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La photographie du territoire, entre donnée personnelle et donnée publique

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par Azéline Boucher
Université Paris Descartes - Master 2 - Droit des Activités Numériques 2017
  

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A/ La collecte des photographies

Les photographies des immeubles peuvent provenir d'un capteur situé sur la voie publique, dans un plan horizontal (2), ou d'un capteur dans le ciel, sur un plan vertical (1).

1. Les photographies aériennes et spatiales

Les prises de vue aérienne et spatiales sont encadrées par la loi (a). Aussi, les possibles fondements légitimant leur collecte sont limités (b).

a) L'encadrement par la loi des techniques de photographie

La collecte d'images aériennes par des capteurs aéroportés est encadrée. Ainsi, toute personne qui souhaite réaliser des enregistrements d'images au-dessus du territoire national doit faire une déclaration dans les quinze jours précédent l'opération auprès du chef de service territorial de l'aviation civile (Article D133-10 du Code de l'aviation civile).

Le recours aux satellites pour observer la surface terrestre est également limité. Notamment, la résolution 41/65, adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 3 décembre 1986, prévoit que l'État, dans le cadre de ses activités de télédétection, doit respecter le droit international.

Concernant les drones, plusieurs dispositions restreignent son utilisation au-dessus des propriétés privées. L'article 544 du Code civil énonce que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». L'article 552 du même Code précise que « la propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous ». Qu'en est-il alors du volume se trouvant à l'aplomb du sol ? Si les droits du propriétaire ont été sacrifiés quant à l'espace survolé par des avions (Article L6211-3 du Code des transports), ils subsistent néanmoins lorsqu'un drone vient à se trouver dans cet espace. Il appartiendra alors au propriétaire de prouver que ce survol porte atteinte à ses droits. Il est néanmoins reconnu que « dès lors qu'il est équipé d'un appareil photo (...), un drone peut potentiellement porter atteinte à la vie privée, capter et diffuser des données personnelles»70(*).

De même, deux arrêtésdu 17 décembre 201571(*) relatifs à l'encadrement des drones rappellent le respect de la vie privée et de la protection des données personnelles.

b) Le fondement légitime de la collecte de photographies aériennes

L'article 7 de la loi Informatique et Libertés expose les différents fondements sur lesquels peuvent s'appuyer les traitements de données à caractère personnel : le consentement, le respect d'une obligation légale, la sauvegarde de la vie de la personne concernée, l'exécution d'une mission de service public, l'exécution d'un contrat ou la réalisation de l'intérêt légitime du responsable de traitement ou du destinataire.

L'IGN a notamment pour mission de « réaliser et renouveler périodiquement la couverture en imagerie aérienne ou satellitaire de l'ensemble du territoire national»72(*). Sa mission de service public l'exonère donc de respecter les dispositions du Code de l'aviation civile. Celui-ci prévoit notamment qu'elles ne s'appliquent pas aux « escadrilles photographiques » de l'IGN. Aussi, l'Institut collecte des données personnelles relatives aux images des logements captées par avion ou par satellite sur le fondement de l'exécution d'une mission de service public.

Un organisme public peut-il alors requérir de l'IGN qu'il collecte des images ? Le sénateur Jean-Louis Masson a notamment demandé au ministre de la transition écologique et solidaire si « une commune peut utiliser un drone pour procéder à des contrôles de propriétés privées à l'effet, notamment, de relever d'éventuelles infractions aux règles d'urbanisme ou de non-déclaration de création de piscines pour le calcul de l'assiette des impôts locaux »73(*). Il lui a été répondu que « la captation d'images par la voie des airs au moyen d'un drone survolant une propriété privée peut être considérée comme une ingérence dans la vie privée » et que « le constat d'une infraction sur une propriété privée à l'aide d'un drone peut être considéré comme illicite dès lors que la zone contrôlée est inaccessible aux regards»74(*).

Qu'en est-il alors d'images aériennes prises par l'IGN pour le compte d'une commune afin de contrôler le respect de contraintes d'urbanisme ainsi que la déclaration de piscines ? L'article 4 du décret statutaire de l'IGN prévoit qu'il peut apporter son concours, par convention, à des administrations, collectivités et services publics. Aussi, l'IGN peut collecter des images aériennes pour le compte d'une commune lorsque cela répond à l'exercice des compétences propres de cette commune. Pour autant, l'article 25-I 3° de la loi Informatique et Libertés, qui sera abrogé sous peu,prévoit une autorisation de la CNIL pour « les traitements, automatisés ou non, portant sur des données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté (...)». Ainsi, dès lors que cette collecte comprenait également des données à caractère personnel (l'identité de l'habitant ou du propriétaire peut être identifiée par les images notamment), il convenait de demander l'autorisation de la CNIL. Le projet de loi Informatique et Libertés ne prend plus en considération les infractions en matière fiscale ou d'urbanisme. Toutefois, cette collecte devra être inscrite au registre des traitements, en vertu du règlement général sur la protection des données personnelles.

