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Dynamique des représentations sociales de l'agriculture et de la ruralité dans un contexte territorial du vieillissement de la population : Le cas du « Projet Nô-Life » de la Ville de Toyota au Japon


par Kenjiro Muramatsu
Université de Liège
Traductions: Original: fr Source:

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Attentes vis-à-vis du Projet Nô-Life : renforcement du rapport avec le public pour la main-d'oeuvre et la reconnaisance de la zone de production

Malgré ces problèmes rencontrés au cours du stage pratique, Monsieur N insiste sur la valeur du Projet Nô-Life du point de vue de la « main-d'oeuvre (hitode) » agricole que ce projet peut générer sur le long terme :

« [Enquêteur : Attendez-vous quelque chose du Projet Nô-Life ?] Oui, absolument. Il s'agit de la main-d'oeuvre. C'est très important. C'est déjà super qu'autant de gens soient venus se rassembler, n'est-ce pas ? Puis, chacun des stagiaires dit à son épouse et l'épouse dira à quelqu'un d'autre. Et ainsi ça va se diffuser. Désormais, pour l'agriculture, il faut que le plus de gens possibles provenant des autres secteurs s'y impliquent. Il suffit même de venir voir, aussi. Donc, il y a vraiment une très bonne chose dans Nô-Life. Il y a déjà 36-37 stagiaires au total et ils parleront de leur activité à leur épouse et l'épouse en parlera quelque part et ainsi de suite... De ce point de vue là, c'est super. Il y a un grand mérite. Ainsi, les gens vont davantage s'intéresser à la pêche ou à la poire et essayer d'en manger une. En fait, la pêche et la poire, c'est quelque chose dont on peut se passer pendant toute l'année ! Ce n'est pas la peine de les manger, n'est-ce pas ? Mais avec Nô-Life, par exemple, les enfants s'intéresseront à la pêche que leur père a produite, et également, cela peut aller jusque chez les petits enfants... Ca, c'est vraiment important. »

Cette attente confirmée par Monsieur N vis-à-vis du Projet Nô-Life reflète fortement son souci sur le problème du manque de ressources humaines pour sa zone de production à venir, notamment en raison du vieillissement et du manque de successeurs des activités agricoles. Et il ne souhaite pas seulement s'assurer la main-d'oeuvre agricole, mais également faire reconnaître sa zone de production par le public.

Par ailleurs, il constate également que, « grâce au Nô-Life et aux activités du GASATA » qu'il y a des retraités salariés qui ont l'intention de reprendre l'arboriculture fruitière de leurs parents dans son village, et que l'on peut trouver cette tendance même en dehors du Projet Nô-Life.

Exemple de Monsieur YM, un stagiaire : cas idéal pour la main d'oeuvre et la sociabilité...

Parmi les stagiaires des années 2004-2006, Monsieur YM est le seul à avoir commencé la production fruitière, dans un verger de poiriers de 15ares appartenant à Monsieur N603(*). Pour Monsieur N, le cas de Monsieur YM est idéal en terme de débouchés pour les stagiaires.

Monsieur YM, que nous avons également intérrogé, étant troisième enfant d'une ferme de Shikoku produisant la clémentine (mikan), s'est installé dans la Ville de Toyota pour travailler dans une usine de l'Automobile Toyota. Et il est actuellement salarié retraité après avoir travaillé pendant 40 ans dans le secteur automobile. Ayant fini les deux ans de la formation Nô-Life dans la filière frutière en 2005, il a commencé à mener la production de poires sur 15ares de vergers qu'il loue actuellement à Monsieur N. Il travaille tous les week-ends au verger. Il insiste qu'il ne mène pas ses activités agricoles dans le but de gagner de l'argent, mais dans le but de « s'assurer son lieu d'existence (jibun no ibasho wo kakuho shitakatta) ». Il distribue la moitié de sa récolte à ses voisins et vend le reste au marché de grossiste. Ses activités agricoles lui coûtent 300 000 yens (soit environ 2000 euros) par an. Et il trouve « décevant » la performance économique de ses activités agricoles par rapport à ses anciens collègues qui continuent à être employés dans leur entreprise en gagnant près de 600 000 yens (environ 4000 euros) par an604(*). Cependant, il met l'accent sur la relation qu'il a pu créer, grâce à la distribution de sa récolte, avec ses voisins avec lesquels il n'avait pas de contacts auparavant. Et il se réjouit de « pouvoir vivre dans la nature » et de « sentir toutes les saisons » à la différence de la vie de salarié qu'il était, dans laquelle on ne peut pas sentir le changement de saison et où « il n'y a que le chaud ou le froid là-bas ».

Monsieur N espère également qu'il y aura davantage de stagiaires comme Monsieur YM. Ceci dans le sens où la présence de stagiaires dans les vergers réanime la sociabilité parmi les habitants des foyers agricoles dont notamment les femmes et les personnes âgées. Il y a effectivement des habitants des foyers agricoles qui ont rencontré Monsieur YM sur leurs vergers et ils se sont communiqués : « Ces papis, leurs épouses et belles filles, dit Monsieur N, ne sont que des papis et leurs épouses et belles filles du quartier. Mais pour les stagiaires de Nô-Life, ce sont des 'enseignants' comme nous ! » Ainsi, ils apprennent souvent à Monsieur YM leur méthode de l'arboriculture au travers de leur communication. Telle est un des souhaits de Monsieur N pour le Projet Nô-Life. Et il met également l'accent sur le fait que cela peut influencer la relation entre habitants des foyers agricoles qui ont tendance à se considérer les uns les autres comme des « concurrents »605(*). Le fait que Monsieur YM communique avec des habitants du quartier, créé « une bonne ambiance » pour Monsieur N. Monsieur N souhaite également que les stagiaires de Nô-Life mènent leur activité non de manière « trop professionnelle » mais familiale avec leurs épouses ou leurs enfants.

* 603 A part ceux qui ont commencé les figues (ichidiku).

* 604 Suite à la réforme des pensions où l'âge de réception des pensions sera progressivement repoussé de 60ans à 65 ans, les entreprises japonaises sont actuellement encouragées à continuer à employer les personnes âgées de plus de 60 ans. Il s'agit de la politique du « Prolongement de la période d'emploi (Koyô-enchô) ».

* 605 Monsieur N : « Quant aux voisins, mamies, en fait, les paysans ont tendance à se considèrer comme des concurrents ».

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