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La photographie du territoire, entre donnée personnelle et donnée publique

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par Azéline Boucher
Université Paris Descartes - Master 2 - Droit des Activités Numériques 2017
  

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A/ L'information relative au traitement

L'information présentée à la personne concernée doit comporter certaines précisions sur le traitement (1). Dans le cas d'une collecte indirecte, l'information s'avère plus complexe. Aussi, la forme collective peut être envisagée pour diffuser ces renseignements (2).

1. Les informations relatives à la durée de conservation des données, la finalité et les destinataires du traitement

En 2012, Philippe Meunier, alors député, avait demandé au Ministère de l'Intérieur à ce que les prises de vue aérienne de propriétés privées disponibles sur Google Maps78(*) soient encadrées et que, notamment l'accord des propriétaires soit sollicité79(*).

Le Ministère de la Justice, et non celui interrogé, avait alors répondu qu'en application de la loi Informatique et Libertés, « lorsque les données n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, ce qui est le cas s'agissant des données personnelles obtenues par Google Maps, le responsable du traitement ou son représentant est tenu, dès l'enregistrement des données ou, si une communication des données à des tiers est envisagée, au plus tard lors de la première communication des données, de fournir à la personne visée les informations suivantes : l'identité du responsable du traitement, la finalité poursuivie par le traitement, le caractère obligatoire ou facultatif des réponses aux demandes faites par la personne concernée, les conséquences éventuelles à son égard d'un défaut de réponse, ainsi que les destinataires ou catégories de destinataires des données et les droits dont elle dispose ».

Il avait ajouté que « la loi ouvre la possibilité à toute personne concernée de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que les données personnelles la concernant fassent l'objet d'un traitement et lui permet de demander la rectification ou l'effacement de données inexactes notamment » et rappelé que la CNIL était chargée de veiller au respect de ces dispositions80(*).

Les images des domiciles relatives à des personnes sont aujourd'hui largement diffusées sur Internet. Aussi, cette publication ne connait pas de limite de temps, ni de destinataire. Si cette diffusion massive et continue se justifie pour les données de l'IGN en raison de sa mission de service public et du mouvement d'ouverture des données publiques81(*), elle est plus difficilement acceptable pour les données des opérateurs privés.

La personne concernée devra, dans tous les cas, être informée de l'identité de la personne qui collecte et/ou diffuse les images de son domicile, de la raison pour laquelle elle le fait, de l'identité des personnes pouvant accéder à ces images, de la durée de conservation de ces photographies, de son droit d'opposition, d'accès, de rectification.

2. Une information collective

La loi Informatique et Libertés prévoit que lorsque les données n'ont pas été recueillies auprès de la personne concernée, le responsable de traitement peut fournir les informations prescrites lors de la première diffusion des données.

Néanmoins, il n'est pas envisageable d'informer individuellement chaque personne concernée. Aussi, concernant la collecte d'images aériennes, satellites ou depuis la rue, il peut être prévu une information sur le site Internet des communes concernées, au sein du journal local ou sur le site du collecteur, comme c'est le cas pour Google Street View :

Pour la diffusion, l'information pourra être rendue disponible via un lien sur la page Internet du site concerné. Néanmoins, cela ne prend pas en considération les personnes dont la maison est photographiée puis diffusée en ligne alors qu'eux-mêmes n'ont pas accès à Internet. De même, cela peut s'avérer problématique lorsque l'habitant ou le propriétaire de la maison photographiée déménage ou vend son domicile. Le nouvel occupant ne sera pas nécessairement informé qu'il y a eu une collecte de l'image de son nouveau domicile. Peut-il alors s'opposer à ce traitement ?

B/ L'exercice des droits d'accès, de rectification, de mise à jour, d'effacement des données et d'opposition au traitement

Le responsable de traitement devra assurer les droits de la personne concernée sur ses données personnelles (1), notamment le droit d'opposition à la collecte et/ou à la diffusion des images de la maison (2).

1. La mise en place du dispositif d'accès, de rectification, de mise à jour et d'effacement des données collectées

L'IGN ou Google, pour ne citer que les acteurs les plus importants, doivent permettre à l'habitant ou au propriétaire de la maison photographiée de rectifier les images diffusées (si des travaux ont été réalisés notamment), mais également d'effacer ces photographies lorsqu'elles ne sont plus à jour (la maison a été démolie par exemple). Pour autant, les mises à jour continues sont coûteuses. Aussi, une tolérance pourrait être observée.

2. L'opposition à la collecte et/ou à la diffusion des données issues des photographies géographiques

Si le fondement de la collecte ou de la diffusion des photographies aériennes, spatiales ou prises depuis la voie publique ne repose jamais sur le consentement de la personne concernée, celle-ci conserve néanmoins la possibilité de s'y opposer. Ce droit est conditionné (a) et délicat à respecter (b).

a) Des motifs légitimes

L'article 38 de la loi Informatique et Libertés conditionne l'exercice du droit de s'opposer au traitement à des « motifs légitimes ». L'article 21 du règlement général sur la protection des données personnelles est plus souple puisqu'il reconnait un « droit de s'opposer à tout moment, pour des raisons tenant à sa situation particulière ».

Cette situation particulière et ces motifs légitimes peuvent être rapprochés du « trouble anormal » ou de l'atteinte à la vie privée. En effet, dans le cas de la diffusion sur Internet de la photographie des maisons et immeubles par France Telecom, les plaignants considéraient que cela constituait une atteinte à leur vie privée82(*). De même, les renseignements publiés sur Internet (surface de l'habitation, état des menuiseries, couleur de la toiture) peuvent être utilisés à leur insu pour leur proposer des démarchages ciblés.

Toutefois,l'article 38 de la loi Informatique et Libertés précise encore que lorsque la collecte ou la diffusion des photographies se fonde sur une base légale, comme ce peut être le cas pour les traitements de l'IGN, la personne concernée ne peut bénéficier d'un droit d'opposition.

b) L'exercice délicat de la mise en oeuvre de l'opposition

Les services de Google ou de Mappy ne proposent la faculté de s'opposer à la diffusion des images d'une maison que lorsque la photographie est prise depuis la voie publique. Cela peut paraitre étonnant puisque les prises de vue aérienne ou satellite permettent pourtant un accès à l'intimité de la personne, à ce qui n'est pas visible depuis la rue. Il conviendrait donc, selon nous, d'assurer un droit d'opposition pour ces photographies également.

La CNIL considère que l'exercice du droit d'opposition à la diffusion de l'image du domicile en ligne appartient à la personne dont le nom est rattaché à l'adresse, et à elle seule puisque c'est elle qui est identifiée. C'est donc l'occupant du lieu ou le propriétaire qui peut agir. A la différence de la Cour de cassation pour la jurisprudence relative au droit à l'image du bien, la CNIL n'opère pas de distinction entre la qualité de propriétaire ou de locataire.

La prise en compte du droit d'opposition peut constituer dans le retrait de la donnée concernée ou encore dans le floutage de l'immeuble ou de la maison individuelle. La solution la plus efficace serait de supprimer le lien entre l'image du logement et l'adresse de ce logement. Néanmoins, ce procédé est impossible dès lors que la photographie est recontextualisable.

En outre, plusieurs points peuvent également être débattus. S'il est possible de s'opposer à la diffusion, qu'en-est-il de la collecte ? Comment organiser le filtrage des images collectées ? Cela nous semble impossible. De même, si la personne concernée parvient à obtenir que sa maison soit dépixellisée ou floutée sur le site, il persiste encore le risque qu'un internaute ait fait une capture d'écran de cette image. Enfin, comment la personne qui n'a pas accès à Internet peut-elle s'opposer à la diffusion de la photographie de son logement ?

Dès lors que l'image d'une maison est considérée comme une information indirectement nominative, elle doit être protégée. Néanmoins, avant même d'être une donnée personnelle, cette image est une donnée géographique. Comment concilier alors l'ouverture des données géographiques avec la protection des individus ?

* 78En réalité, Google Earth.

* 79 Question n°3763 de Philippe MEUNIER, JO Assemblée nationale, 4 septembre 2012, p.4887

* 80Réponse du Ministère de la Justice à la question n°3763 de Philippe MEUNIER, JO Assemblée nationale, 5 mars 2013, p.2609

* 81 L'autorisation unique AU 001 reconnait notamment le droit d'accès du public aux bases de données géographiques de référence.

* 82 23ème rapport d'activité 2002, Commission nationale de l'Informatique et des Libertés, La documentation Française, édition 2003, pp.142-143

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