Qu'en-est-il alors des opérateurs privés ? Quel est le fondement de leurs collecte ? Le site Internet de Google Earth précise75(*) que « les images sont collectées au fil du temps auprès de différents fournisseurs et plates-formes ». La liste de ces fournisseurs n'est néanmoins pas divulguée. Il semblerait que ce soit par des relations contractuelles que Google obtienne des images du territoire. Il n'est donc pas un collecteur lui-même.

Nous n'avons trouvé aucune déclaration relative à Google Earth auprès de la CNIL76(*). Des données indirectement nominatives sont pourtant concernées par ce service. Ainsi, quels pourraient être les fondements de la collecte des images par les partenaires de Google ? Ils pourraient reposer sur une mission de service public (dans le cas où Google s'approvisionnerait en données auprès de l'IGN) ou encore sur l'intérêt légitime du destinataire de ces données, Google. En effet, le moteur de recherches souhaite fournir un meilleur accès à l'information géographique. Pour cela, il ambitionne d'agréger l'ensemble des images du territoire afin d'offrir la meilleure précision possible. Il a donc besoin de données collectées par des tiers ayant accès à plus de ressources que ses services. Aussi, Google achète des données de description du territoire auprès de différents partenaires, notamment institutionnels.

La question peut alors se poser de savoir si dans ces conditions, les partenaires sont qualifiés de responsables de traitement ou de sous-traitants. Selon nous, cette qualification dépendra selon que les données sont présentées sur étagères - le partenaire sera alors responsable de traitement - ou si elles répondent à des demandes spécifiques du moteur de recherches. Google pourrait alors déterminer les moyens et les finalités de la collecte ; le partenaire serait donc considéré comme un sous-traitant.

2. Les prises de vues depuis la voie publique

La collecte de photographies depuis la voie publique (et le traitement relatif à l'anonymisation des plaques d'immatriculation et des visages) faisait quant à lui l'objet de déclarations auprès de la CNIL.

Si cette autorité offre un accès aux déclarations qui lui ont été faites et notamment aux informations relatives aux données concernées, aux finalités ou aux destinataires, le fondement du traitement n'est néanmoins pas précisé.

Il semblerait alors qu'il faille, ici aussi, se fonder sur l'hypothèse de l'intérêt légitime du prestataire qui collecte les données (Google par exemple). Afin de réaliser sa finalité, à savoir permettre l'accès à l'information géographique de précision, il a « besoin » de collecter des images depuis la rue, ces images étant parfois relatives à des personnes physiques. Depuis peu, Google Street View propose également aux internautes de contribuer à son service77(*). Ils deviennent alors eux même collecteurs de données personnelles.

Ces photographies des domiciles sont collectées dans le but, ensuite, de diffuser les images du territoire sur Internet. Avant publication, ces images sont souvent retraitées pour correspondre géométriquement à la réalité du sol. Cette phase de transformation de la prise de vue en ortho-imagerie ne sera pas développée au sein de cette étude.

* 70« Usages des drones et protection des données personnelles », Protection de la vie personnelle, Centre national de la recherche scientifique, http://www.cil.cnrs.fr, 15 novembre 2012

* 71 Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent, JORF n°0298 du 24 décembre 2015, p.23897, texte n° 22 ; Arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l'utilisation de l'espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord, JORF n°0298 du 24 décembre 2015, p.23890, texte n° 20

* 72Article 2 2° du décret statutaire de l'IGN, n° 2011-1371

* 73Question écrite n°01425 de Jean-Louis MASSON, JO Sénat, 5 octobre 2017, p.3053

* 74 Réponse du Ministère de la cohésion des territoires à la question n°01425 de Jean-Louis MASSON, JO Sénat, 11 janvier 2018, p.94

* 75« Comment les images sont-elles collectées ? », Aide Google Earth

* 76 Le service Google Maps a néanmoins fait l'objet d'une déclaration, accessible via le site de la CNIL,en consultant le « fichier des fichiers ».

* 77 https://play.google.com/store/apps/details?id=com.google.android.street&hl=fr

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault