'identification. Aussi, il importe peu « que la photographie de la propriété corresponde à un immeuble comportant plusieurs logements ou à une maison individuelle »65(*).

La donnée personnelle n'est pas caractérisée par le fait qu'elle fournisse ou non des informations sur la personne concernée. Elle est qualifiée ainsi dès lors qu'elle identifie une personne physique. Néanmoins, la photographie de l'immeuble, dès lors qu'elle franchit un certain seuil de qualité et de précision, transmet des informations sur la personne : il est possible de savoir si l'habitation de cet individu est un appartement ou une maison individuelle, de connaitre son niveau de vie, son patrimoine, etc... Schématiquement, l'internaute est face à la photographie d'un immeuble ; grâce à la localisation de cet immeuble, il est en mesure d'avoir accès à l'adresse et de recouper cette information avec d'autres données pour obtenir le nom de la personne liée à cette adresse ; la photographie de l'immeuble lui donne ainsi des informations sur cette personne telles qu'une approximation de son patrimoine, du nombre de personnes avec qui elle vit, de ses goûts, etc...

Cette donnée apporte, en outre, des informations non négligeables sur la personne concernée. Elle permet, en effet, de manière incidente, d'évaluer la valeur de la maison66(*) selon ses caractéristiques (surface, état, etc...) et sa localisation (quartier huppé, résidentiel, etc..) et donc de déduire des informations sur le patrimoine de la personne concernée. La valeur d'une maison constitue un élément d'information sur un objet : l'immeuble ; mais également sur son propriétaire.

Une telle identification de l'habitant ou du propriétaire de l'immeuble présente donc certaines vertus, notamment en matière fiscale ou d'urbanisme. Il est, en effet, possible d'observer la présence de piscines ou de bâtiments dans les jardins clôturés. Les services publics peuvent alors recouper les informations en leur possession et sanctionner les particuliers qui ont fait construire sans permis et/ou qui n'ont pas déclaré ces constructions aux impôts locaux.

Le règlement général sur la protection des données67(*), dit RGPD, a notamment inséré dans la définition des données à caractère personnel une référence aux données de localisation. Comment cette notion est-elle caractérisée ? La localisation est le fait d' « être situé dans l'espace et le temps»68(*). La directive INSPIRE définit la donnée géographique comme « toute donnée faisant directement ou indirectement référence à un lieu spécifique ou une zone géographique ». Il semblerait donc, selon nous, qu'une interprétation extensive de ces données de localisation permette d'intégrer les images représentant des immeubles69(*), dès lors que ces images sont localisables sur une carte. Ainsi, lorsqu'une photographie fait référence à un lieu spécifique (celui du logement photographié) et permet donc de situer la personne qui y habite ou qui en est propriétaire, elle est considérée à la fois comme une donnée géographique et comme une donnée personnelle. La photographie est alors une donnée de localisation nominative.

Section 2 - La collecte et la diffusion des prises de vues aériennes, spatiales ou depuis la voie publique

Dès lors que l'image d'un immeuble est considérée comme une donnée permettant l'identification d'une personne physique, sa collecte et sa diffusion doivent se faire dans le respect de la loi Informatique et Libertés et du règlement général sur la protection des données. Ainsi, le traitement doit notamment avoir un fondement légitime (I) mais le responsable de traitement doit encore remplir certaines obligations et assurer les droits des personnes concernées (II).

I - Les fondements de la collecte et de la diffusion des prises de vues

Concernant la représentation d'un immeuble, les images sont d'abord collectées (A), traitées puis diffusées sur Internet (B).

* 56 « Les nouveaux développements en matière de cartographie du territoire », site de la CNIL, 24 avril 2012

* 57Délibération n°2012-088 du 29 mars 2012 dispensant de déclaration les traitements automatisés de données personnelles mis en oeuvre aux fins de consultation de données issues de la matrice cadastrale par toute commune, groupement et organisme privé ou public chargé d'une mission de service public ainsi que la diffusion sur internet de base géographique de référence au sens du code de l'environnement, et abrogeant la délibération n° 2004-074 du 21 septembre 2004 (DI-016)

* 58Elle s'applique encore au début du mois de juin 2018.

* 59Toutefois, s'il réutilise certaines données personnelles communiquées, il devra respecter les dispositions de la loi Informatique et Libertés.

* 60L'adresse seule ne permet pas de savoir dans quel type de logement Monsieur X habite.

* 61 23ème rapport d'activité 2002, Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, La documentation Française, édition 2003, pp.142-143

* 62 Avis du groupe de l'Article 29 (G29), 6/2013 sur la réutilisation des informations du secteur public (ISP) et des données ouvertes, 1021/00/FR, WP 207, 5 juin 2013, p.19

* 63 Avec l'aimable autorisation de Monique Drogoul.

* 64 Pour autant, le fait d'avoir habité telle maison pendant telle période peut être considéré comme une donnée à caractère personnel.

* 65 23ème rapport d'activité 2002, Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, La documentation Française, édition 2003, p.142-143

* 66Avis du groupe de l'Article 29 (G29), 04/2007 sur le concept de données à caractère personnel, 01248/07/FR, WP 136, 20 juin 2007, p.10

* 67Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données, RGPD)

* 68Dictionnaire en ligne Larousse

* 69 « Guidelines for public administrations on location privacy », JRC Technical Reports, European Union Location Framework, 2016, p.4 : « location data such as addresses (...) or camera images (...) »

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway