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Complexification et ambiguïté de la politique d'orientationSuite à notre examen des deux « direction[s] de guidance » de la politique d'orientation de l'ECV, nous pouvons constater une complexification des représentations de cette politique. A travers des changements entre ces deux directions, nous pouvons remarquer que, dans le Plan fondamental 2006-2010, émergèrent une série de nouvelles thématiques dont les origines et les poids ne sont pas toujours les mêmes, et qui influencent les représentations de la politique d'orientation de l'ECV : renforcement de la force concurrentielle ; gestion rationnelle d'exploitation (management) ; agriculture respectueuse de l'environnement ; qualité et sécurité alimentaires ; renforcement de l'autosuffisance alimentaire ; multifonctionalité ; développement rural ; échange entre ville et campagne ; produire et consommer localement ; éducation alimentaire ; Ikigai pour les personnes âgées etc. Ces nouvelles thématiques impliquent souvent des éléments dont la nature est différente de celle de la propre mission de l'ECV : le développement technico-écnomique de l'agriculture via la recherche de la productivité. Puis, ses intentions affirmées pour soutenir les divers producteurs étaient toujours accompagnées par un constat de la situation locale de plus en plus aggravée de l'agriculture et de la ruralité (vieillissement des producteurs porteurs même, aggravation de l'abondan de terrains etc). Les représentations politiques de l'agriculture et de la ruralité de la région de Toyota qu'exprime l'ECV étaient, dans un premier temps, dualistes (fort ou faible par le seul critère de la productivité) et commandées par le haut (le département et l'Etat). Cependant, elles sont influencées, d'un côté, par une série de thématiques émergentes de plus en plus structurées émanantes de l'extérieur, de l'autre côté, par l'évolution de la situation locale où le vieillissement et l'exode marque décisivement un effet négatif. Ainsi, elles se complexifient et deviennent de plus en plus ambiguës. Une forte attente vis-à-vis du Projet Nô-Life dans le cadre de la politique de « nouveaux porteurs »Rappelons que l'ECV affirmait, dans le Plan fondamental 2006-2010, son soutien pour les activités du Centre Nô-Life dans le cadre du « soutien de l'installation agricole des nouveaux participants » en vue de la « formation des porteurs de la génération future »576(*). « Nouveaux participants » comme nouveaux porteurs ?Le terme « nouveaux participants (shinki sannyû sha) » designe ici les personnes non originaires des exploitations professionnelles toujours considérées comme cibles de la politique sélective d'orientation depuis le Plan fondamental 2001-2005. Ce sont de nouveaux producteurs ou candidats producteurs dont le nombre est croissant et qui : « n'ont pas de base pour la gestion agricole (Nôgyô keieikiban wo motanai) » ; « ne font pas partie de l'association des jeunes agriculteurs (4H Club) » ; « sont âgés de plus de 30 ans » ; « n'ont pas de connaissances agricoles ni d'expériences »577(*). Quelle place est alors accordée par l'ECV à ces nouveaux venus dans le domaine agricole ? Rappelons que le premier objectif de la politique d'orientation de l'ECV était formulé, dans le Plan fondamental 2006-2010, par un nombre d'exploitations professionnelles à former qui correspondait à seulement 2% du nombre total des foyers agricoles du territoire concerné (236 sur 9481). Et le type d'exploitations agricoles cibles de cette politique sélective était uniquement celui des exploitations professionnelles dont le nombre est de 426. Dans le Plan fondamental 2006-2010, la catégorie des « nouveaux participants » en tant que « porteurs » est clairement distinguée de celle des « successeurs des exploitations cibles (jûten shigô taishô keiei-tai nô sitei) »578(*). Donc, la place des nouveaux participants d'origine « non agricole », cités plus haut, reste secondaire du point de vue de la politique sélective de l'ECV. Et comme nous avons pu le constater dans l'examen du Plan fondamental 2006-2010, l'attente affirmée par l'ECV pour l'installation de nouveaux retraités est attaché au fait qu'ils suivent leur orientation de nature productiviste dans le domaine de légumes. Autrement dit, ce nouveau type de « participants » a simplement été ajouté dans la cartégorie des porteurs de l'agriculture selon le même critère de jugement de la production agricole. Monsieur N nous a répondu à ce propos lors de notre entretien en répondant à la question formulée ainsi « Que pensez-vous de l'objectif principal579(*) du Projet Nô-Life ? » : « Euh, je pense qu'il est quand même important de former de nouveaux porteurs. Jusqu'à maintenant, on essayait d'assurer les porteurs en faisant que les successeurs reprennent les fermes (les activités agricoles). Mais il est inévitable de trouver des porteurs à partir d'autres personnes. `Non originaire des foyers agricoles (hi-nôka)', puis-je dire ? Mon idée est qu'il faut mettre en valeur de tels porteurs. » Et il trouve qu'il y a un avantage particulier chez ces nouveaux porteurs grâce aux « bonnes images » de l'agriculture qu'ils ont, par rapport aux « mauvaises images » présentes chez les « gens originaires des fermes » : « Par exemple, en discutant avec différentes personnes, je me suis rendu compte que, comme les personnes originaires des fermes connaissent trop l'amertume de l'agriculture et les grandes difficultés que leurs parents ont, certains en ont marre de l'agriculture. Puis, il y a pas mal de gens originaires des fermes qui étaient salariés et qui ont pris leur retraite. Eux, ils n' ont pas envie de faire de l'agriculture, je pense. Mais, au contraire, les gens qui ne se sont jamais occupés de l'agriculture jusqu'à maintenant, n'ont pas de telles mauvaises images. Ils pensent plutôt même que l'on peut travailler agréablement dans la montagne, quoique un peu naïvement, infuencés par la télé etc. (rire). Pourtant, ce n'est pas souvent la réalité...» [Enquêteur : La `liberté' etc...] « Une bonne image où il n'y plus de contraintes (shigarami) comme à l'intérieur d'une entreprise (kaisha), je crois. C'est pourquoi mon idée personelle est de bien mettre en valeur de telles personnes. Je pense que c'est également un travail dont il faut bien se charger en tant que conseiller. » [Enquêteur : Pensez-vous uniquement aux personnes âgées ?] « Non. Si je parlais des retraités,en fait, il y a aussi quelques jeunes dans Nô-Life, » [Enquêteur : Ce qui est caractéristique dans Nô-Life, c'est qu'il y a divers types de personnes. En réalité, pas mal de personnes qui ne pensent pas forcément à la `deuxième vie' etc.] «Oui, il y en a qui essaient de gagner leur croûte avec l'agriculture. Mais, surtout pour les jeunes personnes, on ne leur apporte que de bonnes images, lorsque ils essaient de s'installer et nous allons les orienter (rire jaune). Pour ceux qui vont gagner leur croûte, on les oriente en disant que ce n'est pas si heureux que ça. S'ils viennent uniquement avec de bonnes images comme ` il sera facile de gagner de l'argent ' ou ` on me prêtera facilement de l'argent et je pourrai facilement trouver des terrains' (rire jaune). Puis, s'ils n'ont que l'image où l'on peut travailler en liberté et que c'est bien, cela mettra en question notre responsablilié. Cela nous dérange s'ils viennent avec une telle facilité. Donc, on les oriente comme il faut. On les prévient même avant qu'ils y entrent. » Là, on entrevoit qu'existe un décalage réel entre des perceptions générales de l'agriculture chez les nouveaux participants, qui sont « bonnes » mais souvent opportunistes d'après Monsieur N, et celles qui sont normatives et productivistes de l'ECV. Si Monsieur N s'exprime en faveur des nouveaux participants, il affirme clairement que les principes d'orientation de l'ECV ne vont pas changer vis-à-vis de ce type de personnes. * 576 Ibid : 8. * 577 Ibid : 9. * 578 Ibid : 8. * 579 Les objectifs principaux : inciter les habitants de se mettre à l'agriculture compte tenu des problèmes liés au vieillissement de population à venir (deuxième vie, Ikigai, santé etc) ainsi que des problèmes agricole et rural aggravés (augmentation de friches agricoles, diminution du nombre d'agriculteurs). Et ainsi contribuer à la diminution de friches puis au maintien de porteurs. |